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Les armes chimiques tuent encore, à quand la fin de l’impunité ?

L’agent orange épandu par les États-Unis au Vietnam il y a plus de 50 ans fait toujours des victimes. Le collectif Vietnam-Dioxine appelle dans cette tribune à les identifier, pour qu’une « réparation digne » puisse être envisagée.

Le collectif Vietnam-Dioxine regroupe des bénévoles et associations qui luttent pour la reconnaissance officielle des victimes de l’usage de l’agent orange durant la guerre du Vietnam, et les réparations à leur apporter.

Chaque année, le 30 novembre, la Journée internationale du souvenir des victimes des armes chimiques rappelle l’urgence de reconnaître les très nombreuses victimes de ces armes, hommes, femmes qui transmettent souvent leur pathologie à leur descendance sur plusieurs générations — ce qui laisse imaginer qu’il y a bien plus de personnes atteintes que ne le laissent supposer les chiffres des Nations unies : 1 million depuis la Seconde Guerre mondiale. En tout cas, il est temps d’agir pour leur reconnaissance et leur accès aux soins.​

Entre 1961 et 1971, plus de 80 millions de litres d’herbicides furent déversés sur le Vietnam, le Cambodge et le Laos dans le cadre de la seconde guerre indochinoise. La dioxine, substance toxique présente majoritairement dans l’agent orange, a affecté et continue d’affecter les populations et les sols cinquante ans après les tirs et les bombes.​

Et malheureusement, de la Palestine à l’Ukraine, d’autres armes chimiques sont aujourd’hui utilisées contre les populations. Il ne faut pas cesser de le dénoncer, et demander un recensement rigoureux des personnes contaminées pour les informer et leur apporter des soins. 

L’agent orange tue encore

Après leur retour aux États-Unis à la fin de la guerre américaine au Vietnam (1973), certains soldats de l’US Army firent un procès à leur gouvernement pour faire reconnaître leurs maladies et symptômes dus à une exposition à l’agent orange.

À cette occasion, la justice américaine a reconnu qu’effectivement plusieurs maladies éprouvantes pouvaient être liées à une exposition à l’agent orange, notamment : l’amylose AL (accumulation de protéines affectant gravement le cœur ou les reins), le cancer de la vessie, plusieurs types de leucémie, la chloracné, le diabète de type 2, l’hypertension, la maladie de Hodgkin, l’hypothyroïdie, la cardiopathie ischémique, la gammapathie monoclonale de signification indéterminée, le myélome multiple, le parkinsonisme, la neuropathie périphérique, la porphyrie cutanée tardive, ainsi que divers cancers (prostate, poumon, larynx, trachée, bronches) et sarcomes des tissus mous.

« Leucémie, parkinsonisme, cancers… »

Ces pathologies sont d’autant plus graves qu’elles peuvent se transmettre de génération en génération. En effet, les enfants et petits-enfants de victimes exposées à l’agent orange héritent de la souffrance provoquée par cette arme chimique. Qu’il s’agisse de populations encore exposées (celles qui vivent sur des terres bombardées avec l’agent orange et qui sont encore contaminées — la dioxine restant détectable dans les sols pendant plus de cent ans) ou de celles dont les troubles sont héréditaires.

Victimes de l’oubli et du silence

Aujourd’hui, plus de 3 millions de personnes au Vietnam sont encore victimes de l’agent orange, mais ce chiffre (3 millions sur une population de 105 millions de personnes en 2024) ne reflète qu’une infime partie de la réalité — le lien de l’agent orange avec les maladies précitées n’ayant été reconnu officiellement aux États-Unis qu’à la fin de l’embargo étasunien au Vietnam, par Bill Clinton, en 1991.

Sans compter que les maladies provoquées par l’agent orange peuvent rester silencieuses pendant des années et ressurgir bien plus tard sous forme de cancers, de malformations ou de handicaps, y compris chez les descendants.​​ Ainsi, de nombreuses personnes au Vietnam, en France, aux États-Unis, au Cambodge, au Laos, mais aussi dans les diasporas, vivent avec des pathologies graves sans jamais avoir été diagnostiquées. Victimes de l’oubli et du silence, les corps restent empoisonnés.

Pour déjouer cette injustice, nous devrions établir un recensement exhaustif et international des victimes de l’agent orange. Sans une identification précise, aucune réparation digne ne pourra être envisagée et des milliers de victimes continueront à souffrir sans soutien médical, psychologique ou financier.​ Ce recensement devrait intégrer les personnes directement exposées, mais aussi celles qui, par contamination indirecte, continuent de porter les effets de cette arme chimique. Tant que toutes les victimes ne seront pas reconnues, la justice et la réparation resteront incomplètes.​ 

« À quand la fin de cette impunité ? »

La France accueille une importante communauté vietnamienne qui peut être concernée par les séquelles de l’agent orange, souvent sans le savoir. En cette Journée internationale du souvenir des victimes des armes chimiques, elle pourrait briser le silence et faire des victimes oubliées de l’agent orange des sujets centraux de la mémoire collective. La reconnaissance, la justice et la mémoire devraient être les seules voies pour que ce crime contre l’humanité et le vivant ne reste pas impuni. 

C’est d’autant plus important que les armes chimiques restent utilisées lors des guerres pour détruire des peuples, et ce, malgré leur interdiction par la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, signée à Paris en 1993, et l’engagement de 193 États à la respecter. Citons le gaz moutarde, le cyanure et le tabun employés contre les populations kurdes, plus récemment, selon Amnesty International, le gaz sarin et le gaz moutarde contre des civils syriens, la chloropicrine contre les Ukrainien.nes ou le phosphore blanc sur les Palestinien·nes. À quand la fin de cette impunité 

Prouvons aux puissances qui ont recours aux armes chimiques que leurs crimes ne seront jamais impunis. Faisons du recensement des victimes de l’agent orange un combat pour la justice. Faisons des recherches sur l’hérédité de ces pathologies un combat pour toutes. 

Le collectif Vietnam-Dioxine – Reporterre – 30 novembre 2025

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