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Vietnam : deux journalistes de la presse officielle condamnés pour avoir révélé des faits de corruption

La justice vietnamienne a condamné le 5 avril dernier le journaliste Nguyen Hoai Nam à trois ans et demi de prison pour avoir mis au grand jour une affaire de corruption, avant d’envoyer, trois jours plus tard, un autre journaliste, Phan Bui Bao Thy, en « rééducation ». 

Reporters sans frontières (RSF) déplore cette double condamnation visant à faire taire deux journalistes qui ont agi dans un esprit d’intérêt général.

La sentence est tombée alors qu’il venait de “célébrer” son premier anniversaire de détention dans la prison de Chi Hoa, à Hô-Chi-Minh-Ville, dans le sud du pays. Nguyen Hoai Nam a été condamné le 5 avril à trois ans et demi de prison, au motif de l’article 331 du code pénal vietnamien, qui interdit d’“abuser de ses libertés démocratiques […], dont la liberté de la presse, pour porter atteinte aux intérêts légaux de l’État, des organisations et des individus”.

Les charges qui pèsent contre Nguyen Hoai Nam depuis son arrestation, le 2 avril 2021, sont la conséquence de son implication dans la révélation de cas de corruption au sein de l’administration d’Hô-Chi-Minh-Ville.

L’affaire prend sa source en 2018. Alors qu’il travaillait pour le journal d’Etat Bao Phap Luat TP.HCM (en français, le Bulletin juridique d’Hô-Chi-Minh-Ville), Nguyen Hoai Nam avait soumis au département des enquêtes du ministère de la Sécurité publique des preuves de corruption au sein de l’Agence vietnamienne des voies navigables intérieures.

Ayant identifié une quinzaine d’individus à l’origine de pots-de-vin, le journaliste a publié plusieurs  articles sur Facebook dans lesquels il dénonce les zones d’ombre de l’enquête de police, qui s’était contentée de désigner comme boucs-émissaires trois fonctionnaires des voies navigables intérieures – et qui avait, de fait, omis de s’intéresser aux plus hauts responsables administratifs.

Pire, en décembre 2020, le directeur de l’enquête, Tran Van Ve, a porté plainte en personne contre le journaliste Nguyen Hoai Nam. Quatre mois plus tard, ce dernier a été interpellé et immédiatement placé en détention.

“Nous demandons la libération immédiate de Nguyen Hoai Nam et l’abandon des charges qui pèsent contre lui, car son seul crime a été d’avoir tenté d’alerter le gouvernement de son pays sur des malversations dans un esprit d’intérêt général, déclare le directeur du bureau Asie-Pacifque de RSF, Daniel Bastard. Son sort illustre le carcan dans lequel sont enfermés les journalistes des médias d’Etat au Vietnam, forcés de suivre à la lettre la ligne officielle imposée par le département de la propagande du Parti communiste au pouvoir, quand bien même ils tentent d’alerter sur des faits de corruption.”

Deux jours après cette condamnation, le 7 avril, un autre journaliste affilié à un média d’Etat, Phan Bui Bao Thy a lui aussi été condamné à un an de “ré-éducation non-carcérale”, selon les termes, là aussi, de l’article 331 du code pénal. Directeur du bureau régional du magazine d’Etat Giao Duc va Thoi Dai (“Âge et éducation”) à Quang Tri, au centre du pays, il avait été arrêté le 5 février 2021. Comme RSF l’avait alors dénoncé, son seul crime est d’avoir publié sur Facebook plusieurs articles révélant des cas de corruption impliquant le vice-ministre de la culture, du tourisme et des Sports, originaire de Quang Tri, Nguyen Van Hung, et le président de la province, Vo Van Hung.

Le Vietnam se situe à la 175e position sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.

Reporters Sans Frontières – 11 avril 2022

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