Thaïlande : avant un vote à l’Unesco, la vieille cité de Si Thep au défi de la restitution d’objets pillés
Au milieu des ruines de pagodes, où une poignée de visiteurs profite du calme, Tanachaya Tiandee cherche à assembler un « puzzle » archéologique vieux de plusieurs siècles. Mais certaines pièces se trouvent à l’autre bout du monde.
Si Thep, capitale culturelle et commerciale avant l’avènement du royaume de Siam au XIIIe siècle, l’ancêtre de la Thaïlande actuelle, se présente mardi au vote pour intégrer la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.
En cas d’issue positive, il s’agira du premier site culturel inscrit par la Thaïlande depuis 1992, le quatrième en tout.
L’annonce pourrait toutefois laisser un goût amer, la vieille cité n’ayant pas échappé au pillage qui a privé de nombreux sites d’Asie du Sud-Est de certains de leurs trésors: « C’est comme s’il manquait des pièces au puzzle », se désole Tanachaya Tiandee.
« Beaucoup d’histoires n’ont pas été racontées », ajoute l’archéologue de 33 ans.
Le royaume, destination phare du tourisme mondial, navigue à vue entre la sauvegarde de son patrimoine et la promotion de ses intérêts économiques, qui alimentent la surfréquentation de ses monuments et sites naturels.
– 340 artefacts restitués –
A quatre heures de route de Bangkok, Si Thep vit ce dilemme au quotidien, entre la question sensible de la restitution d’objets pillées, des projets voisins d’exploitation pétrolière et le développement du tourisme.
Sous la chaleur, une navette touristique transporte les visiteurs entre les ruines, qui s’étendent sur plus de 400 hectares dans la partie la plus importante du site.
Certains de ses joyaux, témoignages de la cohabitation entre bouddhisme et hindouisme, se trouvent néanmoins à des milliers de kilomètres de là. Les autorités ont ainsi identifié onze objets conservés dans des musées américains.
« Il y en a certainement plus, parce que certains trafiquants ont déterré eux-mêmes des artefacts dont nous n’avons pas eu connaissance », explique à l’AFP Disapong Netlomwong, membre du comité lancé en 2017 pour identifier et récupérer les objets pillés.
En Californie, le Norton Simon Museum, en possession de neuf biens culturels thaïlandais, dont un de Si Thep, selon un expert indépendant, a indiqué à l’AFP ne pas avoir été contacté par les autorités thaïlandaises, et a promis de coopérer le cas échéant.
La question de la restitution est entre les mains de Bangkok, qui opère via les canaux « discrets » de la diplomatie, assure l’agence du ministère de la Culture en charge de la gestion du patrimoine – quitte à ralentir le processus, de peur de froisser ses partenaires économiques.
Quelque 340 objets ont été restitués à la Thaïlande entre 2017 et 2022, selon des chiffres officiels.
– Projet de forage –
Ces dernières années, une autre ressource cachée dans les sols de Si Thep a rappelé la vulnérabilité du site en l’absence de protections juridiques: le pétrole, dont la Thaïlande est l’un des principaux producteurs dans la région.
Un projet de forage à proximité de la plus grande pagode du site a suscité en 2019 l’opposition des riverains, qui ont fini par obtenir par gain de cause.
Mais le royaume doit encore adopter un cadre légal pour que de projets similaires soient interdits autour du site à l’avenir.
Si Thep accueille en moyenne 700 à 1.000 visiteurs par jour, principalement thaïlandais. Les étrangers ne constituent que 1% des touristes de la province de Petchabun, où se trouve le parc archéologique, selon des données de 2019.
Sur le développement du tourisme, un secteur crucial qui pèse environ 20% du PIB, « il y a beaucoup d’opinions autour de la table », explique Sittichai Pooddee, directeur du site.
« Le département du tourisme veut promouvoir le site et rendre la communauté plus riche. Mais nous, nous voulons trouver un équilibre. Nous pensons que nous opérons déjà à pleine capacité ou presque (…) Nous ne voulons pas être plus connus ».
Agence France Presse – 19 septembre 2023
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