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Laos : une voie ferrée bâtie sur une montagne de dette chinoise

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Le Laos a inauguré en grande pompe en décembre une coûteuse voie ferrée le connectant avec la Chine, mais la fête risque d’être de courte durée, préviennent les analystes, inquiets des prêts chinois colossaux que le pays pauvre d’Asie du Sud-Est va devoir rembourser.

La longue voie relie la capitale Vientiane à Kunming, dans le sud de la Chine. Des plans grandioses prévoient de la prolonger jusqu’à Singapour dans le cadre d’un futur réseau régional à grande vitesse.

“Les rêves du peuple laotien sont devenus réalité”, s’est congratulé lors de l’inauguration le 3 décembre le président Thongloun Sisoulith, prédisant “une nouvelle ère de développement d’infrastructures modernes” pour son pays isolé.

Son homologue chinois Xi Jinping s’est même fendu d’une apparition vidéo pour présenter ses félicitations, le projet étant financé par des prêts consentis par Pékin dans le cadre de sa politique des “Nouvelles routes de la soie” (“Belt and Road”) lancée en 2013 pour accroître son influence économique.

Les analystes, eux, craignent de sérieuses difficultés de remboursement pour le Laos, dont la dette s’élève désormais à 13,3 milliards de dollars, soit près des trois quarts de son produit intérieur brut (PIB).

Une situation susceptible d’aggraver la réputation d'”Etat satellite de la Chine” que traîne le pays, dont 47% de la dette est détenue par Pékin. Le gouvernement espère que la nouvelle ligne de chemin de fer deviendra rentable d’ici 2027.

Mais relier un petit marché de 7 millions d’habitants à Kunming a “une logique commerciale limitée pour un chemin de fer aussi onéreux”, avertit Jonathan Andrew Lande dans un rapport pour la Banque asiatique de développement.

Le remboursement de la dette “accroîtra la pression” sur un gouvernement qui souffre déjà d’une “capacité limitée à augmenter les impôts” en raison de la pauvreté du pays, pronostique-t-il.

Montage financier défavorable

Selon AidData, un institut de l’université américaine William and Mary dont l’ambition est de rendre le financement du développement dans le monde plus transparent, le montage mis en place pour financer le projet s’avère défavorable et risqué pour le Laos.

La voie ferrée est détenue par une coentreprise contrôlée à 70% par trois sociétés d’Etat chinoises et à 30% par une entreprise publique laotienne.

Sur le coût total de 5,9 milliards de dollars, 3,54 milliards ont été financés par des prêts consentis par la banque chinoise Eximbank, et 2,36 milliards par les fonds propres des partenaires.

Mais pour apporter sa part de fonds propres (730 millions de dollars), le Laos a signé un prêt supplémentaire de 480 millions de dollars auprès d’Eximbank. Selon AidData, ce montage équivaut à une “dette cachée” qui rend “sans valeur” la part du Laos dans le projet ferroviaire.

De plus, reste à savoir quel pays volerait au secours de cette structure au cas où elle se retrouverait en défaut de paiement, AidData soulignant le risque que le Laos se fasse lâcher par ses partenaires chinois.

Les autorités communistes du Laos ont depuis longtemps lié le développement économique du pays à leur puissant voisin du nord. Entre 2008 et 2019, Vientiane a contracté 5 milliards de dollars de prêts chinois, essentiellement pour financer des barrages.

En août 2020, l’agence de notation Moody’s a relégué la dette laotienne au statut d’obligations pourries, vite suivie par Fitch Ratings.

Au bord du défaut

D’après AidData, le gouvernement laotien était début 2021 “au bord du défaut de paiement et a demandé d’urgence un allègement de sa dette auprès de ses créanciers chinois”.

Mais la Chine est souvent réticente à effacer les dettes de ses créanciers, et ne leur consent que des ajournements (souvent accompagnés de taux d’intérêt plus élevés) ou des rééchelonnements.

En septembre, le Laos a vendu pour 600 millions de dollars son réseau de distribution d’électricité à une entreprise publique chinoise, apparemment pour rembourser une partie de son ardoise. Selon Fitch, d’autres ventes de biens publics sont à prévoir.

Un phénomène déjà observé dans d’autres pays d’Asie, le cas le plus frappant étant la prise de contrôle par la Chine en 2017 du port de Hambantota, au Sri Lanka, après que le pays se fut avéré incapable de rembourser un énorme prêt.

Mais pour Ben Bland, de l’Institut Lowy, le Laos n’a guère le choix. “Quelle est l’alternative?”, s’interroge ce chercheur. “Je ne crois pas que d’autres partenaires d’investissement et de développement aient envie de supplanter la Chine”.

Agence France Presse – 19 décembre 2021

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