Ça purge fort au Vietnam
Le président vietnamien Phuc a présenté sa démission alors même qu’il était en poste depuis moins d’un an. Avant lui des dizaines d’officiels en avaient fait de même, « victimes » d’une immense campagne contre la corruption qui prend des allures de purge.
Un président qui démissionne, des enquêtes de corruption, se passe-t-il au Vietnam ?
Il se passe exactement cela : le président Nguyen Xuan Phuc a présenté hier sa démission devant l’accumulation d’enquêtes de corruption qui commençaient dangereusement à se rapprocher de lui. Des rumeurs habilement orchestrées citaient même son épouse.
Rien d’étonnant en soi : le président vietnamien n’est que le dernier à tomber d’une furieuse campagne contre la corruption dont « la fournaise infernale » – c’est son nom officiel – est en train d’engloutir des centaines de personnalités depuis un an.
Elle a déjà emporté 70 officiels de haut-rang dont 5 ministres en exercice et 5 anciens ministres. Elle a pris une nouvelle ampleur depuis le 5 janvier avec la destitution surprise de deux vice-Premiers ministres et donc le retrait hier du président Phuc.
Président au Vietnam, c’est un poste important ?
Non, c’est un poste sans véritables responsabilités et un rôle largement cérémoniel. Sauf que le Vietnam est un régime dictatorial à parti unique, en l’occurrence le Parti communiste. Un parti qui déteste traditionnellement humilier ses cadres.
C’est encore plus vrai de ses hauts dirigeants. Or, le président qui a démissionné hier n’avait été désigné à ce poste que l’année dernière. Dans cet univers habituellement feutré, destituer – parce que c’est de cela qu’il s’agit – un prince rouge ça porte un nom : une purge.
Mais d’où vient-elle cette vague anti-corruption ?
Pour comprendre, il faut reprendre l’exemple chinois : en arrivant au pouvoir en 2012, Xi Jinping a déchainé la lutte contre la corruption : la campagne dite « des tigres et des mouches » pour expliquer qu’elle visait tous les niveaux de responsabilité.
C’était avant tout une reprise en main violente de l’appareil du parti tout en restant sur un thème populaire et populiste : lutter contre la corruption des élites. Résultat : le président Xi vient d’obtenir un 3e mandat absolument inédit dans l’Histoire récente de la Chine.
Le parallèle est saisissant avec le voisin vietnamien : l’actuel secrétaire général du parti, Nguyen Phu Trong, vient lui aussi d’obtenir un 3e mandat de 5 ans et les huit équipes d’enquêteurs qui sillonnent le pays à la recherche de coupables dépendent toutes de lui.
Vous parlez de parallèle… mais les deux sont liés ?
C’est compliqué : d’un côté le Vietnam et la Chine ont des systèmes politiques très semblables ; mais de l’autre, ils se sont fait la guerre aussi tardivement qu’en 1978/1979. Le Vietnam a d’ailleurs spectaculairement rossé la Chine. Du coup, les Vietnamiens veulent être prêts face à un durcissement militaire chinois.
En clair, plus la Chine se martialise, plus le Vietnam se raidit. Dans cette purge au sein de l’appareil de pouvoir, alias « campagne contre la corruption », ce sont les colombes qui ont perdu et les faucons qui semblent l’emporter.
Les deux pays se jaugent, même d’un point de vue économique. Les Etats-Unis cherchent une alternative à l’atelier du monde chinois ? Le Vietnam veut en être, lui qui est une des économies les plus dynamiques et les plus exportatrices au monde.
Donc la démission du président Phuc compte triple : elle signale une reprise en main du pouvoir, elle montre à la population que personne n’est à l’abri et c’est, en plus, un clin d’œil aux étrangers pour leur dire : ici votre argent peut s’investir en toute sécurité.
Par Anthony Bellanger – Radio France Inter – 18 janvier 2023
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