Cambodge : des militants de l’environnement condamnés à des peines de 18 à 20 mois de prison
Au Cambodge, les activités des cours de justice ont été ralenties depuis que le pays fait face à sa première vraie vague de cas de Covid-19. La cour municipale de Phnom Penh, récemment équipée de vitres en plexiglas, a néanmoins condamné mercredi cinq activistes environnementaux à des peines de 18 et 20 mois de prison.
En septembre, le groupe de défense de l’environnement Mother Nature Cambodia annonce que l’une de ses membres, Long Kunthea doit marcher, seule, jusque chez le Premier ministre Hun Sen. L’objectif de cette action annoncée sur les réseaux sociaux: sensibiliser l’opinion aux conséquences du remblaiement du lac Boeng Tamok.
En effet, pour servir l’expansion perpétuelle de la capitale, de nombreux lacs qui entouraient Phnom Penh ont été progressivement remblayés, et ce, malgré les risques environnementaux décrits par plusieurs experts. Mais avant même que la marche ait lieu, Long Kunthea, Phuon Keoreaksmey et Thun Ratha sont arrêtés et placés en détention provisoire.
Mercredi 5 mai, les trois jeunes activistes se tenaient par la main à l’annonce du verdict. Leur projet de marche, ainsi que leurs nombreuses vidéos de sensibilisation, leur ont valu des peines de 18 à 20 mois de prison pour « incitation à commettre un crime ou à semer le trouble dans l’ordre public ».
Chea Kunthin, une autre activiste et Alejandro Gonzales Davidson, l’un des cofondateurs de Mother Nature Cambodia, ont quant à eux été condamnés par défaut, n’étant pas présents à la cour.
Un groupe de défense déjà critiqué par les autorités
Les activités de Mother Nature Cambodia, fondé en 2013, ont souvent été critiquées par les autorités et ont déjà conduit des membres du groupe devant la justice. Dragage de sable, remblaiement de zones de mangroves, rejet d’eaux usées dans des cours d’eau, depuis sa création, le groupe s’est fait connaître pour ses campagnes et ses exposés vidéo qui mettent en lumière les risques, et dérives environnementales liées au développement du Cambodge.
Mais dans le pays qui jusqu’à la pandémie connaissait l’un des taux de croissance les plus importants de la région, ces exposés sont rarement bien reçus par les autorités, fréquemment interpellées par le groupe.
Depuis l’arrestation des trois militants, Mother Nature Cambodia continue néanmoins de produire des vidéos, mais c’est désormais face cachée et voix déformées que les activistes s’exposent anonymement.
Une condamnation pointé du doigt par des groupes de défense des droits humains
Ces organisations ont toujours connu des difficultés, mais la pression que certaines subissent par voie judiciaire s’est intensifiée ces dernières années. Mercredi, la condamnation des activistes de Mother Nature Cambodia a ainsi fait l’objet de critiques issues de plusieurs groupes de défense des droits humains.
Dans un tweet, l’ambassadeur des États-Unis au Cambodge s’est dit préoccupé par la décision de justice et demande la libération des activistes afin que le public entende leur message de sensibilisation.
En 2020, une douzaine d’activistes issus de la jeunesse cambodgienne et des dizaines de membres de l’ancien parti d’opposition ont été arrêtés et accusés des mêmes faits d’« incitation ». Ces charges sont fréquemment critiquées pour leur cadre légal flou.
La multiplication des procès fait donc craindre aux organisations de défense des droits humains qu’elle ne finisse par conduire à l’autocensure des voix critiques, dans un pays où la totalité des sièges du Parlement est détenue par le parti au pouvoir.
Par Juliette Buchez – Radio France Internationale – 6 mai 2021
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