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Birmanie : l’opposition à la junte lance un appel à la «guerre de résistance»

Dans un discours de sept minutes, le président du gouvernement d’unité nationale a appelé à un «soulèvement national dans chaque village, ville et cité du pays» pour réinstaurer la démocratie.

Depuis le 1er février 2021, la transition démocratique que tentait d’instaurer la cheffe du gouvernement civil depuis 10 ans, Aung San Suu Kyi a été avortée par le coup d’État de la junte birmane. À la tête de ce nouveau pouvoir, Min Aung Hlaing, le chef de l’armée. Si une résistance s’est organisée pour rétablir la démocratie dès février, elle s’est progressivement essoufflée. L’appel à la «guerre de résistance» sonne comme une nouvelle tentative de rassemblement.

  • Qui a lancé cet appel ?

Il s’agit de Duwa Lashi La, le président du gouvernement d’unité nationale du Myanmar (NUG). Ce gouvernement est considéré comme «fantôme», car non reconnu par la communauté internationale pour le moment. Il est formé par des ex-députés du parti d’Aung San Suu Kyi, en réaction au coup d’État de l’armée en Birmanie.

  • Que contient cet appel ?

Dans ce discours de 7 minutes, le président du gouvernement fantôme Duwa Lashi appelle à un «soulèvement national dans chaque village, ville et cité du pays en même temps».

Il déclare l’état d’urgence et invite à une «révolte contre le règne des terroristes militaires dirigés par Min Aung Hlaing dans tous les coins du pays. […] Nous écarterons Min Aung Hlaing et déracinerons la dictature de Birmanie pour de bon et nous pourrons établir une union démocratique fédérale pacifique qui garantit pleinement l’égalité et à laquelle tous les citoyens aspirent depuis longtemps.»

Concrètement, tous les citoyens du Myanmar sont invités à se soulever contre la junte militaire. Les soldats et les policiers sont appelés à quitter leurs fonctions pour prendre part à cette «guerre défensive». Duwa Lashi leur recommande de soutenir les guérillas des différentes armées qui s’opposent à l’armée birmane.

Enfin, le gouvernement s’engage à «déraciner la dictature» et à construire une démocratie fédérale pour protéger l’ensemble des citoyens, sans aucune distinction.

  • Que se passe t-il en Birmanie depuis ?

Après le discours, le site birman Myanmar Now a publié des photos d’embouteillages dans les rues de Rangoun, l’ex-capitale, et d’habitants qui dévalisent les supermarchés. Plusieurs affrontements armés ont eu lieu dans les zones frontalières entre le Tatmadaw et les armées ethniques.

Au lendemain de l’appel, onze antennes-relais contrôlées par les militaires depuis le coup d’État en février ont été détruites. Resté anonyme, un des participants à l’opération a déclaré à l’AFP : «Notre intention est de détruire les entreprises contrôlées par les militaires (et celles) qui les soutiennent pour se maintenir au pouvoir».

Sur place, les habitants restent sceptiques. C’est le cas d’un expatrié depuis 10 ans, qui souhaite rester anonyme. Il explique: «À Rangoun, les supermarchés sont souvent dévalisés lorsqu’il y a une annonce qui sort de l’ordinaire. Quelques bombes artisanales ont sauté dans la ville, peut-être une dizaine. C’est plus que d’habitude, mais ici, ça saute tous les jours. Il y a un peu plus de patrouilles dans les rues, rien de choquant.»

Il observe davantage une lassitude qu’un engouement: «La ville était noire de monde en février, mais aujourd’hui les gens n’y croient plus trop. On traverse une crise économique, une crise sanitaire… si c’est pour mettre encore plus le chaos, ce n’est pas la peine. Je crois que les gens vont attendre quatre ou cinq jours pour observer si le mouvement prend, sinon, ça n’aura servi à rien».

  • Comment a réagi la junte Birmane ?

D’après l’AFP, les généraux accusent le NUG de chercher à attirer l’attention avant une réunion de l’assemblée générale des Nations unies qui se tiendra la semaine prochaine et qui examinera quelle entité – la junte ou le NUG – représente désormais la Birmanie.

«Les groupes terroristes se rendent compte qu’ils sont sur le point d’échouer. C’est pourquoi ils tentent de maintenir leurs efforts afin d’attirer l’attention internationale», a déclaré le porte-parole de la junte, Zaw Min Tun, dans un communiqué.

  • A t-il des chances d’aboutir ?

Cet appel est surtout un moyen pour le NUG d’annoncer qu’il passe d’une stratégie de résistance pacifique à une stratégie armée. «C’est une nécessité face à l’inaction de la communauté internationale», observe Tin Tin Htar Min, présidente de l’association Communauté birmane de France.

Le NUG, qui n’est un gouvernement officiel, ne peut se procurer des armes auprès des pays étrangers et n’a donc pas les mêmes moyens que la junte. Pourtant, Tin Tin Htar Min le pense: « Les fusils de chasse et les bombes artisanales permettront d’attaquer les endroits stratégiques du pays pour déstabiliser la junte.» Sont notamment visées les usines d’armement, des bases aériennes ou des antennes de télécommunication.

«Pour le moment, la junte ne veut rien entendre. Mais cette résistance armée doit permettre d’aboutir à des discussions politiques. Elle doit aboutir à un retour de la démocratie, peut-être pas tout de suite, sûrement dans quelques années. Ce qui et sûr, c’est que si la France, l’Europe et l’ONU reconnaissent le NUG, ce retour sera beaucoup plus rapide», conclut-elle.

Par Jeanne Paturaud – Le Figaro – 9 septembre2021

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