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En Birmanie, avec les chasseurs d’épaves du fleuve Yangon

Sans matériel professionnel, Than Nyunt plonge dans les eaux boueuses du fleuve Yangon en Birmanie, pour remonter à la surface des épaves, en quête de bouts de ferraille qui l’aident à survivre.

« Après avoir sorti de l’eau un navire, j’ai envie de le refaire encore et encore », sourit le plongeur de l’extrême, 58 ans, qui œuvre à Rangoun, la capitale économique du pays.

Sa mission: ramener sur la berge les carcasses de navires engloutis, et récupérer le métal qui peut être vendu.

Faute de grue, Than Nyunt et son équipe s’appuient sur le mouvement des marées pour déplacer leur cible, reliée par des câbles à leur embarcation en surface.

Dans ce système qui nécessite des mois de travail, le danger est partout, au quotidien, et pousse les chasseurs d’épaves à rester soudés.

« Qu’importe nos disputes sur le bateau, on se comporte comme des frères dès lors qu’on est sous l’eau », développe Than Nyunt.

En près de quarante ans de plongée, il a tiré du fond une quarantaine d’embarcations perdues, dont des cargos et des ferries.

« En plus de faire de l’argent, je veux connaître la condition de l’épave. Je parle aussi avec les propriétaires de l’histoire de leur navire, et nous sommes tous les deux contents quand on peut les sauver », explique-t-il.

– 20 à 30 épaves –

Cette fois, il s’attaque au « Nya Madi » (« Rivière d’émeraude » en birman), un navire de marchandises de 53 mètres de long.

Than Nyunt l’avait déjà récupéré en 1981 pour son propriétaire, qui l’a remis en service avec un nouveau moteur. L’embarcation a coulé il y a environ huit ans.

Maillot de Manchester United sur les épaules, et gants de jardinage aux mains, il plonge avec un masque relié à une pompe à oxygène en surface, par un long tuyau qui lui sert d’unique moyen de communication avec le monde extérieur.

Si un collègue tire dessus une fois, c’est le signal qu’il faut remonter rapidement.

Il peut passer jusqu’à trois heures dans le fleuve, à attacher des câbles sur l’épave.

Il y a entre 20 et 30 épaves dormant au fond du fleuve Yangon, estime-t-il.

Durant la Seconde Guerre mondiale, des combats entre les Japonais et les forces alliées ont envoyé par le fond beaucoup de navires.

Le total a encore augmenté après le cyclone Nargis, qui a dévasté le delta de l’Irrawaddy en 2008.

La tâche des plongeurs n’a rien d’une simple chasse au trésor. Dans les courants forts et l’obscurité à une profondeur pouvant atteindre 25 mètres, chaque défaillance peut être fatale.

– Comme un « sportif » –

« Ma vie est entre les mains de celui qui tient la pompe à oxygène. Si quelque chose arrive à la machine, je ne peux le savoir que s’il m’envoie un signal », explique Thet Oo, 38 ans, un collègue plongeur de Than Nyunt.

Après plus de quatre mois de travail, le squelette du « Nya Madi » commence à être visible.

Lors de la dernière étape, d’autres personnes démembrent l’épave à l’aide de chalumeaux, avec de l’eau arrivant au niveau des genoux.

Un marchand de ferraille va ensuite acheter le métal, et le faire fondre pour le réutiliser.

Les plongeurs de l’équipe de Than Nyunt peuvent gagner entre 25.000 et 30.000 kyats par jour (11 à 13 euros).

Than Nyunt, lui, n’est pas prêt de s’arrêter.

« Je ne fume pas, je ne bois pas, je ne prends pas de drogues dans ma vie… J’ai l’ambition de travailler autant d’années que possible », assure-t-il.

« J’ai 58 ans maintenant, et je peux travailler pour les dix prochaines années parce que je suis comme un sportif qui est toujours actif », conclut-il.

Agence France Presse – 25 avril 2024

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