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Très dépendant de la Chine, le Cambodge se cherche d’autres partenaires

Pour générer une croissance de plus de 5 % par an et assurer la légitimité de son régime, le Premier ministre cambodgien, Hun Sen, a considérablement resserré ses liens avec Pékin. Le pays voudrait toutefois renouer avec les Etats-Unis et se trouver de nouveaux partenaires en Asie et en Europe. Une partie des élites regardent vers la France.

Merci Pékin ! A six semaines des élections législatives de dimanche, le Premier ministre cambodgien, Hun Sen, a longuement remercié le gouvernement chinois lors du lancement, le 7 juin, de la construction de la deuxième autoroute du pays, reliant sur 135 kilomètres Phnom Penh à la ville de Bavet, à la frontière vietnamienne.

Le Cambodge est l’un des pays qui a le plus bénéficié du programme chinois des « nouvelles routes de la soie », s’est félicité le dirigeant. Fin 2022, il avait déjà loué la grande générosité de Pékin lors de l’ouverture de la toute première autoroute du pays entre la capitale et Sihanoukville, sur la côte.

Stades, ponts, immobilier…

Pour maintenir sa croissance, annoncée à 5,5 % cette année, après 5,1 % en 2022, et assurer la légitimité de son régime après trente-huit années d’un règne souvent autoritaire, Hun Sen n’a cessé, ces dernières années, de renforcer ses liens économiques avec Pékin. La deuxième puissance économique mondiale génère maintenant un quart de tout le commerce extérieur cambodgien, et assure plus de 60 % des investissements directs étrangers dans le royaume de 17 millions d’habitants.

Stades, ponts, complexes immobiliers, les investisseurs chinois sont partout. « Mais ce n’est pas une relation idéologique. Elle est essentiellement construite sur un intérêt économique », explique le chercheur Chhay Lim du Center for Southeast Asian Studies à Phnom Penh.

Les doutes des économistes

L’autoroute Phnom Penh-Bavet, annoncée à 1,4 milliard de dollars, sera financée sous la forme d’un BOT – « built-operate-transfer » – où le groupe public chinois China Road and Bridge Corp. construira l’infrastructure et se remboursera en l’exploitant pendant cinquante ans avant de finalement le transférer aux autorités locales.

« C’est tout bénéfice pour le pouvoir cambodgien. La population profite de ces constructions chinoises sans que le gouvernement n’ait à trop accroître sa dette, estimée à 10 milliards de dollars », remarque Chhay Lim.

Trop grande dépendance

Si ce modèle sied au régime, il est questionné par des économistes et des opposants qui s’inquiètent de la trop grande dépendance de Phnom Penh à son partenaire chinois. Au nord de la capitale, sur une large bande de terre, entre les fleuves Tonlé Sap et Mékong, de gigantesques terrains vagues se préparent à attirer des barres d’immeubles construites par des promoteurs chinois.

« Je ne vois pas qui va pouvoir se payer ces condominiums à 500.000 dollars », souffle le cadre d’une société de communication, qui pointe le risque d’une bulle immobilière, similaire à celle qui frappe la Chine. Avec un salaire de 1.700 dollars par mois, il s’estime parmi les mieux lotis du royaume mais ne peut rêver d’un appartement aussi coûteux. Plus au sud de la ville, dans les grandes usines textiles, qui génèrent encore, selon la Banque mondiale, près d’un tiers du PIB du pays, le salaire mensuel moyen n’atteint que 260 dollars.

« Le Cambodge voudrait casser sa dépendance à la Chine, mais les pays occidentaux sont particulièrement sévères avec son régime, alors qu’ils cultivent sans problème des relations avec des Etats asiatiques beaucoup plus autoritaires, comme le Vietnam », remarque le chercheur. Il note que le pays n’affiche pourtant pas un alignement complet sur Pékin. Le Cambodge a, par exemple, été l’un des rares dans la région à condamner l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Après avoir signé des accords de libre-échange avec la Corée du Sud et les Emirats arabes unis, Hun Sen cherche maintenant à négocier un pacte commercial avec le Japon. Le sulfureux dirigeant tente aussi de se rapprocher des Etats-Unis, qui disent vouloir freiner la poussée d’influence de la Chine en Asie du Sud-Est, mais Washington reste méfiant et semble attendre son départ du pouvoir. « Dans ce contexte, la France a vraiment une carte à jouer », souffle un entrepreneur français sur place.

Des liens avec la France

Les géants Vinci, Total, la BRED ou Accor sont très bien implantés. Ainsi que de nombreuses PME. « Le pays a de vrais avantages comparatifs en termes de coût de production, de formation des travailleurs ou de fluidité des investissements. Une classe moyenne qui veut consommer est aussi en train d’émerger », pointe Soreasmey Ke Bin, le PDG de Confluences.

« Il offre aussi une grande liberté d’entreprendre, et les ministères sont à l’écoute des entreprises étrangères, même s’il manque encore un véritable Etat stratège capable d’animer sur plusieurs années des grands projets de développement », détaille le dirigeant, également président de la CCI France Cambodge.

Surtout, il existe toujours, dans le royaume, une vraie appétence pour la France, malgré l’histoire coloniale. « Dans la nouvelle génération de décideurs, il y a beaucoup de ministres ou de secrétaires d’Etat francophones. Plusieurs ont même été formés en France et sont demandeurs de plus d’échanges avec Paris. Ce serait dommage de ne pas en profiter », insiste Soreasmey Ke Bin.

Par Yann Rousseau – Les Echos – 22 juillet 2023

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