La France doit reconnaître le gouvernement légitime en Birmanie
Myint Tin Tin Htar, présidente de l’association La communauté birmane de France, qui a été constituée il y a une dizaine d’années en lien avec le mouvement démocratique du pays. Elle souhaite attirer notre attention sur l’enjeu crucial de la reconnaissance par la France des institutions que sont le CRPH et le tout nouveau gouvernement d’union nationale (NUG), adoubés par la population.
Chaque soir, le peuple birman rend hommage aux morts de la journée. Des dizaines de milliers de bougies éclairent les rues de Yangon, de Mandalay, de Moulmein et d’une multitude de villages. Plus de 730 enfants, femmes et hommes ont été tués par l’armée et la police depuis le coup d’Etat du 1er février.
De nombreux Français, des parlementaires, des personnalités et aussi le président Emmanuel Macron ont témoigné leur compassion et leur solidarité au peuple birman qui souffre. C’est très important car aujourd’hui, il faut beaucoup de courage face à la terreur semée par l’armée. Il y a également beaucoup d’arrestations. Plus de 3 100 personnes sont détenues, qui subissent parfois des tortures, des viols et des violences. Les prisons de notre pays sont de nouveau pleines de prisonniers d’opinion.
C’est un massacre mais les Nations unies se limitent à de simples condamnations car la Chine bloque, et la Russie soutient la junte avec des armes. Des diplomates de l’ONU ont qualifié la répression de crime contre l’humanité. Et nous espérons que la justice internationale va faire son travail.
C’est un massacre mais c’est aussi une révolution car la jeunesse birmane, toutes les classes sociales -sauf certaines élites économiques et les familles des militaires-, participent à cette mobilisation. Le pays est en grève générale et rien ne fonctionne, mais le peuple est solidaire.
C’est un massacre mais c’est aussi une transformation politique de notre pays. Le Comité représentant le Parlement élu en novembre 2020 (CRPH), vient de proclamer une nouvelle Constitution fédérale et donc l’abolition de la Constitution de 2008 qui donnait trop de pouvoirs aux généraux. Des feux d’artifice ont retenti dans le ciel des grandes villes.
L’armée n’est pas le gouvernement légitime
Malgré les arrestations la nuit avec des mises en scène terrorisantes, les membres du CRPH ont fait avancer la Birmanie vers plus d’unité, en s’alliant avec de nombreux partis et mouvements armés des ethnies, les syndicats, les minorités religieuses et nos communautés à l’étranger. Le général Min Aung Hlaing a fait l’unité nationale contre l’armée…
Ainsi, le docteur Sasa, un Chin connu pour ses engagements humanitaires, est devenu le représentant du CRPH auprès de la communauté internationale. C’est lui qui a dénoncé un « jour de honte pour les forces armées » quand le 27 mars, les militaires ont tué 90 civils.
Le CRPH met aussi les Etats et entreprises face à leurs responsabilités. Ainsi, le 5 mars, le ministre des Finances a demandé à Patrick Pouyanné, PDG de Total, de suspendre les versements d’argent aux militaires. Il a aussi prié Chevron, Posco, Petronas et PTTEP de ne plus financer la compagnie birmane MOGE contrôlée par les généraux.
S’il veut aider le peuple birman, Emmanuel Macron doit demander à toutes les entreprises françaises, notamment Total, de cesser leurs versements jusqu’au retour de la démocratie.
Aujourd’hui, la France peut prendre une décision très importante : reconnaître le CRPH et le gouvernement d’unité nationale récemment créé avec les forces démocratiques du pays, dont des représentants de différents groupes ethniques, comme les autorités légitimes de notre pays.
Par Myint Tin Tin Htar – La Croix – 23 avril 2021
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