Après les exécutions en Birmanie, l’Asean prépare sa réponse
Les ministres des Affaires étrangères de l’Asean se réunissent mercredi 3 août à Phnom Penh (Cambodge), mais sans la Birmanie, avec laquelle ils pourraient durcir le ton après les exécutions d’opposants politiques par la junte birmane de plus en plus isolée.
Après l’indignation, la sanction ? L’exécution de quatre prisonniers condamnés à mort, dont deux figures de l’opposition pro-démocratie, annoncée fin juillet, pourrait marquer un tournant dans l’approche de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean) sur la Birmanie. Les chefs de la diplomatie des dix pays membres, moins la Birmanie qui n’a pas été invitée, se retrouvent en session plénière à partir de 10h15 heure locale (03h15 GMT), dans un hôtel de luxe de la capitale cambodgienne, sur les bords du Mékong.
«Je pense que nous allons voir l’Asean durcir le ton vis-à-vis de la Birmanie», a déclaré à l’AFP Aaron Connelly, spécialiste de l’Asie du Sud-Est à l’Institut international d’études stratégiques. Une version de travail de la déclaration commune, obtenue par l’AFP, évoque la «profonde préoccupation» de l’Asean, qui appelle les parties prenantes à mener des «actions concrètes» contre le régime militaire. Voir la junte appliquer une peine de mort pour la première fois en plus de trente ans a constitué un «grave retour en arrière», a réagi le chef de la diplomatie singapourienne Vivian Balakrishnan.
Pas de «réels progrès»
«Cela montre que la junte se moque» du plan en cinq points qu’elle a convenu, en avril 2021, avec l’Asean pour mettre fin aux violences et faciliter un règlement de la crise, a écrit sur Twitter son homologue malaisien Saifuddin Abdullah, qui veut suspendre la Birmanie de toutes les réunions de l’organisation. Toutefois, l’exclusion du pays de l’Asean n’est pas sur la table, a assuré une source diplomatique proche des négociations.
La frustration gagne les rangs du bloc, d’autant que sa médiation n’a pas donné de «réels progrès», selon le chef de la diplomatie de la Malaisie. Pis, la situation empire en Birmanie. Depuis le coup d’État du 1er février 2021 qui a renversé l’ancienne dirigeante civile Aung San Suu Kyu, la junte poursuit une répression sanglante contre ses opposants avec plus de 2100 civils tués et près de 15.000 arrêtés, selon une ONG locale.
D’autres exécutions de prisonniers pourraient suivre, ont prévenu des experts des Nations unies, qui ont compté plus d’une centaine de condamnations à mort en plus d’un an. L’Asean n’a pas invité le ministre des Affaires étrangères birman Wunna Maung Lwin au rendez-vous de Phnom Penh, et l’isolement de la junte, dont les atrocités sont régulièrement condamnées par la communauté internationale, pourrait bien durer au moins jusqu’au prochain sommet, en novembre. Naypyidaw avait boycotté celui d’octobre 2020 auquel son chef n’avait pas été convié.
Avec Blinken
«Même la Corée du Nord est invitée (à Phnom Penh), mais pas la junte… Cela montre à quel point la Birmanie est isolée, même au sein de sa région», a estimé Aaron Connelly. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken se rendra, mercredi, dans la capitale cambodgienne. Ses homologues russe Sergueï Lavrov et chinois Wang Yi sont également attendus.
Les questions de souveraineté en mer de Chine méridionale, dont la plus grande partie est revendiquée par Pékin, au détriment du Vietnam, la Malaisie, Brunei ou les Philippines, tous membres de l’Asean, constituent un autre point chaud attendu des discussions. La dernière fois que le Cambodge, aujourd’hui à la présidence tournante de l’Asean, a accueilli un sommet de l’organisation, en 2012, aucun accord n’avait été trouvé sur le sujet, laissant entrevoir des divisions au sein de l’instance.
«C’était la première fois que l’Asean se réunissait sans conclure avec une déclaration commune, et ça a été un camouflet pour le Cambodge. Le Cambodge a retenu sa leçon», a décrypté pour l’AFP Thitinan Pongsudhirak, professeur de sciences politiques à l’Université Chulalongkorn de Bangkok.
Le Figaro avec Agence France Presse – 1er Août 2022
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