Un militant pro-démocratie menacé de renvoi alors que Pékin resserre son emprise sur les dissidents en Thaïlande
Des militants chinois alertent que la Thaïlande n’est plus le refuge sûr qu’elle fut pour les exilés venus de Chine, en raison de l’influence accrue du PCC dans la région
Le dissident politique chinois Zhou Junyi a été arrêté il y a quatre mois en Thaïlande pour des violations présumées de visa, et il risque désormais une expulsion vers la Chine — une perspective qui alarme la communauté pro-démocratie chinoise en exil.
De nombreux dissidents et militants chinois, menacés en Chine pour leurs opinions politiques ou leur action en faveur des droits humains, ont choisi de fuir vers la Thaïlande. Certains ont franchi les frontières à pied par des terrains reculés et escarpés, dans une tentative désespérée d’échapper à la persécution. La Thaïlande, autrefois perçue comme un point de transit accessible et relativement neutre, offrait une lueur d’espoir à ceux qui sollicitaient l’asile ou une protection des Nations unies.
Cependant, à la lumière d’arrestations et d’extraditions récentes, nombre d’entre eux redoutent désormais que la Thaïlande ne soit plus le havre de sécurité qu’elle était pour les exilés chinois.
Âgé de 53 ans, M. Zhou est membre du Parti pour la démocratie en Chine, un mouvement en exil. Il s’était rendu aux États‑Unis en 2015 pour assister à une conférence organisée par des militants pro‑démocratie. À son retour en Chine, il avait été arrêté et son passeport confisqué. Plus tard la même année, il avait fui par le Laos pour gagner la Thaïlande, où il vit depuis.
En juin de cette année, M. Zhou a participé à un événement public organisé à Bangkok par le Parti pour la démocratie en Chine pour commémorer le massacre de la place Tiananmen. Quelques jours plus tard, le 11 juin, il a été arrêté à son domicile par la police thaïlandaise pour dépassement de la durée de son visa.
Au fil des ans, M. Zhou a organisé plusieurs commémorations de Tiananmen et a soutenu publiquement des prisonniers politiques de premier plan détenus en Chine ou à Hong Kong. L’an dernier, il a lancé des démarches pour créer en Thaïlande un musée consacré au massacre de Tiananmen, ce qui aurait pu attirer l’attention des autorités chinoises.
Peu après son arrestation, des membres du Parti pour la démocratie en Chine à Los Angeles ont lancé une campagne appelant à le soutenir et à le tirer d’affaire.
Jie Lijian, président de l’Alliance internationale du Parti pour la démocratie en Chine, a déclaré à l’édition en langue chinoise d’Epoch Times, le 8 octobre, que des membres du parti à Los Angeles avaient remis une pétition au consulat thaïlandais dès le mois de juin, exhortant les autorités à traiter M. Zhou avec humanité. M. Jie a insisté sur le fait que M. Zhou est un défenseur des droits humains et qu’il risque de lourdes sanctions s’il est renvoyé en Chine.
« Les responsables thaïlandais qui ont reçu notre lettre nous ont assuré qu’ils feraient tout leur possible pour aider et traiter l’affaire correctement », a indiqué M. Jie.
M. Jie a également révélé que des agents chinois présumés avaient rendu visite à M. Zhou au centre de rétention pour l’immigration et tenté de le pousser à signer des documents, probablement liés à son expulsion. M. Zhou a refusé. Selon M. Jie, M. Zhou s’oppose à son renvoi à chaque étape, et cette résistance constante pourrait avoir retardé la procédure.
Le Parti pour la démocratie en Chine à Los Angeles a promis de poursuivre la mobilisation, annonçant de nouvelles actions si les autorités chinoises intensifiaient leurs efforts.
M. Zhou n’est pas un cas isolé. Un autre militant chinois des droits humains, Tan Yixiang, est détenu par les autorités thaïlandaises de l’immigration depuis plus d’un an, bien qu’il ait été officiellement reconnu réfugié par les Nations unies. M. Zhou comme M. Tan cherchent actuellement l’asile dans un pays tiers.
La Thaïlande, refuge perdu
Le 27 février de cette année, un groupe d’Ouïghours détenus en Thaïlande depuis plus d’une décennie a été renvoyé de force en Chine, suscitant de vives condamnations d’organisations de défense des droits humains, des Nations unies et de plusieurs gouvernements occidentaux.
Xing Jian, militant des droits et ancien détenu en Thaïlande, a déclaré à l’édition en chinois d’Epoch Times que le pays n’est plus un refuge sûr pour les exilés chinois.
« L’infiltration du PCC en Thaïlande est sévère », a‑t‑il affirmé. « De nombreux agents de renseignement y opèrent, certains ayant même infiltré les communautés de réfugiés. »
Installé aujourd’hui en Nouvelle‑Zélande, M. Xing a fui vers la Thaïlande en 2015 et a demandé l’asile via les Nations unies. En novembre 2019, il a failli être renvoyé en Chine, lorsque la police du district de Lianshui, dans la province du Jiangsu, a tenté une arrestation transfrontalière en coopération avec les autorités thaïlandaises. Avant que la police chinoise n’agisse davantage, M. Xing a passé un entretien téléphonique avec le bureau des réfugiés de Nouvelle‑Zélande. Il a obtenu la protection et est arrivé en Nouvelle‑Zélande le 18 janvier 2020.
Selon M. Xing, lorsque la police thaïlandaise l’a arrêté en 2019, elle a immédiatement appelé des agents de la sécurité chinoise. On lui a tendu le téléphone pour qu’il parle à son interlocuteur. La partie chinoise a confirmé son identité et déclaré : « Attendez là. Nous arrivons. » Les agents chinois sont arrivés peu après.
« L’un d’eux m’a dit : ‘Si nous te tuons en Thaïlande, personne ne le saura ni ne le découvrira’ », se souvient‑il. « C’était révoltant. »
Il estime que les autorités thaïlandaises cèdent à Pékin en partie par crainte de représailles du Parti communiste chinois (PCC). De plus, la dépendance économique de la Thaïlande au tourisme chinois complique la donne.
Au moment de la publication, l’ambassade royale de Thaïlande aux États‑Unis n’avait pas répondu aux sollicitations d’Epoch Times.
Jie Lijian abonde : de nombreux réfugiés politiques chinois en Thaïlande vivent désormais dans la peur, ayant pris la mesure de l’emprise du PCC dans le pays. Ils évitent les manifestations publiques et peinent à subvenir à leurs besoins.
« Après avoir demandé l’asile, personne ne vous aide », constate M. Jie. « Trouver un logement et de quoi se nourrir relève du parcours du combattant. Beaucoup n’ont d’autre choix que d’accepter des emplois dont les locaux ne veulent pas, juste pour survivre. »
M. Jie ajoute qu’une grande partie de l’Asie du Sud‑Est est devenue de facto l’arrière‑cour politique de la Chine. Nombre de dissidents chinois en vue évitent désormais de s’y rendre, jugeant la région très dangereuse et fortement sous l’influence de Pékin.
Ces dernières années, sous la pression du PCC, les arrestations et renvois vers la Chine de dissidents chinois depuis l’Asie du Sud‑Est se sont multipliés.
En octobre 2015, Gui Minhai, éditeur et libraire critique des dirigeants du PCC, a été enlevé en Thaïlande. On a appris plus tard qu’il était détenu en Chine, où il a été condamné à dix ans de prison.
En 2022, le militant de longue date des droits humains Dong Guangping a été arrêté au Vietnam et renvoyé en Chine.
En 2023, Qiao Xinxin, co‑initiateur du « Mouvement pour abattre le Mur » visant à démanteler la censure d’internet en Chine, a été capturé par des agents chinois au Laos et se trouve désormais détenu dans le Hunan, en Chine.
Le 28 juillet de la même année, Lu Siwei, éminent avocat des droits humains, a été arrêté par la police laotienne puis expulsé vers la Chine.
Un rapport publié en février par l’ONG américaine Freedom House souligne que la plupart des cas de répression transnationale sont le fait de dix régimes autoritaires, la Chine figurant parmi les plus agressifs, et documente des poursuites visant des dissidents et des Ouïghours en Égypte, en Malaisie et en Thaïlande.
Par Olivia Li – Epochtimes.fr – 18 octobre 2025
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