Les conséquences d’une crue tardive et faible dans le delta du Mékong
Pour les paysans du delta du Mékong, la saison de la « montée des eaux » est d’une grande importance. Mais cette année, la crue, autrefois réglée comme du papier à musique, arrive deux mois plus tard, menaçant tout un mode de vie. Explications.
En temps normal, les crues dans le delta du Mékong commencent en août et se terminent en novembre ou décembre. Elles permettent d’apporter des alluvions ainsi que des poissons dans les rizières, de débarrasser les sols des produits chimiques et autres polluants, mais également de détruire les ravageurs des cultures. Sans ces crues, les agriculteurs devraient dépenser davantage en engrais et pesticides, avec les conséquences que l’on connaît sur l’environnement et la santé des populations. Pourtant, cette année, les crues sont faibles et tardives.
De bon matin, au carrefour du pont Bac Co Lau, district d’An Phu, province d’An Giang, qui était l’une des zones de pêche les plus fréquentées du delta du Mékong pendant la saison des inondations, seules quelques barques capturent des espèces aquatiques dans les champs.
Une triste saison des crues
Trân Van Gàng, 68 ans, originaire de la commune de Nhon Hôi, district d’An Phu, fait savoir que les eaux commencent seulement à monter, ne favorisant pas la reproduction des poissons, crevettes et d’autres espèces aquatiques. En plus de 50 ans d’expérience dans la pêche, il n’a jamais vu une saison des crues aussi triste que cette année.
« Les crues sont arrivées tardivement, donc les poissons +linh+ (Cirrhinus jullieni), une spécialité de la saison des inondations, sont coincés dans la rivière et n’arrivent pas dans les champs pour se reproduire », constate M. Gàng. « Il y a eu une chute des captures de cette espèce dans les champs cette année », ajoute-t-il.
« Les années précédentes, en août, les champs débordaient. Les soirs, scintillaient les +lanternes célestes+ des pêcheurs. Au petit matin, les barques revenaient plein de poissons : linh (Henicorhynchus), cá trèn (ompok), cá leo (Wallago attu), cá cóc (Cyclocheilichthys enoplos)… Tous sont des spécialités de la saison des crues », se souvient M. Gàng. À son avis, la saison des crues dans le delta du Mékong culmine généralement à la mi-octobre. Cependant, cette année, l’eau monte très tardivement, laissant les champs très secs.
À l’ouest de la rivière Hâu, les habitants des communes de Nhon Hôi, Phu Hôi, Vinh Hôi Dông, du district d’An Phu, préparent leur matériel pour attraper des espèces aquatiques. Bien que l’eau soit revenue, son niveau est encore très bas et les poissons comme les crevettes sont encore en faible quantité, créant beaucoup de difficultés pour les paysans.
Cao Xuân Diêu, secrétaire du Comité du Parti de la commune de Nhon Hôi, informe que les captures de poissons sauvages sont moindres que ce qu’elles étaient il y a encore quelques années, à cause du faible niveau d’eau. De plus, à cause du COVID-19, les locaux ont dû appliquer strictement les mesures de prévention et ne sortir que lorsque cela était nécessaire.
La période des inondations est également la saison de la récolte des fleurs de diên diên dông (Sesbania sesban), une spécialité culinaire de cette saison. Ces arbres poussent le long des rivières, des canaux et des champs, et leurs fleurs sont utilisés pour préparer des plats tels que soupes aigres-douces et cornichons de fleurs fermentés. Nguyên Thi Lài, originaire du district de Châu Phu à An Giang, partage que les diên diên dông ne fleurissaient qu’une fois par an, pendant la saison des inondations. Au cours des années précédentes, elle et ses voisines se levaient à l’aube et allaient en barques récolter leurs fleurs et les vendre au marché local. Ensemble, elles étaient capables de récolter trois à cinq kilogrammes de fleurs par jour. Cependant, cette année, elles n’ont pas récolté de fleurs car il y en avait très peu et elles devaient dû suivre strictement les mesures de prévention de la pandémie.
Manque d’alluviaux
Outre l’approvisionnement d’espèces aquatiques dans les rizières, les eaux de crue apportent également des sédiments qui fertilisent les champs. Elles détruisent les agents pathogènes des maladies et les herbes sauvages dans les rizières, aidant les agriculteurs à réduire les coûts de production pour la prochaine récolte de riz.
Phan Van Giàu, habitant de la commune de Nhon Hung, du district de Tinh Biên, province d’An Giang, déclare que « chaque année, après la récolte du riz d’été – automne, les locaux ne cultivent pas tout de suite le riz d’automne – hiver et laissent les eaux de crue s’écouler pour récupérer les sédiments ».
Nguyên Si Lâm, directeur du Service de l’agriculture et du développement rural d’An Giang, fait savoir que la province envisage de cultiver plus de 230.000 ha de rizières d’hiver – automne 2021-2022. Pour éviter une pénurie d’eau d’irrigation et une épidémie de larves de plantes brunes, le principal ravageur du riz, les paysans sont encouragés à semer le riz en trois étapes entre novembre et décembre.
Cette année, An Giang et les autres provinces du delta du Mékong devraient faire face à une intrusion précoce d’eau salée et à une sécheresse au cours de la saison sèche 2021-22 en raison des faibles eaux. Le secteur de l’agriculture et du développement rural d’An Giang a demandé aux paysans qui ne cultivent pas de riz d’été – automne de laisser les eaux de crue s’écouler dans les champs pour récupérer les sédiments et détruire les germes et les herbes sauvages, afin que les champs soient fertilisés pour la saison hiver – printemps 2021-2022.
Par Huong Linh – Le courrier du Vietnam – 8 janvier 2022
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