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Birmanie : trois ans après le coup d’Etat, un conflit sanglant et sans issue

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La Birmanie entre jeudi dans la quatrième année du conflit civil meurtrier provoqué par le coup d’Etat du 1er février 2021, au moment où la junte fait face à un mouvement de contestation sans précédent.

A Rangoun, la capitale économique, les rues étaient largement désertées, à l’appel de l’opposition à rester chez soi pour protester de manière “silencieuse” contre les généraux, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Dans le centre-ville, autour des bâtiments de style colonial, une forte présence militaire quadrillait le secteur, ancien épicentre des manifestations réclamant le retour de la démocratie.

“Je suis satisfaite de voir qu’il y a pas beaucoup de personnes dans les rues”, a déclaré une employée de bureau qui a décidé de ne pas sortir de chez elle entre 10H00 (03H30 GMT) et 16H00 (09H30 GMT).

“C’est la preuve de notre unité contre le coup d’Etat”, a-t-elle poursuivi, sous condition d’anonymat pour des raisons de sécurité.

Dans une rue, une procession d’une centaine de moines bouddhistes, avec des banderoles de soutien à l’armée et des drapeaux religieux, a troublé la torpeur qui a saisi la ville d’environ huit millions d’habitants.

De l’autre côté de la frontière, en Thaïlande où réside une forte communauté birmane, environ 300 personnes ont manifesté devant un bureau des Nations unies à Bangkok, en brandissant notamment des portraits de la dirigeante déchue Aung San Suu Kyi.

“Je veux qu’il (Min Aung Hlaing, le chef de la junte) se retire aujourd’hui. Beaucoup sont morts à cause de lui (…) C’en est assez”, a lancé Kay Thwe Khaing, 32 ans, venue protester avec ses deux nièces de cinq ans.

La junte a repoussé une nouvelle fois sa promesse d’organiser des élections, en prolongeant mercredi, pour six mois supplémentaires, l’état d’urgence en place depuis le putsch.

Les militaires ont conditionné la tenue du scrutin au retour à la stabilité, mais aujourd’hui, la Birmanie est déchirée par un violent conflit civil entre l’armée et ses opposants politiques et ethniques, sans qu’une issue pacifique ne se profile.

– “Sombre” anniversaire –

Les combats ont provoqué le déplacement de plus de deux millions de civils, ont précisé les Nations unies.

Plus de 4.400 personnes ont été tuées dans la répression ayant suivi le coup d’Etat, selon un groupe local de surveillance.

Le troisième anniversaire du putsch contre la dirigeante élue Aung San Suu Kyi marque un jour “sombre”, a déclaré Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, dans un communiqué.

L’armée a justifié sa prise de pouvoir en évoquant des fraudes lors des législatives de 2020, remportées haut-la-main par le parti de la prix Nobel de la paix. Des accusations dépourvues de fondement, selon des observateurs.

Le chef de la junte, Min Aung Hlaing, a assuré mercredi que l’armée fera “tout ce qui est nécessaire” pour vaincre les “terroristes”, mais une récente série de revers a fragilisé sa position vis-à-vis de ses troupes.

En dépit de moyens sommaires, les dizaines de groupes de défense du peuple (People’s Defence Forces, PDF), qui ont essaimé à la suite du putsch, ont surpris l’armée par leur efficacité, et favorisé l’enlisement du conflit, selon les analystes.

Près de la frontière chinoise, trois groupes ethniques ont réussi à capturer des villes et des routes stratégiques pour le commerce avec la Chine, via une attaque coordonnée, fin octobre, qui a posé un défi militaire d’une ampleur inédite depuis le putsch.

Un accord de cessez-le-feu sous l’égide de Pékin a permis l’arrêt des violences dans cette région, favorisant la coalition d’insurgés qui ont conservé leurs prises, mais d’autres combats font rage ailleurs.

Cette situation a entamé le moral des officiers de hiérarchie intermédiaire contactés par l’AFP, qui ont tous demandé à rester anonymes.

– “Châtiment des civils” –

La situation des droits humains en Birmanie ne cesse de se dégrader, ont rappelé mardi les Nations unies.

“Les tactiques militaires ont toujours été axées sur le châtiment des civils qu’ils considèrent comme soutenant leurs ennemis”, a souligné le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme Volker Türk.

La junte a brûlé des villages, procédé à des exécutions sommaires et utilisé des bombardements aériens et de frappes d’artillerie pour punir les communautés refusant son pouvoir, ont dénoncé des groupes de droits humains et d’opposants.

L’armée a également ciblé les médias jugés critiques, en révoquant des autorisations de diffusion ou en emprisonnant des dizaines de journalistes.

En 2023, la Birmanie est la deuxième prison au monde pour les journalistes, juste après la Chine, avec 43 journalistes derrière les barreaux, selon le Comité pour la protection des journalistes.

Plusieurs chancelleries, dont les Etats-Unis et l’Union européenne, ont condamné dans un communiqué commun “les atrocités et les violations des droits humains en cours perpétrées par le régime militaire”.

Les efforts diplomatiques pour aboutir à une issue pacifique sont restés vains, malgré des initiatives des Nations unies et de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean) dont la Birmanie est membre.

Les Etats-Unis ont annoncé mercredi de nouvelles sanctions contre deux entités “étroitement associées avec le régime militaire birman” et quatre individus.

Agence France Presse – 1er Février 2024

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