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En Thaïlande, la contestation des généraux en civil s’étend

La gestion catastrophique du Covid et ses conséquences économiques grossit les rangs de l’opposition démocratique en Thaïlande. Étudiants et intellectuels sont rejoints par de jeunes travailleurs.

Vêtus de noir de la tête aux pieds, les militants du groupe Wevo, âgés de 20 à 30 ans, encadrent une manifestation dans les quartiers nord de la capitale de la Thaïlande. Les pancartes sont claires : Dehors le gouvernement ou Sept ans, ça suffit​, le nombre d’années au pouvoir du Premier ministre, le général Prayut Chan O Cha.

Bascule dans la pauvreté

Les manifestants se disent excédés par la gestion calamiteuse de la pandémie de Covid-19 par les anciens militaires, qui n’ont pas fourni à temps les vaccins à la population, et surtout par la dureté de la crise économique qui a fait basculer des millions de Thaïlandais des classes moyennes dans la pauvreté.

« Nous étions déjà dans la rue l’année dernière pour réclamer un gouvernement civil démocratique. Mais ces derniers mois, la vie de la majorité des Thaïlandais est devenue tellement pénible que de plus en plus de gens nous écoutent​, assure Piyarat Toto Jongthep, le charismatique leader du groupe Wevo.

« Plus jeunes et plus désespérés »

De fait, au fil des mois, le profil des manifestants pro-démocratie s’est modifié. Aux étudiants, aux intellectuels, aux activistes des grandes ONG, dont beaucoup ont fait de longs séjours en prison, se sont ajoutés de jeunes Thaïlandais au chômage. Beaucoup travaillent dans les petites entreprises de leurs parents, en banlieue de Bangkok : épicerie, restaurant, magasins d’informatique, réparation de deux-roues…

Ce sont les jeunes dont les familles sont les plus touchées par la crise​, estime Pravit Rojanaphruk, un journaliste proche du mouvement. Ils sont plus jeunes, plus désespérés, beaucoup moins politiques et n’acceptent d’ordre de personne. ​Plusieurs petits groupes de jeunes seraient responsables de violents affrontements avec la police, et de l’incendie d’un commissariat, le 1er septembre 2021.

Danger potentiel pour le pouvoir en place, le mouvement actuel esquisse une alliance entre nouveaux pauvres urbains et paysans riziculteurs, qui sont de plus en plus visibles dans les manifestations. Les leaders émergents sont également plus souvent issus des classes populaires, et plus tournés vers des problématiques sociales. En décembre 2020, Piyarat Toto et ses acolytes ont été arrêtés pour avoir aidé des communautés rurales à vendre des produits de leur pêche en centre-ville, bravant les restrictions anti-Covid.

Depuis quelques semaines, Nattawut Saikua, un ancien représentant des Chemises Rouges, un mouvement paysan écrasé dans le sang en 2010, appelle les Thaïlandais à ouvrir les yeux sur les agissements des élites​, armée et monarchie. Jusqu’ici les mouvements sociaux thaïlandais ont échoué à faire advenir l’alliance ville/campagne, condition pourtant essentielle au succès du mouvement pro-démocratie.

Par Carol Isoux – Ouest France – 6 septembre 2021

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