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Les Présidents français au Vietnam : entre nostalgie et désir de coopération

Le 12 avril 1973 très exactement, la France et le Vietnam nouaient des liens diplomatiques. Mais il faudra ensuite attendre 20 ans pour qu’un Président français, François Mitterrand en l’occurrence, se rende à Hanoï, pour une visite d’Etat. C’était en février 1993. Son successeur, Jacques Chirac, se rendra deux fois au Vietnam : une première fois en 1997, à l’occasion du sommet de la Francophonie, et une seconde fois sept ans plus tard, en 2004 donc, pour un voyage officiel. François Hollande, lui, fera le déplacement en 2016 : il est, à ce jour, le dernier chef d’Etat français à s’être rendu à Hanoï. 

 Emmanuel Macron sera donc le quatrième Président français à effectuer un voyage officiel au Vietnam, en principe à la fin de ce mois. L’occasion, pour Le Petit Journal, de revenir sur les visites de ses prédécesseurs, qui toutes, auront marqué un jalon important dans l’Histoire des relations franco-vietnamiennes.

1 – François Mitterrand (février 1993)

Cela faisait presque quarante ans que La Marseillaise n’avait pas résonné à Hanoï. Et pour cause.

Lorsqu’il arrive sur place le 9 février 1993, François Mitterrand est le tout premier chef d’Etat occidental à effectuer une visite officielle au Vietnam, depuis que celui-ci est indépendant. C’est dire à quel point ce déplacement revêt un caractère historique. Heureuse coïncidence, l’Asie sinisée, et a fortiori le Vietnam, est entrée depuis quelques jours dans l’année du Coq, dont le symbole s’affiche partout dans Hanoï.

Pour la France, il s’agit, ni plus ni moins, de reprendre pied au Vietnam. Et cela tombe bien car les Français sont en train de redécouvrir leur ancienne colonie indochinoise, notamment à travers le cinéma, avec trois films tournés au début des années 1990 : Indochine, (Régis Warnier, 1992), L’amant (Jean-Jacques Annaud, 1992), Dien Bien Phu (Pierre Schoendoerffer, 1992). Cela peut paraître anecdotique au premier regard, mais le fait est que les images projetées dans les salles obscures aiguillonnent les imaginations et – pourquoi pas – les projets…

Quant au Vietnam, désormais orphelin de l’U.R.S.S, il vient de se lancer dans sa propre « Perestroïka », le Doi Moi (« Le renouveau », en français), et lorgne dès lors sur l’Occident. Signe des temps : les relations avec les Etats-Unis sont en cours de normalisation. L’embargo est néanmoins encore en vigueur, ce que François Mitterrand ne se privera pas de dénoncer : « L’embargo américain n’a plus de raison d’être », assène-t-il lors de se première prise de parole publique à Hanoï. Du miel, pour ses hôtes vietnamiens qui, pour l’heure, se heurtent toujours à un refus, de la part de Washington, de se voir octroyer un prêt du FMI.

Le fait est que s’il est venu à Hanoï pour parler de coopération, le Président français s’inscrit également dans une démarche mémorielle, l’objectif déclaré étant de « clore un chapitre et encore plus d’en ouvrir un autre »« Je crois très important que ce soit la France qui soit le premier Etat occidental, Etat mêlé directement, qui vienne marquer son désir de paix, d’entente, et de réconciliation sur place, ici », déclarera-t-il en conférence de presse.  

De la célébration des retrouvailles de « deux nations à l’Histoire partagée » à l’évocation des « liens qui sont restés vivaces (.) malgré les épreuves, et quelles épreuves », François Mitterrand fait vibrer la corde sensible. « Je crois, notera-t-il, qu’il reste une affinité réelle entre nos peuples qui ne demande qu’à s’épanouir ».

« Courage, efficacité, capacité d’adaptation, intelligence du monde moderne, volonté d’être lui-même ». Le Président ne tarit pas d’éloge sur le peuple vietnamien et sur ce Vietnam engagé dans son renouveau, que la France est prête à assister et qu’elle aidera à devenir un « nouveau dragon » : « La France doit bien cela au Vietnam », conclut-il, en s’adressant à son homologue Le Duc Anh.  

C’est que la France entend alors faire du Vietnam son nouveau point d’ancrage en Asie du Sud-Est, même si elle n’est pour l’heure que son troisième (ou cinquième selon les sources) investisseur et partenaire commercial. Un certain nombre d’accords de coopération seront donc signés au cours de cette visite de François Mitterrand, même si, pour reprendre les mots de ce dernier « nous ne sommes pas là, l’espace de deux jours et demi au Vietnam, pour régler tous les problèmes. On est là surtout pour lancer, inaugurer une politique nouvelle dont les effets se feront sentir à travers le temps ».  

Dernier fait marquant et ô combien symbolique de cette visite présidentielle: François Mitterrand prend le temps de se rendre sur le site de Dien Bien Phu, pour un « pèlerinage franco-français », selon l’expression de son porte-parole : l’occasion, pour le Président, de « repenser, de ressentir tout ce qu’un Français peut éprouver devant le sacrifice de nos soldats ».

2 – Jacques Chirac (novembre 1997)

Quatre ans plus tard, Jacques Chirac arrive à son tour à Hanoï. Le successeur de François Mitterrand est là pour participer au 7e sommet de la Francophonie qui se tient justement dans la capitale vietnamienne. Ce sommet, le premier évènement d’envergure internationale à être organise au et par le Vietnam, a été rendu possible notamment par le soutien logistique et financier de la France.

Jacques Chirac, lui, en profite pour faire d’une pierre deux coups, en faisant précéder sa participation au sommet d’une visite d’Etat (12 et 13 novembre) destinée à « consolider les relations franco-vietnamiennes ». En d’autres termes, il entend bien profiter du levier de la francophonie pour en retirer quelques bénéfices sur le plan commercial.

Il faut dire que depuis 1993, la France ne ménage aucun effort pour favoriser la réinsertion du Vietnam dans la communauté internationale. Une réinsertion d’ailleurs aussi rapide que spectaculaire : adhésion au FMI et à la Banque Mondiale, règlement de la dette publique extérieure devant le club de Paris, adhésion à l’ASEAN, participation au sommet de l’ASEM (Forum Europe-Asie). Mais surtout, le Vietnam a enfin normalisé ses relations avec l’ennemi d’hier, les Etats-Unis.

Si les succès économiques du pays sont évidents (un taux de croissance moyen de 9% depuis le début des annes1990, des exportations multipliées par deux.), il reste encore beaucoup à faire, en cette année 1997, pour lui permettre de rivaliser avec les autres pays émergents de la région (Thaïlande, Malaisie.).

La France, elle, a choisi de miser sur la politique d’ouverture de Hanoï et de développer la coopération. Cela étant, les investissements tricolores ne représentent que 3% du total des investissements étrangers au Vietnam. On est loin derrière le Japon, Taïwan, Hong Kong, Singapour et même les Etats-Unis, qui pour le coup, n’ont pas dit leur dernier mot.

Aussi Jacques Chirac arrive-t-il à Hanoï avec un projet de protocole financier devant permettre aux entreprises françaises désireuses de négocier de grands contrats d’infrastructures d’être compétitives grâce à des prêts ou des dons du trésor d’Etat. Au total, 4,5 milliards de francs de contrats sont en jeu lors de cette visite présidentielle. De quoi couvrir les dépenses occasionnées par le sommet de la Francophonie, entre autres.

Mais Jacques Chirac se fait aussi le héraut de la langue française, dont il espère le retour en force au Vietnam, par le biais des classes bilingues, lancées à cette occasion.

« Le Vietnam, Hanoï : autant de noms qui résonnent dans nos cœurs. Autant de noms habités par l’Histoire et le souvenir. Les Français viennent de plus en plus nombreux au Vietnam. Beaucoup le découvrent. Certains le redécouvrent. Aucun n’y arrive sans émotion. Aucun n’en revient déçu. Plus que d’autres peut-être, ils ressentent et mesurent la volonté acharnée d’un peuple qui s’est toujours battu pour être pleinement maître de son destin », déclare-t-il lors de l’ouverture du sommet de la Francophonie.  

Autre moment fort de cette visite présidentielle : l’inauguration du plus « chiraquien » de tous les musées hanoïens : le musée d’ethnographie. De quoi faire vibrer Jacques Chirac, le grand défenseur des « Arts premiers » et de la diversité culturelle. « Qu’il (le musée, donc) soit un témoignage d’une vocation que la France doit retrouver : connaître, aimer et faire aimer les peuples et les civilisations de l’Extrême-Asie », lance-t-il alors.

3 – Jacques Chirac (octobre 2004)

Sept ans et une réélection plus tard, Jacques Chirac est de retour au Vietnam.

Sa visite d’Etat, programmée  du 6 au 8 octobre, est marquée par l’inauguration de L’espace – Centre culturel français de Hanoi, qui s’installe alors à quelques encablures de l’Opéra, dans un grand bâtiment art déco. Le Président français y est accueilli par des jeunes, lycéens et étudiants, avec lesquels il va avoir un dialogue nourri. L’occasion, pour lui, de se livrer à une véritable diatribe contre les Etats-Unis, accusés de vouloir imposer une « sous-culture généralisée dans le monde ». Dialogue entre les civilisations, respect de la diversité culturelle, défense des minorités. Le Président part en roue libre sur ses thèmes de prédilection, devant une assistance qui restera bouche bée. La presse française, elle, en fera ses choux gras.

Mais sur le plan commercial aussi, la France va donner du fil à retordre aux Etats-Unis. Dès le premier jour de la visite de Jacques Chirac, elle signe avec le Vietnam un accord portant sur la vente de dix Airbus A321, remportant donc un marché d’environ 450 millions d’euros, face aux Américains, qui avaient quant à eux des Boeing à proposer.

Signature d’un accord de coopération et de financement sur le tramway de Hanoï (on est en 2004 et ce n’est encore qu’un projet !), reconnaissance de diplômes universitaires, contrats culturels, accord sur la sécurité routière, contrats de téléphonie. Ce second voyage de jacques Chirac démarre sous les meilleurs auspices.

« Il est des pays qui parlent au coeur des Français. Le Vietnam est certainement l’un des premiers d’entre eux. L’Histoire nous a unis puis séparés. Nos relations ont été complexes, parfois dramatiques, semées de fascination et de méfiance réciproques, mais jamais, jamais d’indifférence. La période où nos deux nations s’observaient est désormais révolue. Une page a été tournée symboliquement par le voyage effectué au Vietnam par mon prédécesseur, M. François Mitterrand, en février 1993 », lance-t-il à son homologue vietnamien, Tran Duc Luong, lors d’un dîner d’Etat offert en son honneur.

4 – François Hollande (septembre 2016)

Douze ans vont ensuite s’écouler avant qu’un Président français, François Hollande, n’effectue une visite d’Etat au Vietnam.
Le Vietnam, justement, est dans l’intervalle, devenu l’une des économies les plus dynamiques de toute l’Asie du Sud-Est. Aussi le Président tente-t-il d’y avancer les pions économiques de la France : plusieurs contrats sont à la clef de son déplacement.

« Ce que nous voulons, à travers cette visite, c’est soutenir encore davantage les investissements français au Vietnam, les implantations et les accords commerciaux pour accéder pleinement au marché », dit-il à son homologue vietnamien Tran Dai Quang.

Appel entendu. Trois contrats portant sur la vente de quarante Airbus seront signés à l’occasion de cette visite présidentielle, le tout pour un montant de 6,5 milliards de dollars. Le groupe Vinci, lui, décroche un autre contrat concernant le réseau autoroutier du pays.

« Je veux donner toute sa dimension au partenariat stratégique signe en 2013 », souligne François Hollande.

Force est de constater qu’à ce stade, les relations entre les deux pays – économiques, culturelles ou universitaires – restent étroites, et ce, en dépit d’une « Histoire tumultueuse », pour reprendre l’expression du Président français, qui s’octroiera un bain de foule dans les petites rues de la capitale avant d’échanger, dans un café, avec de jeunes entrepreneurs vietnamiens passés par de grandes écoles ou des universités françaises. « Il y a beaucoup de Français qui sont d’origine vietnamienne et qui veulent investir ou créer et vous pourriez être des passerelles », leur suggère-t-il alors.

« Nos deux pays ont une Histoire mais ont surtout un avenir et nous devons faire en sorte que cette Histoire, qui a pu à un moment nous séparer, puisse nous réunir ». En prononçant cette phrase le 6 septembre 2016 à Hanoï, François Hollande aura finalement inscrit sa visite dans la lignée de celles de ses prédécesseurs, François Mitterrand et Jacques Chirac.

Emmanuel Macron, lui, arrivera à la fin de ce mois dans un Vietnam qui a encore évolué et qui est bien décidé à devenir une bonne fois pour toutes ce « nouveau dragon » qu’évoquait déjà François Mitterrand en 1993. À l’époque, le Vietnam avait besoin de la France. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Sans doute les deux pays ont-ils autant besoin l’un de l’autre.

Lepetitjournal.com – 5 mai 2025

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