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Le réchauffement diplomatique entre le Saint-Siège et le Vietnam

L’année 2023 a marqué une évolution sensible des relations bilatérales entre le Saint-Siège et le Vietnam. Le pays communiste, qui avait interrompu toute relation bilatérale avec Rome en 1975, avant de renouer progressivement le dialogue à partir de 1990, a au cours de l’année écoulée, multiplié les gestes d’ouverture.

En retraçant l’activité diplomatique du Saint-Siège en 2023, le Pape François a largement évoqué, lors des vœux aux ambassadeurs accrédités du lundi 8 janvier, l’évolution positive des relations bilatérales entre le Vatican et le Vietnam. Il y a eu la visite du président Vo Van Thuong à Rome au mois de juillet, puis la signature d’un accord sur le statut de résident à Hanoi du Représentant Pontifical, concrétisé par la nomination de Mgr Marek Zalewski le 23 décembre, et enfin l’invitation officielle du Pape François à visiter le pays; annonce faite lors d’une visite du comité pour les affaires religieuses du gouvernement à l’archevêché de Hue, peu avant Noël.

De son côté, dans une lettre adressée aux catholiques du Vietnam en septembre dernier, le Souverain pontife soulignait que le rôle des chrétiens était d’accompagner le pays vers un «développement social et économique équilibré», en qualité de «bons chrétiens et bons citoyens».

Pour la chercheure Claire Tran, maître de conférences et spécialiste de l’histoire de l’Asie du Sud-Est, le réchauffement des relations bilatérales est une reconnaissance du travail apolitique de l’Église au service des populations parmi les plus défavorisées.

Le président du Vietnam, Vo Van Thuong, était venu en juillet à Rome pour signer un accord qui permettait au Vatican d’avoir un représentant permanent et résidant à Hanoï. Fait nouveau puisque depuis 2011, le représentant du Saint-Siège était non résident et basé à Singapour. C’est une date très importante puisqu’il n’y avait plus de délégué apostolique à Hanoï depuis 1975, date de la réunification du pays, et à laquelle le délégué apostolique, Mgr Henri Lemaître, avait été expulsé. Un demi-siècle plus tard, cette ouverture reste un fait exceptionnel au niveau global pour un pays communiste.

En 1989, quelques mois avant la chute du mur de Berlin, alors que le Vietnam était encore un pays très fermé, le Pape Jean-Paul II a pu envoyer le cardinal Roger Etchegaray en mission diplomatique à Hanoi. Qu’est ce qui avait pu rendre cette visite possible ?

Je pense que c’était dû à une volonté du parti communiste vietnamien de s’ouvrir. Le Vietnam a subi une influence de la Chine au niveau de la politique économique, et a suivi cette ouverture économique, qui signifie aussi ouverture sur le reste du monde. Le pays avait été quand même isolé après 1975. En 1988, Bill Clinton,alors président des États-Unis, fait voter une loi qui lie l’ouverture économique à la liberté religieuse. Les conséquences ont été très positives pour les décennies qui ont suivi. À partir de la visite du cardinal Etchegaray, il va y avoir toutes sortes de rencontres bilatérales entre le Vatican et le parti communiste. Ce qui ne veut pas dire que les deux parties étaient d’accord sur tout, bien au contraire. La période entre 1975 et 1989 a été très difficile et de nombreux obstacles se sont créés, notamment au niveau de la nomination des évêques, concernant la formation des prêtres, l’ouverture des séminaires et les propriétés de l’Église, confisquées depuis 1975.

Le Saint-Siège et le Vietnam se parlent depuis plusieurs décennies, ce qui a permis évidemment plusieurs avancées, jusqu’à l’accord pour la nomination d’un représentant pontifical permanent au Vietnam, ce qui vient d’être confirmé il y a quelques jours par le Pape François. Il faut dire que le Vatican n’est pas seul. Il y a aussi toute l’activité de l’Église locale qui permet que ce dialogue avance…

Le Vatican n’est pas seul, bien sûr. L’Église du Vietnam est l’actrice majeure sur le terrain. Elle n’a cessé d’intervenir dans le social, par exemple. Elle intervient auprès des personnes victimes de la drogue, des malades du Sida et son action a été très remarquée pendant la crise du Covid. Dans tous les domaines médicaux, et auprès des populations en difficulté, l’Église a été très présente et les communistes ont laissé faire car ils ne pouvaient pas gérer toutes ces populations. L’Église a montré qu’elle participait aux questions sociales de manière désintéressée. On peut voir depuis déjà plus d’une vingtaine d’années des médecins catholiques qui travaillent à l’hôpital public, et qui donnent également des consultations gratuites dans les paroisses, par exemple. Cette action a joué un rôle important, et notamment pendant le covid où l’Église a été très active, ce qui a été très apprécié par le gouvernement.

Alors, il y a évidemment encore de nombreuses marges de progression entre Rome et Hanoï. Quelle serait, selon vous, la prochaine étape?

C’est l’éducation. Il y avait deux universités catholiques dans le sud du Vietnam avant 1975, et beaucoup d’écoles secondaires. Elles ont toutes été nationalisées. En 2016, un accord a été signé pour l’ouverture d’une université catholique, mais qui en réalité n’en était pas vraiment une. C’était plutôt un institut qui n’enseignait que la théologie. C’était vraiment encore compliqué, mais c’était une étape importante quand-même dans la politique d’ouverture des autorités. Ceci dit, dans la réalité, ce que beaucoup pensaient, c’est qu’il fallait ouvrir des écoles secondaires pour bien former, y compris les jeunes séminaristes qui ont été à l’école publique. Personnellement je pensais qu’après cet accord, l’étape suivante pouvait être une visite du Pape au Vietnam. Cette visite sera dorénavant possible puisque, à l’occasion d’une visite à l’évêque de Hue, le président vietnamien a annoncé qu’il invitait le Pape. C’est un événement très important.

En 1975, les biens et les propriétés de l’Église avaient été confisqués. Est-ce que là, par exemple, on peut attendre quelque chose prochainement?

C’est très délicat. Il y a beaucoup de terrains et de propriétés. Ce n’est pas une question qui trouvera une solution immédiate, mais ce sera certainement au cas par cas. Le Vatican est vraiment très pragmatique, tout comme les communistes d’ailleurs, mais on voit quand même que ce pragmatisme de chaque côté a permis de faire de réelles avancées.

Enfin, pour conclure, Claire Tran, que dire aujourd’hui de la liberté religieuse au Vietnam?

Si je compare avec l’Église que j’ai vue en 1989, vraiment, l’évolution est très positive. J’avais pu rencontrer Mgr François-Xavier Nguyen Van Thuan*, longtemps emprisonné, puis placé en résidence surveillée, avant qu’il ne quitte le Vietnam. À ce moment-là, la situation était extrêmement difficile, et sans comparaison avec aujourd’hui, où la pratique religieuse est tout à fait libre. La formation est aussi libre pour les prêtres. En revanche, il reste une chose que le parti n’est pas disposé à accepter, c’est une opposition politique. En conséquence, tout engagement de catholiques ou de prêtres dans des questions politiques est à exclure. Dans ce domaine, il n’y a pas vraiment de différence. Catholique ou pas catholique, toute opposition politique qui conteste les pleins pouvoirs, le monopole du pouvoir du Parti communiste n’est pas la bienvenue.

Vatican News – 9 janvier 2024

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