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Un an après, le coup d’État inachevé de l’armée birmane

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Le 1er février 2021, l’armée birmane chassait le gouvernement civil du pouvoir et réinstaurait la junte militaire. Un an après, celle-ci ne parvient pas à imposer son autorité, sur la scène nationale comme internationale.

En Birmanie : l’armée prenait le pouvoir, un an jour pour jour

Le prenait ou plutôt le reprenait, envoyant croupir en prison Aung San Suu Kyi et les représentants du pouvoir civil élu… la puissante armée birmane mettait fin à cette parenthèse démocratique qu’elle avait concédée en 2011. Il semblerait qu’en dix ans, les habitants du pays – et notamment les plus jeunes – aient eu le temps de prendre goût aux libertés et à la démocratie, car après un an de dictature de la junte et d’une répression implacable, “la résistance populaire n’a jamais été aussi forte en Birmanie” selon CNN.

D’après les défenseurs des droits humains cités par la chaîne américaine, le bilan est sans appel : “Le coup d’État militaire a échoué, il n’a pas réussi à asseoir son emprise sur la population birmane… et c’est pour cela qu’il redouble encore de moyen pour mater cette insoumission“. Inutile de chercher en profondeur pour avoir des exemples de cette politique de domination par la peur. Le site d’information dissident Frontier Myanmar, nous raconte comment la junte a tenté ces derniers jours de contrer un nouveau mode de contestation mis en place pour ce jour anniversaire du coup d’État : la “grève du silence“, qui consiste à bloquer le pays en fermant les boutiques en ce jour du 1er février, à ne pas sortir dans les rues, à garder portes et volets fermés…

Là-bas, le mouvement est très suivi depuis ce 1er février, et pourtant donc le pouvoir avait tout fait pour pousser à la délation des commerçants en particuliers qui prévoyaient de suivre cette grève du silence. Nombre d’entre eux ont été arrêtés suite à de simples dénonciations sur les réseaux sociaux, emprisonnés pour sédition et soutien actif au “terrorisme” puisque c’est ainsi qu’est qualifiée toute opposition à la dictature.

Tout cela n’a donc pas dissuadé les Birmans de dire, une fois de plus, leur refus de la junte et de cette “nouvelle normalité surréaliste” qu’elle tente de leur imposer, pour reprendre les mots du quotidien japonais Nikkei Asia. Ne pas accepter la banalisation de la dictature : cela a conduit des régions entières de Birmanie, celles situées près des frontières et peuplées par des minorités ethniques séparatistes, à basculer dans la guerre civile contre le pouvoir militaire. Le pays reste donc coincé dans un entre-deux conflictuel, avec une économie et un système éducatif qui tournent au ralenti, des réseaux électriques et de communication qui sont régulièrement coupés, et la désobéissance civile qui s’immisce partout quitte à emprunter des moyens beaucoup plus expéditifs. Depuis un an, la capitale économique du pays Rangoun a été secoué par pas moins de “121 explosions criminelles contres de bâtiments publics quand il ne s’agissait pas d’assassinats ciblés de dignitaires ou d’informateurs du régime militaire“. De quoi renforcer plus encore la répression féroce opérée par ce dernier.

Et pourtant la junte n’arrive pas à imposer son autorité à l’intérieur de la Birmanie, pas plus qu’elle n’y parvient sur la scène internationale. C’est le constat que font plusieurs journaux asiatiques, à commencer par le South China Morning Post de Hong-Kong : les généraux qui entourent le nouvel homme fort du pays, Min Aung Hlaing, bataillent toujours pour conquérir cette légitimité diplomatique que leur refusent leurs voisins asiatiques et les puissances occidentales. Aucun de ces pays n’a fait mine d’accepter le discours de la junte pour justifier de son retour au pouvoir par la force, le fait que les démocrates auraient violé la constitution en organisant des fraudes massives pour remporter les élections de novembre 2020. En plus d’une année de répression, la Birmanie vient de traverser une année de profond isolement ; un temps cela a fait les affaires des militaires, leur permettant de combattre l’opposition sans se soucier des critiques internationales, mais aujourd’hui cela lui coûte beaucoup, puisqu’elle ne parvient pas, là non plus, à convaincre qu’elle est l’interlocuteur légitime du pouvoir en Birmanie, cette fameuse “normalisation” dont elle rêve tant.

Cet ostracisme diplomatique s’est particulièrement joué, précise le Bangkok Post, au sein de l’organisation régionale, l’ASEAN, qui a tenu bon et a refusé de réintégrer la junte tant qu’elle ne respecterait pas un plan de retour à l’état de droit en cinq points. Pire, note le quotidien thaïlandais, certains pays-membres menacent de reconnaître comme autorité légitime birmane le NUG, gouvernement d’union nationale qui constitue l’une des forces d’opposition aux militaires. En fait, la crise birmane, alerte Nikkei Asia, est en train de semer la zizanie au sein de l’ASEAN avec un premier pays, le Cambodge, qui montre des signes de rapprochement avec la junte et fait douter tous les autres. Faut-il le préciser, le Premier ministre cambodgien, Hun Sen, était arrivé au pouvoir en 1997 par un coup de force qui ressemblait beaucoup à un coup d’État… forcément, ça fait des points communs avec ses nouveaux amis birmans.

Par Camille Magnard – Radio France Culture – 1er février 2022

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