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La retraite de l’humaniste Nguyen Huy Thiep

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Quand Un général à la retraite en 1990 paraît aux éditions de l’Aube, c’est la première fois qu’un écrivain vietnamien contemporain est publié en France depuis la guerre d’Indochine. Nguyen Huy Thiep disait : «J’avais seulement quelques jours quand ma mère a dû me prendre dans un panier sur son dos pour fuir les bombes françaises.»

Né le 29 avril 1950 au nord du pays et mort le 20 mars, cet auteur de nouvelles, de pièces de théâtre et de romans était sans doute la figure la plus connue d’une génération qui avait grandi pendant la guerre et publié à l’époque du Dôi Moi, la politique de rénovation lancée par le parti communiste. Ces écrivains de l’après-guerre et du renouveau s’étaient assignés une mission en plaçant la critique sociale au cœur de leur œuvre.

«Sa plume n’a jamais tremblé»

La nouvelle Un général à la retraite décrit l’accablement d’un vieil homme face au matérialisme de la nouvelle société socialiste. Elle a provoqué le scandale, inquiété les autorités et rendu célèbre Nguyen Huy Thiep. Mais être connu ne l’avait pas rendu prospère. C’est dans l’un des deux restaurants qu’il avait ouverts que Libération le rencontre à Hanoï en 1995. Après des études d’histoires, il avait enseigné de 1970 à 1980 dans le Tây Bac, le nord-ouest du pays. C’est à la faveur du Dôi Moi qu’il publie en 1986 son premier recueil de nouvelles. «Avant, disait-il de la vague de libéralisation, les Vietnamiens vivaient comme des animaux enfermés dans une étable et qui attendaient d’être nourris par leurs maîtres. Maintenant, ils peuvent brouter autour de l’étable.» Son style pouvait être corrosif et plein de métaphores. Son éditrice Marion Hennebert : «Sa plume, aussi acérée que tendre, n’a jamais tremblé dans sa dénonciation du régime politique, de la privation de liberté de penser, d’agir, de vivre…»

Les éditions de l’Aube ont poursuivi la traduction de son œuvre (1). Ainsi, en 2005, est paru A nos vingt ans, son premier roman, description sociologique de la jeunesse vietnamienne fascinée par les merveilles du capitalisme, mais aussi récit autobiographique sur la toxicomanie de son fils cadet. Le livre avait été interdit dans son pays. «Moi, ce qui m’intéresse, disait-il, c’est parler de l’individu, avec ses joies et ses peines, ses aspirations, ses espoirs. J’écris également sur la violence des sentiments, cette violence contenue dans tous les rapports humains.» Dans ses textes, il pouvait insérer des morceaux de poésie inspirée des ca dao (chansons populaires) et des dictons traditionnels. «L’âme vietnamienne, ajoutait-il dans ce même entretien à Libération, c’est à la campagne qu’on la trouve : dans les coins les plus reculés, les hameaux les plus isolés. Là on peut voir de quoi sont faits la civilisation, l’humanisme du Viêt-nam.» Nguyen Huy Thiep, qui vivait dans les faubourgs de la capitale vietnamienne, était aussi sculpteur, peintre, dessinateur.

(1) Mon oncle Hoat, et autres nouvelles ressort en poche en juin.

Par Frédérique Roussel – Libération – 23 mars 2021

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