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En Birmanie, la junte a étouffé l’économie

Déjà pénalisées par l’escalade de la guerre civile, l’inflation ou les coupures de courant, les entreprises voient leurs jeunes employés fuir la conscription lancée depuis février par la junte, affolée par les succès militaires de ses multiples opposants.

Avant le coup d’Etat de février 2021, la Birmanie était décrite comme le nouvel eldorado de l’Asie du Sud-est. Les investisseurs étrangers se ruaient dans le pays de 55 millions d’habitants pour ouvrir de nouvelles usines de production de textile ou d’électronique et des centrales électriques.

En 2020, le PIB avait progressé de 6,6 %. Quatre ans plus tard, l’économie birmane est toujours inférieure de 10 % à son niveau d’avant la prise de pouvoir brutale par les militaires . Sur l’exercice fiscal allant d’avril 2024 à mars 2025, la croissance pourrait atteindre au mieux 1 %, ont prévenu, ce mercredi, les analystes de la Banque mondiale.

Revoyant une fois encore leurs prévisions à la baisse, les experts pointent le dérèglement économique provoqué depuis février par les nouvelles règles de conscription. « Ces règles ont alimenté des migrations internes et externes, explique la Banque dans sa nouvelle étude. Elles ont conduit à des pénuries de main-d’oeuvre dans plusieurs régions ».

Des troupes fraîches

La dictature a besoin de troupes fraîches pour affronter les multiples résistances ethniques ou politiques qu’elle a réveillées dans le pays et qui ont enchaîné les victoires sur le terrain ces derniers mois, notamment dans les zones frontalières, près de la Chine, du Bangladesh, de l’Inde ou de la Thaïlande.

Le gouvernement d’unité nationale (NUG), une administration fantôme qui tente d’unifier les multiples résistances ethniques, affirme que les différentes « forces révolutionnaires » (l’Arakan Army, la Kachin Independence Army, la Karenni National Defense Force…) et les volontaires du NUG contrôlent désormais plus de 60 % du pays.

Poussée des démissions

Emmenée par le général Min Aung Hlaing, la junte, qui tient encore de nombreuses zones clés, et notamment les grandes villes, veut enrôler, en douze mois, 60.000 soldats âgés de 23 à 31 ans pour tenter d’enrayer la progression de ses opposants. Des milliers de jeunes hommes ont commencé à fuir leurs villages ou même le pays pour éviter cette conscription.

« Les entreprises ont signalé des démissions lorsque les employés ont déménagé dans des zones rurales ou ont migré en dehors du pays », rapportent les experts. En avril, 28 % des entreprises sondées par la Banque ont signalé une poussée des démissions. Elles étaient seulement 11 % à s’en plaindre un an plus tôt.

Ces fuites qui pénalisent énormément le secteur manufacturier s’ajoutent aux départs provoqués par l’escalade du conflit et la baisse des salaires réels. Dans une récente étude sur les intentions de migration, 52 % des jeunes qualifiés âgés de 20 à 40 indiquaient qu’ils souhaitaient émigrer. La plupart espéraient trouver un emploi au Japon, à Singapour, en Corée du Sud ou en Thaïlande.

Selon la Banque mondiale, les entreprises du pays estiment ne plus pouvoir travailler qu’à 65 % de leurs capacités d’avant le coup d’Etat. Elles sont privées de bras mais aussi d’électricité – les coupures de courant ne cessent de s’aggraver -, de matières premières provenant de l’étranger, de clients – la consommation a plongé avec le conflit – et de débouchés commerciaux à l’international.

Poussée de la pauvreté

Hors des envois de gaz naturel, les exportations par la route ont plongé de 44 %, en glissement annuel, sur la séquence allant d’octobre 2023 à mars 2024 du fait de la perte par l’armée officielle de plusieurs villes stratégiques sur les frontières avec la Chine ou la Thaïlande. Les importations par ces zones passées aux mains des « rebelles » ont chuté de 50 % dans le même temps.

La Banque note que l’impact cumulé de cette activité économique en berne, de l’envolée de l’inflation (26 %) et de la fragilité du marché du travail ont considérablement pesé sur les revenus des habitants. « A la fin de 2023, près d’un tiers de la population vivait en situation de pauvreté », constatent les économistes. Avant le coup d’Etat, ce ratio était tombé à 17 %.

Par Yann Rousseau – Les Echos – 13 juin 2024

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