« Ça empire d’année en année » : dans le nord de la Thaïlande, la pollution atmosphérique contrarie le tourisme
Un nouvel épisode de pollution frappe le nord de la Thaïlande et la zone de Chiang-Mai, deuxième ville du pays.
« Vous pouvez sentir [la poussière] sur votre visage… Je me nettoie la figure, quand je regarde la serviette, je réalise à quel point elle était dégoûtante », assure à Reuters Fernanda Gonzalez, une touriste mexicaine de 27 ans qui visite la Thaïlande. La ville de Chiang Mai et une partie du nord du pays sont touchées par des niveaux de pollution atmosphérique extrêmement élevés. Ce qui aurait déjà une incidence sur la fréquentation touristique dans les régions les plus septentrionales du pays.
Lundi 10 avril, le président de la Thai Hotel Association Northern Chapter, Phunut Thanalaopanich, assurait que les réservations dans les hébergements de ces zones avaient chuté dernièrement. Selon lui, les hôtels sont aujourd’hui occupés à seulement 45%… Bien en deçà des 80 à 90% taux d’occupation attendus en cette période de Songkran, le Nouvel An thaïlandais.
Sunat Insao, vendeur de jus d’orange de 53 ans, assure à Reuters que la pollution « a eu un impact sur mon entreprise… Les gens ne viennent pas parce qu’ils ne peuvent pas voir la vue » sur les montagnes et temples qui font la renommée de Chiang Mai.
La deuxième plus grande ville de la Thaïlande après Bangkok avait reçu 10,8 millions de visiteurs en 2019, avant la pandémie de Covid. Pour les autorités, la pollution atmosphérique est causée par les nombreux incendies du mois dernier et les brûlis de chaume réalisés chaque année après la récolte par les agriculteurs de toute l’Asie du Sud-Est.
Un taux de particules fines plus de 60 fois plus élevé que le seuil maximum fixé par l’OMS
Dans le détail, celle qu’on surnomme la « Rose du Nord » a été en tête du classement mondial des villes possédant la plus mauvaise qualité de l’air à plusieurs reprises, devançant New Dehli en Inde et Lahore au Pakistan. Ces dernières semaines, la province de Chiang Mai tout entière a affiché un taux particulièrement élevé de particules fines PM 2,5.
L’exposition à ces minuscules particules dont le diamètre est de 2,5 micromètres est particulièrement nuisible. En effet, elles favorisent le risque de contracter des maladies respiratoires et cardiovasculaires ainsi que des cancers. Le seuil de prévention de concentration de ces particules fixé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’établit à 15 microgrammes par mètre cube. Le 27 mars dernier, les taux 18 districts qui composent la septentrionale province de Chiang Rai, à la frontière avec la Birmanie et le Laos, étaient bien plus élevés – évoluant, selon La Croix, entre 37 et 550 microgrammes par mètre cube.
Vendredi 7 avril, IQAir, entreprise suisse qui développe des technologies surveillant la qualité de l’air, indiquait avoir relevé un taux de 290 microgrammes par mètre cube à Chiang Mai. Ce qui représente plus de 60 fois le seuil maximum fixé par l’OMS. Lundi, il était retombé à 171 – il était donc 19 fois supérieur au niveau recommandé par l’OMS. Le Premier ministre thaïlandais, Prayuth Chan-ocha, assurait la semaine dernière qu’il se coordonnait avec le Myanmar et le Laos pour réduire les points chauds de la zone frontalière aux trois pays, dans l’optique d’atténuer la brume transfrontalière.
« Ça empire d’année en année »
Des taux qui inquiètent vivement les plus de 127.000 habitants de la ville située à 800 kilomètres de Bangkok. « Ça empire d’année en année », s’alarme Pathsharasakon Po, 36 ans. Les allergies et le risque de cancer préoccupent tout particulièrement cette habitante de Chiang Mai. Et elle n’est pas la seule : le mécontentement est tel qu’une mobilisation citoyenne contre le manque de mesures face à la forte pollution s’est tenue il y a quelques jours.
Le 10 avril, le ministère de la Santé thaïlandais appelait les Chiang Maiens à éviter toute activité en plein air et à porter des masques capables de filtrer les particules fines. Le 7 avril, le gouverneur de la province, Nirat Pongsittitavorn, lançait déjà un appel au télétravail. Malgré ces dispositions, en Thaïlande, plus d’1,3 million de personnes sont tombées malades depuis le début de l’année du fait de la pollution dans l’air.
Par Julie Malo – Le Figaro – 11 avril 2023
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