En Birmanie, Internet est de retour, la censure aussi
Depuis le week-end dernier, la junte militaire a rétabli les connexions à la Toile pour éviter de pénaliser trop longuement l’économie. Mais elle peut décider de limiter l’accès à certains sites.
La junte militaire birmane desserre son étau au profit des entreprises. Afin de ne pas pénaliser l’économie, le régime a en effet assoupli les restrictions d’accès à Internet imposées depuis le coup d’État militaire du 1er février. Une décision qui, selon Nikkei Asia, signale aussi le retour d’un bureau de la censure, qui contrôlera qui peut accéder à quoi.
Certains opérateurs de télécommunications ont ainsi ouvert l’accès aux applications bancaires et à celles indispensables aux entreprises. Les clients de l’opérateur étatique MPT peuvent notamment consulter leurs e-mails et accéder aux applications bancaires. “La junte a levé récemment les coupures d’Internet des usagers de la fibre”, précise le journal.
“Nous assistons au rétablissement de l’ancien bureau de la censure, mais cette fois sur Internet”, explique au journal Oliver Spencer, conseiller de l’organisation Free Expression Myanmar.
Les “diktats des militaires”
Il fait référence à un organisme qui contrôlait et censurait les journaux avant d’être dissous par l’ancien président Thein Sein en 2012 dans le cadre des réformes politiques. Une étape qui avait signalé la démocratisation du pays, les restrictions à la liberté d’expression étant ainsi levées. Ce processus a violemment été abandonné à la suite du coup d’État de février dernier.
Désormais, la junte pourra contrôler Internet, poursuit-il, autorisant les entreprises, les médias et les réseaux sociaux à la seule condition qu’ils respectent les “diktats des militaires”.
Une liste de sites autorisés
“Pour les banques et les entreprises, cela sera un atout à court terme, mais cela les pénalisera à long terme”, dit-il. Car, insiste-t-il, la junte peut couper l’accès à Internet à sa convenance, sans prévenir.
Ces dernières années, les autorités ont eu tendance à bloquer certains sites. Il semble que la nouvelle stratégie soit de n’autoriser l’accès qu’à ceux préalablement approuvés. L’établissement d’une liste autorisant les connexions à des adresses IP spécifiques permet de faciliter les opérations bancaires. Mais cette liste n’a pas été rendue publique.
Depuis le coup d’État du 1er février, le régime a, à plusieurs reprises, imposé des coupures, notamment la nuit, interrompu les accès mobiles ou wifi et censuré les plateformes de certains réseaux sociaux et de sites. Cette situation, où les plateformes numériques peuvent être paralysées, ainsi que les transactions numériques des banques locales, est dommageable pour les entreprises, et plus généralement pour l’économie.
Courrier International – 29 avril 2021
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