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Qu’attendre du nouveau Premier ministre vietnamien ?

Pham Minh Chính vient de prendre les commandes de la quatrième puissance économique de l’ASEAN, qui est en plein boom. Qui est-il ? 

Quels sont ses objectifs alors que le Vietnam pourrait accueillir de nombreuses entreprises installées aujourd’hui en Chine. Par Pascal Junghans, président Cereinec, chercheur associé, Centre de recherche en gestion (EA CNRS).

Le nouveau Premier ministre vietnamien, Pham Minh Chính, a pris les commandes d’une économie en plein boom. Élu par le Congrès du Parti communiste puis confirmé, le 5 avril 2021, par un vote de l’Assemblée nationale, il accède, à 62 ans, au cercle très fermé des quatre dirigeants principaux de ce pays de 98 millions d’habitants, avec Nguyen Phu Trong, 76 ans, Secrétaire général du Parti unique ; Nguyen Xuan Phuc, 66 ans, Président de la République, et Vuong Dinh Hue, 64 ans, Président de l’Assemblée nationale. Qu’attendre de cet homme qui prend les commandes d’un pays parmi les plus dynamiques dans la région du monde la plus dynamique ? La réponse se trouve en partie dans son passé ainsi que dans les dossiers qu’il doit traiter.

Homme discret

Pham Minh Chính est un homme discret qui laisse derrière lui bien peu d’informations sur sa vie. Agé de 17 ans, en 1975, à la fin de la guerre « américaine », il est diplômé d’un doctorat en droit, selon Bloomberg. Membre du Comité central du Parti communiste depuis le 11eme congrès, en 2011, il accède à son Bureau politique, l’instance suprême, lors du 12eme congrès, en 2016, indique l’agence officielle de presse du Vietnam. Celle-ci ajoute qu’il a été Président de la Commission centrale d’organisation du Parti, chargée de préparer les nominations des cadres à tous les échelons, ainsi que chef du sous-comité « pour la protection politique interne », soit la lutte anti-corruption. Ces positions de pouvoir permettent de placer des hommes à soi aux postes-clé.

Auparavant, Pham Minh Chính aurait eu une carrière de 25 ans au sein du ministère de la Sécurité publique, selon Intelligence on line, une lettre confidentielle française, généralement bien informée. Selon nos informations, il a été en poste à l’Ambassade du Vietnam à Bucarest entre 1981 et 1984 et a occupé le poste de Vice-ministre de la Sécurité publique chargé des finances, des sciences, de la technologie et de l’environnement ; en clair, le renseignement économique. Bref, Pham Minh Chính appartient au groupe des dirigeants issus du ministère de la Sécurité qui prend de plus en plus de place dans le pouvoir vietnamien depuis le 12e congrès de 2016. Droits de l’Homme et libertés publiques ne devraient pas se trouver à l’ordre du jour. La vague d’arrestations qui a précédé l’ouverture du 13e congrès se serait poursuivie ensuite. Des ONG ont protesté contre une possible violation des accords commerciaux conclus, notamment avec l’Union européenne, qui protègent les droits humains. Est-ce la crainte que des exigences accrues de libertés émergent d’une politique poussant à un fort développement économique ?

Doubler le PIB par habitant d’ici 2030

Car le congrès du Parti a fixé à Pham Minh Chính des objectifs élevés : achever l’industrialisation du pays en 2025, prendre une place importante dans l’économie asiatique, avec un doublement du PIB par habitant en 2030, pour le centenaire de la fondation du Parti communiste et, enfin, atteindre une société à hauts revenus en 2045, année du centenaire de la proclamation de l’indépendance du pays par Hô Chi Minh. Un sérieux défi pour Pham Minh Chính qui ne semble pas posséder d’expérience directe en matière économique. Il est ainsi le seul Premier ministre de l’histoire vietnamienne à ne pas être passé par le poste préparatoire de Vice-Premier ministre. Cependant, Pham Minh Chính a été secrétaire du Comité provincial du Parti de Quảng Ninh, de 2011 à 2014, où il a initié d’importantes réformes et de considérables projets d’infrastructure qui ont permis de placer cette importante région en tête du classement de l’indice de compétitivité provincial.

Si l’économie vietnamienne est bien diversifiée avec une industrie qui représente 39 % du PIB et 47 % pour les services, le Vietnam va faire face au développement de la robotisation de l’industrie dans les pays développés qui devrait réduire rapidement l’attractivité́ de ce pays aux faibles salaires qui dopent les exportations. Pham Minh Chính devra donc piloter la montée en gamme de l’économie vietnamienne. C’est d’ailleurs aussi la mission fixée par le Congrès du Parti communiste : « Accorder de l’importance à la transformation numérique nationale et au développement économique numérique sur la base du développement scientifique et technologique ». Tout repose sur des ressources humaines de haut niveau.

Chute des performances des systèmes éducatifs

Et c’est bien là que le bât blesse. Les évaluations de PISA, ce programme international mené par l’OCDE pour mesurer les performances des systèmes éducatifs, sont impitoyables. Le Vietnam figurait parmi les tout meilleurs mondiaux en mathématiques et sciences en 2012. En 2016, selon les derniers chiffres connus, le pays se trouve à une flatteuse huitième place mondiale en sciences mais avec une baisse de 4 par rapport à 2012. En mathématiques, c’est une sévère chute de 17 points. Les incontestables efforts accomplis par les autorités n’ont pas apporté les résultats escomptés. C’est certainement sur ce point que Pham Minh Chính devrait avoir le plus de travail.

Par Pascal Junghans – La Tribune – 8 juin 2021

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