De nouvelles découvertes éclairent le mystère des « jarres des morts » au Laos
Au Laos, des scientifiques ont mené une nouvelle étude sur un site contenant plusieurs centaines de jarres en pierre mystérieuses. Leurs résultats révèlent qu’elles auraient été placées à cet endroit il y a entre 2600 et 3300 ans mais auraient continué d’être utilisées bien plus tard.
Dans la province de Xieng Khouang au Laos, se trouvent d’étranges sites mégalithiques. Ces lieux recèlent des milliers de sculptures en pierre creusées au centre qui ont valu à la région le surnom de « plaine de jarres ». Mais comment ces jarres sont-elles arrivées là et à quoi servaient-elles ?
C’est le mystère que les archéologues tentent d’élucider depuis des décennies. L’existence de ces structures mégalithiques à la taille variable – entre un et trois mètres de diamètre – est connue depuis le XIXe siècle mais leur origine et leur signification sont restées très floues. La première étude scientifique a été menée en 1930.
Ces recherches ont indiqué que les sculptures remontaient au moins à l’âge du fer au Laos, soit entre 500 ans avant J.-C et 500 ans après J.-C. La découverte à proximité d’ossements humains et d’objets a par ailleurs suggéré qu’elles avaient probablement une fonction funéraire.
C’est pour en savoir plus qu’une équipe de spécialistes laotiens et australiens a décidé il y a quelques années de lancer de nouvelles fouilles à travers le pays. Des recherches qui semblent porter leurs fruits. Après la parution d’une première étude en août 2019, de nouvelles découvertes sont aujourd’hui dévoilées dans la revue PLOS One.
Des sculptures installées il y a plus de 2600 ans
Pour ces travaux, les scientifiques se sont intéressés à trois des onze sites classés au Patrimoine mondial de l’Unesco. Le premier appelé Site 1 comprend quelque 300 jarres en pierre, plusieurs disques ainsi que des rochers non modifiés. Le deuxième, le Site 2, abrite 86 jarres et 15 disques répartis sur deux monticules.
Enfin, le troisième, le Site 52, compte 415 sculptures creusées et une collection de 219 disques. Afin d’obtenir de nouvelles données de datation, l’équipe a utilisé une technique appelée « Luminescence optiquement stimulée » (en anglais, OSL) sur des sédiments prélevés à la base des structures sur les sites 2 et 52.
Ils ont également mené des analyses au radiocarbone sur des échantillons de charbon et d’ossements prélevés sur les Sites 1 et 2. Les résultats ont confirmé que l’installation des jarres remonte à loin. D’après l’étude, les structures auraient été placées là entre 1240 et 660 avant J.-C, soit il y a entre 2.600 et 3.300 ans.
Leur usage se serait toutefois étendu bien au-delà. Les échantillons examinés suggèrent en effet que les traces d’activité mises en évidence autour des jarres remonteraient à entre le IXe et le XIIIe siècle après J.-C, soit à au moins 1.500 ans après leur installation dans la fameuse plaine.
« Avec ces nouvelles données […], nous savons maintenant que ces sites ont conservé une signification rituelle durable de la période de placement initial des jarres aux temps historiques« , a expliqué dans un communiqué, le Dr. Louise Shewan, archéologue de l’Université de Melbourne qui co-dirige le projet de recherche.
Les précédentes études ont appuyé la théorie selon laquelle les structures mégalithiques étaient utilisées à des fins mortuaires. Celles-ci recèlent en effet de nombreux ossements humains issus d’individus des deux sexes et de tous âges. D’après les observations, les défunts y auraient été inhumés de façon primaire ou secondaire.
L’origine des sculptures identifiée ?
Pour éclairer l’origine des sculptures, d’autres analyses ont été menées sur des échantillons prélevés au niveau du Site 1, d’un affleurement rocheux et d’une jarre non achevée présents sur un quatrième site localisé à quelque 8 kilomètres du premier. Les résultats ont montré que les trois échantillons ont une origine très similaire.
Autrement dit, il est probable que l’affleurement rocheux soit la source du matériau utilisé pour fabriquer les jarres. « Comment les jarres (qui pèsent pour certaines jusqu’à 20 tonnes, ndlr) ont été déplacées de la carrière jusqu’au site, cela reste en revanche un mystère« , a expliqué Dougald O’Reilly de l’Australian National University (ANU) et co-auteur de l’étude.
Si le voile se lève peu à peu, l’énigme des jarres est donc loin d’être résolue. A ce jour, près de 80 sites ont été répertoriés au Laos mais une grande partie n’ont pas encore été dégagés, notamment en raison de la présence dans la région de nombreuses munitions non-explosées remontant à la guerre du Vietnam.
Désormais, les chercheurs projettent de collecter des échantillons supplémentaires d’autres sites, non explorés ou nouvellement identifiés, dans l’espoir d’en apprendre davantage sur les sculptures mégalithiques, la période à laquelle elles ont été conçues, de même que sur les cultures qui les ont utilisées.
« Nous espérons que ce processus complexe va finalement nous aider à partager plus d’informations sur ce qui demeure l’une des cultures archéologiques les plus mystérieuses d’Asie du sud-est« , a conclu le Dr. Shewan.
Par Emeline Férard – Géo Magazine – 11 mars 2021
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