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La fraude bancaire à plusieurs milliards de dollars qui scandalise les vietnamiens

Au Vietnam, des dizaines de milliers d’épargnants victimes d’un vaste scandale bancaire attendent le procès pour comprendre comment des milliards de dollars ont pu disparaître sans que personne ne le remarque.

« Je voulais utiliser l’argent pour l’entretien de notre maison, pour aider mes enfants », explique Nga, qui s’exprime sous pseudonyme pour des raisons de sécurité.

Cette infirmière à la retraite avait placé les « économies d’une vie », soit environ 120.000 dollars, dans des obligations du groupe immobilier Van Thinh Phat, auprès de la Banque commerciale de Saïgon (SCB).

Mais aujourd’hui, depuis 2022, comme 42.000 autres victimes clientes de la SCB recensées par la police, cette femme de 57 ans n’a plus accès à son épargne.

« Je n’ai fait de mal à personne », explique cette habitante de la capitale Hanoï (nord).

« Ceux qui ont commis ces crimes doivent être dûment punis », poursuit cette victime qui espère récupérer son argent après le procès, attendu en mars.

Des centaines de personnes lésées ont participé à des manifestations à Hanoï et Hô Chi Minh-Ville (sud), dans une rare expression de colère collective autorisée dans le pays autoritaire.

– Ruée vers l’or –

Le scandale mêle petits arrangements et dissimulations, sur fond de purge anticorruption à l’initiative du régime communiste qui a mis au ban plusieurs stars du monde des affaires, quitte à inquiéter les investisseurs étrangers.

La présidente de Van Thinh Phat, Truong My Lan, est accusée d’avoir détourné plus de 304.000 milliards de dongs (12,5 milliards de dollars) entre 2018 et 2022. La somme a scandalisé les Vietnamiens: elle équivaut à 3% du produit intérieur brut du pays en 2022.

La femme d’affaires de 67 ans possède 90% des parts de la SCB, ce qui aurait facilité sa levée de fonds à travers un système d’emprunts frauduleux.

Entre février 2019 et septembre 2022, son chauffeur a transporté en liquide quelque 108.000 milliards de dongs (4,3 milliards de dollars) ainsi que 14,7 millions de dollars en billets verts, entre le siège de la SCB à Hô Chi Minh-Ville et son domicile voisin, selon la police.

Faute de transparence et de régulation efficace, le système bancaire vietnamien laisse la porte ouverte à des acteurs privés puissants.

Le procès de Mme Truong devrait débuter en mars. Quelque 85 autres personnes sont attendues à la barre, dont une ancienne responsable de la banque nationale accusée d’avoir accepté 5,2 millions de dollars pour cacher les écarts de gestion.

Depuis l’arrestation en octobre 2022 de l’ancienne dirigeante, les clients de la SCB ayant acheté une obligation Van Thinh Phat ne peuvent pas retirer leur argent, ni recevoir des intérêts sur leurs dépôts.

« Maintenant, la question c’est: y a-t-il d’autres cas similaires dans le pays ? », s’interroge Linh Nguyen, analyste au cabinet de consultants Control Risks.

L’affaire a ébranlé la confiance accordée aux institutions bancaires, et poussé les Vietnamiens à investir dans l’or, valeur refuge par excellence, qui a atteint un pic en décembre dernier à l’échelle nationale.

Les gens pensent que « c’est plus sûr de garder son argent sous l’oreiller ou des lingots d’or dans des coffres à la maison », poursuit l’analyste.

– Impact sur l’économie –

Le scandale Van Thinh Phat pourrait bien n’être « que le sommet de l’iceberg », prévient Bui Kien Thanh, expert bancaire.

« Je pense que beaucoup, beaucoup d’autres banques font la même chose, mais peut-être en moindres quantités », estime-t-il.

Au nom de la lutte anticorruption, les autorités vietnamiennes ont pris dans leurs filets plusieurs chefs d’entreprise, accusés de fraudes à plusieurs dizaines de millions de dollars.

La campagne a eu un impact négatif sur la performance économique, reconnaît Luc Can, économiste dans l’une des principales banques vietnamiennes (BIDV).

Le gouvernement n’a pas atteint en 2023 son objectif d’investissements publics, comblé à seulement 65%, a-t-il souligné lors d’un panel.

La purge est motivée pour renforcer l’Etat de droit, selon les autorités. Mais les experts soulignent la dimension politique de cette action visant à renforcer l’autorité du parti communiste autour de ses dirigeants actuels.

Agence France Presse – 3 février 2024

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