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Les meurtres de civils sympathisants des militaires se multiplient en Birmanie

Quatre nouvelles victimes innocentes, dont deux enfants, viennent de s’ajouter au macabre décompte des civils tués par d’autres civils sous des prétextes fallacieux – mais que les feuilles de propagande tant du régime en place (comme The Global New Light of Myanmar ou Myanmar Alinn) que de ses opposants (tels Irrawaddy ou Myanmar Now) justifient à longueur de colonnes, chacun excusant son camp pour ses violations répétées des droits humains.

Mais c’est bien un régime de vendetta entre civils qui sévit aujourd’hui dans de nombreux endroits de Birmanie. Ainsi, pour la deuxième fois en l’espace de 4 jours dans les villages avoisinant la ville de Taze, dans la région de Sagaing, plusieurs membres d’une même famille – cinq victimes le 19 septembre, quatre victimes le 22 septembre – ont été assassinés alors qu’ils étaient sans armes. Parmi les individus exécutés figuraient quatre enfants, de 18, 16, 12 et 5 ans.

Leur crime ? Pour l’une des familles, le grand-père était accusé de « sympathie envers la police et les militaires. Il leur parlait. C’était un informateur », selon le témoignage recueilli auprès de voisins par un journaliste indépendant local ; cet homme, sa femme, son fils, sa fille et son petit-fils sont donc morts pour avoir parlé à des individus en uniforme – le journaliste n’a pu recueillir aucun élément sur les propos échangés, les voisins interrogés s’avouant incapables de le dire. Pour l’autre famille, elle était coupable d’avoir deux policières en son sein, lesquelles n’étaient pas présentes au moment du massacre et ne font donc pas parties des victimes, mortes pour des liens familiaux qui n’engageaient en rien leurs convictions ou leurs actions.

« Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage »

Les assassins n’ont pas revendiqué leurs actes, et les milices paramilitaires locales des Forces de défense du peuple nient en être les perpétrateurs, selon les supports de propagande qui les ont interrogés. Ces mêmes supports qui condamnent les policiers ou l’armée lorsque ceux-ci émettent le même genre de dénégations pour le même genre de crimes. Dénégations qui sont de fait à ne pas croire la plupart du temps…

Car évidemment des représailles tout aussi aveugles et tout aussi condamnables n’ont pas tardé. Des soldats ont brûlé des maisons de ces deux villages, forçant leurs habitants à s’enfuir. Comme si ce voisinage impliqué une culpabilité… Là encore la punition collective inacceptable a prévalu. Ce cycle meurtrier de vendetta/représailles alimenté de rumeurs, de rejet violent de la différence et d’intérêts personnels – « Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage », écrivait en 1410 la poétesse Christine de Pizan – est devenu commun dans certaines parties du pays et dans l’immédiat rien ne semble devoir le limiter puisque chaque partie argumente de son bon droit pour violer allègrement toute une série d’articles de la Déclaration universelle des droits humains, notamment les articles 11, 12, 18 et 19.

Morte pour avoir été candidate à une élection

Grâce à son travail remarquable, l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP) calcule qu’au 25 septembre 2021, 1038 civils avaient été indûment tués par les forces de l’ordre birmanes. Malheureusement, en grande partie parce qu’un tel travail est extrêmement difficile à réaliser car reposant sur des critères subjectifs, aucun décompte aussi sérieux n’existe quant aux victimes civiles tuées parce qu’elles partagent les idées et le discours de l’actuel gouvernement. Or, les articles 12, 18 et 19 de la Déclaration universelle des droits humains octroient à chacun la liberté de penser et de s’exprimer et protège normalement des condamnations sans preuves…

Malgré tout, en s’appuyant sur diverses sources – médias locaux, diplomates, entreprises de sécurité, ONGs… – il est possible d’avoir une estimation large du nombre de ces morts et en ne gardant que le nombre le plus bas possible, cette estimation est d’au moins 800 personnes depuis le début des violences entre civils, en avril dernier. Les victimes sont essentiellement des administrateurs civils – des fonctionnaires mis en place par le gouvernement -, des personnes accusées d’être des « informateurs » ou des membres de milices paramilitaires pro-armées, des militants de partis politiques en désaccords avec ou opposés à la Ligue nationale pour la démocratie (LND), à l’instar de Wai Thi Phyo, une candidate au parlement national pour le compte du Mon Unity Party (MUP), assassinée par armes à feu en juin dernier « par des rivaux politiques tout puissants », selon son père. Cette estimation inclut bien sûr les « dégâts collatéraux » comme il est aujourd’hui coutume de nommer les victimes innocentes de sanctions aveugles, telles que les enfants déjà mentionnés.

Entre encouragement à la violence et soutien passif

Hier 27 septembre 2021, le quotidien Eleven rapportait que cinq personnes ont été gravement blessées dans la rue juste devant le bureau de la direction locale des transports de Mandalay suite à l’explosion d’une bombe artisanale ciblant cette administration civile. Sur la page Facebook du journal, un commentateur de l’article écrivait « j’en veux plus des comme ça » avec un signe d’éclat de rire. De nombreux observateurs du pays, notamment au sein des organisations impliquées sur la paix et les droits humains, s’inquiètent des conséquences à long terme de cette violence gratuite sur la capacité de la Birmanie à se reconstruire une fois cette crise passée.

Courageusement, car la neutralité est mal vue des deux camps, l’AAPP a déjà appelé à mettre fin à la violence, déclarant « que toutes les victimes de ces vagues de meurtres étaient des civils et des citoyens du Myanmar » et que donc ces violences constituées des violations de leurs droits humains. Sans succès. Un « dirigeant » d’un groupe de Force de défense du peuple (PDF) de Yangon a déclaré dans un support de propagande contre les militaires et sous couvert d’anonymat que « ce type d’actes [les assassinats ciblés de civils] se poursuivra jusqu’à ce que les généraux répondent aux demandes du peuple ». Sans pouvoir dire ce que serait ces demandes car le peuple est divers…

Quant à Daw Aung San Suu Kyi, dont une rumeur disait qu’elle désapprouvait ces meurtres de civils, son équipe d’avocats a démenti après l’avoir rencontrée, affirmant qu’elle leur avait déclaré « qu’elle n’allait jamais à l’encontre des souhaits du peuple »… ou de ceux qui s’en réclament ?

Lepetitjournal.com – 27 septembre 2021

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