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Birmanie : la junte au pouvoir accumule les revers

Depuis plusieurs mois, les militaires enchaînent débâcle sur débâcle dans leur lutte contre les différentes alliances ethniques présentes en Birmanie, alors que la crise humanitaire s’aggrave.

Le 9 avril dernier, la junte militaire birmane au pouvoir a enregistré une nouvelle défaite de grande ampleur, avec la perte de la ville de Myawaddy, dans le sud-est du pays, à la frontière avec la Thaïlande. Base militaire clé du régime de Min Aung Hlaing, le patron de l’armée, elle comptait 600 soldats avant de tomber aux mains de la KNU (Union nationale karen), une rébellion très active dans la région.

Depuis le coup d’État de 2021, l’armée birmane n’est pas parvenue à asseoir sa domination territoriale, et contrôlerait aujourd’hui à peine la moitié du pays. Progressivement, les forces armées sont contraintes de se retrancher dans les grandes villes face aux offensives des différents groupes ethniques qui composent ce pays.

« Aujourd’hui, voir tomber la junte est un scénario beaucoup plus probable qu’il y a six mois », résume David Camroux, spécialiste de la Birmanie à Sciences Po. Mais malgré ces défaites à répétition, elle reste tout de même bien implantée à travers le pays, contrôlant près de 80 % de la population et disposant de nombreux leviers pour faire face à l’avancée des groupes ethniques.

L’arme de la terreur

Selon Sophie Boisseau du Rocher, spécialiste des questions politiques et géostratégiques en Asie du Sud-Est, « la junte a perdu sa légitimité mais pas le pouvoir. Et elle dispose d’une arme imparable : la terreur ». De plus en plus isolée sur la scène internationale, elle bénéficie toujours du soutien ambivalent de la Chine. « Pékin continue à lui acheter massivement des matières premières comme le gaz ou le jade et fournit ainsi des ressources indispensables à la survie de la junte. » De son côté, la Russie continue d’apporter conseils et appui matériel, notamment dans le domaine aérien, qui lui permet de maintenir son contrôle des airs.

Acculée sur terre, la junte militaire, qui aurait perdu près de 10 % de son effectif depuis les premiers combats, sans compter les 3 000 à 4 000 déserteurs, essaie de garnir ses rangs pour tenter de reprendre le dessus. Le pouvoir a ainsi décidé de faire appliquer ce mois-ci une loi sur la conscription obligatoire autorisant la mobilisation durant deux ans des hommes de 18 à 35 ans et des femmes de 18 à 27 ans. Cette décision suscite une forte hostilité de la part de la population birmane, qui a fui en nombre vers la Thaïlande voisine. Plus de deux millions de Birmans ont ainsi quitté leur foyer.

Une nouvelle conscience nationale

Depuis le coup d’État qui a renversé Aung San Suu Kyi en 2021, les combats entre l’armée birmane et les groupes ethniques auraient fait plus de 32 000 morts. Aujourd’hui, plus d’un tiers de la population birmane aurait besoin d’une aide humanitaire, et plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté. Face à cette crise de grande ampleur, une forme d’alternative politique semble aussi se dessiner. « La junte faitl’unanimité contre elle, et génère une opposition qui dépasse les différents clivages ethniques du pays », ajoute Sophie Boisseau du Rocher.

Et le maintien en détention de son ancienne leader, Aung San Suu Kyi, n’a pas constitué de frein à sa formation, bien au contraire. « En plongeant le pays dans une période sombre, de pauvreté et de violence, le coup d’État a agi comme un appel à l’action, tout en forgeant une nouvelle conscience nationale, un processus déjà bien engagé sous Aung San Suu Kyi », assure la spécialiste.

Par Marin Paulay – La Croix – 22 avril 2024

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