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Diên Biên Phu, anatomie d’une chute

13 mars 1954. Au nord du Vietnam, près de la frontière avec le Laos, la bataille de Diên Biên Phu s’engage. Elle oppose les combattants du Viêt Minh et le Corps expéditionnaire français. En quoi a-t-elle été un tournant de la guerre d’Indochine et de la conquête d’indépendance du Vietnam ?

Avec

  • Laure Monin-Cournil Docteure en histoire contemporaine, enseignante dans le secondaire
  • Hugues Tertrais Professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

La bataille de Diên Biên Phu est le point d’orgue de la guerre d’Indochine, qui met aux prises la puissance coloniale française et le Viêt Minh entre 1946 et 1954. En effet, dès 1945, la République démocratique du Viêt Nam a proclamé son indépendance, sous l’égide d’Hồ Chí Minh. Néanmoins, la France ne l’entend pas de cette oreille et s’oppose aux indépendantistes vietnamiens communistes. D’abord guerre de décolonisation, la guerre d’Indochine est vite prise dans la tourmente de la guerre froide. En accord avec la doctrine du containment, les États-Unis veulent que le pays ne devienne pas communiste. Dans le même temps, la République démocratique du Viêt Nam est soutenue par l’URSS, et par la Chine communiste, à partir de 1949. Le pays est alors divisé entre le Viêt Nam communiste d’Hồ Chí Minh, et le Vietnam de Bao Dai, soutenu par les Français et les Américains.

En 1953, la guerre d’Indochine dure depuis déjà sept ans et le pouvoir militaire français cherche à faire advenir une bataille décisive qui pourrait permettre de trouver une solution au conflit. Le corps expéditionnaire français veut également éviter que le Viêt Minh n’attaque le Laos. Dans une vallée du Tonkin, à la frontière laotienne, le village de Diên Biên Phu est alors choisi pour établir un camp retranché. Cette étendue plane est entourée de hauteurs à la végétation luxuriante – ce qui explique que la presse l’ait rapidement qualifiée de « cuvette ». Elle comporte également une piste d’aviation qui date de la Seconde Guerre mondiale. Le commandement français, et en particulier le général Henri Navarre, entendent tendre un piège au Viêt Minh en l’attirant sur ce terrain pour mieux le défaire une fois sur place.

C’est pourtant tout l’inverse qui se produit. Les Français commettent plusieurs erreurs tactiques aux conséquences militaires désastreuses. Ils laissent libres les hauteurs autour du camp retranché, ce qui permet aux armées vietminh du général Giap de s’y installer et de les encercler. Les Français sont également extrêmement dépendants de la piste d’aviation, seul moyen de ravitaillement du camp retranché, or, dès la fin du mois de mars, le Viêt Minh détruit cette piste, ce qui empêche toute liaison aérienne. Dès lors, les Français sont pris au piège dans une souricière meurtrière. Enfin, l’armée française a largement sous-estimé les capacités de son ennemi, notamment en ce qui concerne l’artillerie. L’armée vietminh est bien préparée et bien équipée, grâce au soutien militaire chinois et soviétique. Depuis les hauteurs autour de Diên Biên Phu, elle est tout à fait en mesure d’attaquer le camp retranché, qui ne peut plus être ravitaillé et secouru que par des parachutages et qui peine à riposter. Assiégés, les combattants du Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO) vivent plusieurs semaines infernales. L’hôpital de Diên Biên Phu est vite débordé, les blessés ne peuvent être évacués et le matériel médical manque.

Les 7 et 8 mai 1954, le camp français est pris. De nombreux soldats français sont faits prisonniers et passent plusieurs mois en captivité, dans des conditions très difficiles. Beaucoup meurent en détention. Dans le même temps, entre avril et juillet 1954, se tient à Genève une conférence internationale qui doit décider du sort de l’Indochine. À la suite de la défaite de Diên Biên Phu, les accords de Genève sont signés le 20 juillet 1954. Ils mettent un terme au conflit, reconnaissent l’indépendance du Vietnam, du Laos et du Cambodge, et entérinent la fin de toute présence coloniale française en Indochine.

Par Xavier Mauduit – Radio France Culture – 21 mars 2024

Pour en savoir plus

Laure Monin-Cournil est docteure en histoire contemporaine, enseignante dans le secondaire. Elle est spécialiste de la guerre d’Indochine et de ses combattants.
Publication :

  • Diên Biên Phu. Des tranchées au prétoire (1953-1958), Les Perséides, 2020

Hugues Tertrais est professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Il est spécialiste de l’histoire de l’Asie contemporaine et des relations internationales en Asie, spécialiste du Vietnam.
Publications :

  • L’Asie pacifique au XXe siècle, Armand Colin, 2015
  • Regards sur l’Indochine (1945-1954), Gallimard / Ministère de la Défense, 2015
  • Atlas de l’Asie du Sud-Est. Les enjeux de la croissance, Autrement, 2014
  • (dir.) La Chine et la mer. Sécurité et coopération régionale en Asie orientale et du Sud-Est, L’Harmattan, 2011
  • Atlas des guerres d’Indochine, 1940-1990. De l’Indochine française à l’ouverture internationale, Autrement, 2004, réédition 2007
  • (avec Pierre Journoud), 1954-2002. La bataille de Diên Biên Phu, entre histoire et mémoire, SFHOM, 2004
  • (avec Pierre Journoud), Paroles de Diên Biên Phu. Les survivants témoignent, Tallandier, 2004

Lien du podcast :

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/dien-bien-phu-anatomie-d-une-chute-8067529

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