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Au Vietnam, une célèbre journaliste condamnée à neuf ans de prison

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Militante pour la liberté de la presse et les droits de l’homme, Pham Doan Trang, 43 ans, était harcelée depuis des années par les autorités vietnamiennes.

«Juste au cas où je serais emprisonnée, écrivait en 2019 la blogueuse Pham Doan Trang, je ne veux pas la liberté pour moi seule : c’est trop facile. Je veux quelque chose de plus grand : la liberté pour le Vietnam.» La journaliste et militante de 43 ans se savait, depuis de longues années, dans le collimateur des autorités de son pays. Ce mardi, elle a été condamnée à neuf ans de prison par un tribunal de Hanoï, accusée entre autres de «diffuser de la propagande contre la république socialiste du Vietnam».

Selon le juge Chu Phung Ngoc, elle a fait preuve d’un «comportement dangereux pour la société», avec «l’intention de violer le régime socialiste». En conséquence, elle devait être «sévèrement punie». D’après les documents fournis par l’accusation, le gouvernement reproche à Pham Doan Trang d’avoir stocké illégalement et diffusé plusieurs rapports, l’un concernant une catastrophe écologique, l’autre sur la liberté de religion au Vietnam, et le troisième sur la situation des droits de l’homme. L’Etat vietnamien désapprouve aussi sa participation à une table ronde pour l’édition vietnamienne de la BBC et un entretien à Radio Free Asia Vietnam.

«La blogueuse prolifique Pham Doan Trang subit de dures représailles de la part du gouvernement en raison d’une décennie passée à plaider en faveur de la liberté d’expression, de la liberté de la presse et des droits humains. En la poursuivant, les autorités vietnamiennes montrent à quel point elles redoutent les voix critiques et populaires», a déclaré Phil Robertson, directeur adjoint de la division Asie de Human Rights Watch, dans un communiqué.

Arrêtée 25 fois

La sentence prononcée contre Pham Doan Trang clôt des années d’engagement, mais surtout des années de persécutions de la part du régime vietnamien. Sa carrière de journaliste commence dans des médias d’Etat, qu’elle quitte rapidement pour participer à des manifestations pacifiques contre les politiques gouvernementales. Sa première arrestation remonte à 2009, lorsqu’elle est détenue pendant neuf jours, pour des raisons de «sécurité nationale». Elle se retrouve ensuite en résidence surveillée.

Lors de son audience, Pham Doan Trang a indiqué avoir été arrêtée 25 fois depuis 2015, et «terrorisée» par les forces de police. De fait, en avril 2015, elle participe à une manifestation pro-environnementale à Hanoï et se retrouve blessée par les forces de sécurité. L’année suivante, le président américain Barack Obama, en visite à Hanoï, l’invite à se joindre à un rassemblement d’activistes. La police l’arrête et l’empêche d’y assister. La même année, elle écrit à maintes reprises sur l’une des pires catastrophes écologiques survenues au Vietnam : un déversement de produits toxiques qui avait provoqué la mort de plusieurs tonnes de poissons. En novembre 2017, elle est interpellée pour avoir rencontré une délégation de l’Union européenne.

Dans son livre Policies of a Police State («les Politiques d’un Etat policier», non traduit en français), elle avait dénoncé le harcèlement incessant qu’elle subissait, revenant notamment sur la diffusion à son insu de photographies intimes prises sur son ordinateur. Son ultime arrestation remontait au 6 octobre 2020, à Hô Chi Minh-Ville. Transférée à Hanoï, elle se trouvait depuis en détention provisoire, sans avocat. Selon Human Rights Watch, qui réclamait lundi sa libération et l’abandon des poursuites la visant, les accusations qui pèsent contre elle et les mauvais traitements subis en prison violent le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, pourtant ratifié par le Vietnam en 1982.

Essais interdits

Si Pham Doan Trang dérange autant les autorités vietnamiennes, c’est aussi parce qu’elle a toujours soutenu certains sujets : les droits des personnes LGBT +, les questions environnementales, le conflit territorial entre le Vietnam et la Chine, les violences policières, la répression des activistes et la défense des droits de l’homme. En 2019, elle devient rédactrice en chef du magazine en ligne Luat Khoa Tap Chi (The Vietnamese dans sa version anglophone),qui documente précisément tous les manquements aux droits humains au Vietnam. Elle cofonde également la maison d’édition Liberal Publishing House, qui publie des essais – interdits par le gouvernement –, qu’elle quitte en 2020.

Elle s’est souvent adressée à ses lecteurs, en leur demandant d’utiliser les réseaux sociaux à dessein, afin de créer un mouvement de la société civile, non violent et florissant. Selon Human Rights Watch, au moins 146 personnes sont actuellement détenues pour avoir exercé leurs droits fondamentaux au Vietnam, où deux autres militants doivent être jugés cette semaine.

Par Margot Davier – Libération – 15 décembre 2021

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