La Birmanie ou la censure par les listes
Nous parlons avec vous, Amaury de Rochegonde, du rétablissement d’un bureau de la censure en Birmanie, trois mois après le coup d’État qui a mené une junte militaire au pouvoir.
On fêtera, le 3 mai, la Journée mondiale de la liberté de la presse et la façon qu’ont trouvée les militaires birmans de la célébrer, c’est de rétablir un bureau de la censure qui avait disparu en 2012, avec la dissolution d’une junte. Décidément, le coup d’État du 1er février a réveillé de vieux démons, à ceci près qu’un comité de censure, aujourd’hui, doit moins se soucier de manier les ciseaux que de filtrer le web et les réseaux sociaux. C’est d’ailleurs ce à quoi s’est employée la nouvelle junte, en coupant l’accès à internet, de façon partielle ou totale pendant les manifestations, et notamment la connexion à l’internet mobile qui est un moyen efficace pour des manifestants de se coordonner ou de s’informer.
Seulement, depuis le sommet de l’Asean à Jakarta, le weekend dernier, le président indonésien Joko Widodo a appelé à la démocratie et à la fin des violences le chef de la junte, le général Min Aung Hlaing. Le pays ne peut, c’est vrai, supporter très longtemps la paralysie économique dont Patrick Pouyanné, le patron de Total, a rendu compte début avril dans le JDD en précisant qu’il n’avait versé à la Birmanie aucune taxe ou impôt, faute d’un système bancaire en état de fonctionner. Le rétablissement d’internet est donc indispensable. Même les multinationales françaises ne peuvent s’en passer. Que ce soit Total, Canal+ ou Accor, qui ont été appelées par Reporters sans frontières à cesser toute coopération avec la junte.
L’opérateur étatique de télécommunications (MPT), a donc rouvert les accès aux applications des banques et des entreprises. Mais pas question, bien sûr, d’avoir un internet hors de contrôle. En 2018 deux journalistes de Reuters qui avaient enquêté sur les massacres des Rohingyas avait déjà passé 500 jours en prison. Depuis le putsch, une soixantaine de journalistes, dont un reporter japonais, Yuki Kitazumi, ont été arrêtés. Le régime s’attaque aussi à ceux qui couvrent une répression ayant fait plus de 740 morts et 250 000 déplacés depuis le 1er février. Des avis de recherche sont publiés dans les journaux télévisés, avec des noms et des photos de journalistes comme de personnalités qui ont diffusé des informations sur le mouvement démocratique. Ils risquent trois ans de prison.
De même que le filtrage d’Internet passe par des listes d’adresses IP autorisées à se connecter, la censure s’exerce aussi à travers des listes noires de journalistes ou de défenseurs des droits de l’homme. Après s’en être pris à ceux qui couvraient les manifestations, la junte est passée au stade supérieur en arrêtant toute personne des médias susceptible de contredire sa propagande, selon RSF, qui appelle la communauté internationale à réagir.
Par Amaury de Rochegonde – Radio France Internationale – 1er mai 2021
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