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Rencontre avec l’artiste engagée Linh : « reconnexion au Vietnam par la musique »

Née à Hanoï et ayant grandi en France, Linh explore ses racines vietnamiennes à travers la musique. Lors de son passage à Hanoï, elle a donné deux concerts intimistes pour partager son voyage intérieur et culturel. Engagée pour la cause panasiatique, elle continue de représenter son pays natal tout en questionnant sa place en tant que femme d’origine vietnamienne en France.

En visite à Hanoï, Yen Linh et son compagnon Paul ont donné deux concerts, au Quanh Café et au Hanoï Social Club à la mi-août. Linh est née à Hanoï et a rejoint la France avec ses parents à l’âge de deux ans. À travers ses musiques, accompagnée de douces notes de guitare acoustique, elle se rapproche de sa culture et de sa nation natale. Attachée au Vietnam, elle convie le public à un voyage intérieur, à travers sa mémoire d’enfant, souvent bercée par les comptines de sa mère en vietnamien. Ces deux escales musicales sont comme un repère dans sa quête de reconnexion avec ses racines. Avec Paul, ils expriment en musique ce que les mots ne peuvent pas raconter.

« Ce soir, je vais chanter des chansons en français et en vietnamien, parce que j’en ai besoin et parce que j’ai envie de partager ça avec des gens qui peut-être en ont besoin aussi. »

« Je suis au Vietnam pour des vacances, ce soir on va jouer dans ce bar, je suis trop contente. Ce soir, je vais chanter des chansons en français et en vietnamien, parce que j’en ai besoin et parce que j’ai envie de partager ça avec des gens qui peut-être en ont besoin aussi, pour des raisons qui leur appartiennent », commente Linh. « Dans l’exil, l’un des risques, c’est l’oubli. La culture, ça se transmet par nos parents, par la famille. J’ai vécu à Hanoï deux ans, ce n’est pas tant une question de souvenir ou de temps. Mon attachement est là parce que je parle la langue. J’ai baigné dans la langue pendant toute mon enfance. C’est ça qui m’a marquée. »

Réappropriation culturelle par la musique

Très jeune, Linh entendait ses parents communiquer en vietnamien. À l’époque, la jeune fille apprenait tout aussi bien le français que le vietnamien. Linh se rappelle des airs de musique joués au sein du foyer familial. « Par ma musique, je traduis une sorte d’injection douce de vietnamité. Elle infuse depuis que je suis petite, ça me permet de rentrer dans la culture vietnamienne, d’exploiter mes ressources de vocabulaire, d’images ; c’est ancré en moi », détaille la jeune femme. Alors qu’elle interprétait sa chanson « Les mots qui chantent », quelques larmes sont venues humidifier ses joues. « C’est la première fois que je chante dans mon pays d’origine, ça me fait quelque chose. »

« Je ne sais pas si un jour je répondrai à ces questions, mais revenir me permet d’être immergée dans la langue, et dans l’amour familial de mes cousins de la région »

« Mes parents ne peuvent pas être les seuls interlocuteurs à porter sur leurs épaules ma « vietnamité ». En France, je vais être quasiment exclusivement avec des personnes, de façon très classique, culturellement « très françaises », pour ce que ça veut dire. Quelle est ma place dans la société française en tant que femme vietnamienne avec des origines vietnamiennes ? Je ne sais pas si un jour je répondrai à ces questions, mais revenir me permet d’être immergée dans la langue, et dans l’amour familial de mes cousins de la région », explique Linh. Avec Paul, aussi musicien pour le groupe Supernova et bassiste au sein de Pépite, ils sont revenus au sein de la famille de Linh. Le couple a aussi sillonné le nord du Vietnam : « Je ne veux pas juste être la tata de France, je veux avoir une réelle connexion avec eux. On l’a fait en voyageant, ils ont pu connaître tata Linh et tonton Paul », se réjouit-elle.

S’engager pour avancer

L’ambition de rassembler la communauté débute alors que Linh écoutait un podcast de l’écrivaine militante Grace Ly, alors qu’elle désignait une salle de bain. « Elle parlait de fétichisme, de douleurs qui étaient très personnelles, très individuelles, et moi, tout ce temps-là, je les avais gardées individuellement pour moi, en complexant beaucoup et en culpabilisant. Je me suis mise à pleurer. »

Dans l’optique de transmettre des réponses, et de réfléchir à plusieurs, Linh fonde le collectif « Le Studio Jaune » avec son amie Delphine Lewandowski. Les deux étudiantes se sont rencontrées à la faculté d’architecture à Paris. « Notre engagement s’est construit autour de ce qu’on a fini par découvrir qui s’appelait l’Asioféminisme. » Avec le Studio Jaune, les artistes créent de la musique, mais aussi des espaces de paroles et des événements culturels. En novembre 2020, en s’alliant avec d’autres activistes, les militantes créent le collectif PAAF, ou Collectif PanAsiAFéministe intersectionnel.

« C’était un moment important »

Selon le collectif, le panasioféminisme « s’inscrit dans une approche post-coloniale du féminisme, défini par Leila Ahmed : « comment le colonialisme s’est reconfiguré après la soi-disant décolonisation : comment les rapports postcoloniaux sont maintenus comme des rapports matériels et discursifs d’antagonisme et de résistance ». » « C’était un moment important, de se rassembler pendant la pandémie pour réfléchir à des questions comme : « c’est quoi d’être une femme asiatique en France ». Rien qu’utiliser le terme « asiatique » est un néologisme. En France, cela signifie parler des communautés vivant à l’Est et au Sud-Est de l’Asie. Mais au Royaume-Uni, par exemple, cela signifie les « brown », comme les Indiens, les Pakistanais, les Bangladais… », précise Linh.

Aujourd’hui, les actions du collectif sont closes, mais Linh continue de représenter son pays natal. Après plusieurs représentations, notamment en Italie, l’artiste devrait se produire lors des prochaines représentations de l’œuvre de la metteuse en scène Caroline Guiela Nguyen, « Saigon ». Le spectacle est une pièce émouvante qui explore les souvenirs et les destins croisés de personnages entre la France et le Vietnam, dans un décor de restaurant vietnamien, sur fond de départs, de retours, et d’identités partagées.

Par Guillaume Marchal – Lepetitjournal.com – 27 août 2024

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