Cambodge : le «business des bébés» fleurit malgré l’interdiction
Au Cambodge, un tribunal a condamné treize femmes mères porteuses à quatre ans de prison ferme. Selon les juges, elles avaient l’intention d’avoir des bébés pour ensuite les vendre en échange d’argent, ce qui revient à un acte de traite d’êtres humains. Au Cambodge, en effet, la gestation pour autrui est interdite.
Le « business des bébés » continue de fleurir de façon illégale. Même si on ne dispose pas de chiffres, le Cambodge reste aujourd’hui une destination phare pour des couples étrangers en quête de devenir parents, grâce au recours à une mère porteuse. Cette dernière affaire en date en est bien la preuve. Une décision du ministère de la Santé, en 2016, qui interdit clairement la gestation pour autrui (GPA), n’a pas changé la donne.
Mais ce cas précis interroge, car les femmes impliquées ne sont pas des Cambodgiennes. La police a arrêté vingt Philippines et quatre Vietnamiennes dans une villa non loin de la capitale Phnom Penh, dans la province de Kandal. Onze de ces femmes, qui n’étaient pas enceintes, ont directement été expulsées. Les treize autres ont été condamnées à quatre ans de prison.
Les autorités assurent qu’elles pourront d’abord accoucher, avant de purger leur peine. Elles sont actuellement prises en charge dans un hôpital de la police. Il n’est d’ailleurs pas sûr qu’elles devront aller en prison. En 2018, 32 mères porteuses avaient été relâchées sous caution, à condition qu’elles acceptent de garder leurs enfants.
Des femmes recrutées en ligne
Les trafiquants qui tirent les ficelles à travers d’opaques réseaux n’ont pas pu être identifiés, a déclaré le ministre de l’Intérieur, Chou Bun Eng. Les autorités pensent que l’agence qui a recruté ces mères porteuses en ligne se trouve en Thaïlande. Ce pays a été pendant longtemps la plaque tournante de ce commerce en Asie du Sud-est, jusqu’à l’interdiction tombée en 2015. Le Népal et l’Inde l’ont rapidement suivi. C’est à la suite de ces interdictions que le Cambodge était devenu la destination phare des couples désireux d’avoir un enfant.
Pour la plupart, les clients sont de nationalité chinoise, surtout depuis l’assouplissement de la politique de l’enfant unique. Mais il y a aussi des Australiens ou encore des Américains, qui ont recours à la GPA proposé par des agences clandestines en Asie du Sud-est. Tout est une question de prix : aux États-Unis, il faut compter plus de 100 000 euros pour ce service. Rien à voir avec une mère porteuse au Cambodge qui touche moins de 10 000 euros, ce qui est une fortune pour ces jeunes femmes souvent issues de milieux pauvres.
Le Laos se positionne comme une nouvelle destination
C’est aussi le cas au Laos, pays voisin et plus pauvre encore que le Cambodge, qui se positionne comme une nouvelle destination avide de remplacer le Cambodge. Il suffit de chercher une clinique laotienne sur internet pour tomber directement sur l’agence « Laos Fertility », qui fait sa publicité avec ce slogan : « Laos Fertility veut vous aider à réaliser vos rêves, laissez-nous vous aider à avoir un bébé ». Peu importe si les clients sont célibataires ou vivent en couple hétérosexuel voire homosexuel, des médecins offrent leurs services et se vantent d’avoir aidé des couples chinois, australiens, américains ou encore européens. L’agence dit opérer dans une zone grise législative.
Une autre porte qui pourrait bientôt s’ouvrir à des futurs parents : la Thaïlande, qui envisage actuellement de lever son interdiction pour permettre aux étrangers d’avoir recours à une mère porteuse.
Par Heike Schmidt – Radio France Internationale – 6 décembre 2024
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