L’Union européenne ferme ses portes au Cambodge de Hun Sen
En raison de «violations graves et systématiques des droits de l’homme», la Commission a décidé de retirer au royaume le bénéfice des préférences tarifaires de l’UE. Le même jour, le Parlement a voté un ambitieux accord commercial avec le Vietnam.
C’est un début de sanction après des années de dérive autoritaire et d’élections truquées. La Commission européenne a décidé, mercredi, de retirer une partie des préférences tarifaires accordées au Cambodge dans le cadre du programme commercial Tout sauf les armes (TSA) de l’Union européenne. L’UE a pris cette décision en raison des «violations graves et systématiques des principes des droits de l’homme».
Ce retrait des préférences commerciales et leur remplacement par les tarifs standards de l’UE prendra effet le 12 août, à moins que le Parlement européen ou le Conseil ne s’y opposent d’ici là. Il affectera une partie des biens produits dans le textile, la chaussure, ainsi que tout le secteur des articles de voyage et le sucre. Cela représente environ un cinquième (1 milliard d’euros) des exportations annuelles du Cambodge vers l’UE. Les Vingt-Sept restent le plus grand partenaire commercial du royaume, représentant 45% des exportations du pays en 2018, qui ont atteint 5,4 milliards d’euros cette année-là, plus du double des 2,5 milliards d’euros enregistrés en 2013.
Pour motiver ce retrait, la Commission précise que les «actions prises par le Cambodge depuis 2017, notamment la dissolution du Parti du sauvetage national du Cambodge [créé par Sam Rainsy et Kem Sokha dans l’opposition, ndlr] et l’arrestation de [ce dernier] [actuellement jugé pour « trahison et espionnage »] ont un fort impact négatif sur la démocratie, la politique et le pluralisme au Cambodge.»
Autoritaire
Josep Borrell, le haut représentant pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité a insisté pour dire que «l’Union européenne ne restera pas à regarder sans rien faire, face à l’érosion de la démocratie, la restriction des droits de l’homme et le libre débat réduit au silence. La décision d’aujourd’hui reflète notre ferme engagement envers le peuple cambodgien, ses droits et le développement durable du pays. Pour que les préférences commerciales soient rétablies, les autorités cambodgiennes doivent prendre les mesures nécessaires.»
Mardi, le Premier ministre cambodgien, l’indéboulonnable Hun Sen, au pouvoir depuis bientôt trente-cinq ans, avait tonné pour dire que son pays «ne s’inclinera[it] pas devant n’importe qui». Régulièrement, l’autoritaire Hun Sen accuse l’opposition d’être à la solde de l’Occident en vue d’un renversement de son régime. Il a indiqué que le Cambodge était menacé d’une crise économique, ses usines subissant déjà le ralentissement de l’approvisionnement en provenance du marché chinois frappé par l’épidémie de pneumonie virale.
«Nous devons essayer de survivre» seuls, a-t-il poursuivi, appelant les travailleurs du textile, le principal secteur à bénéficier de l’accès préférentiel au marché européen, à ne pas céder à la panique. Il y a six ans, ce secteur, qui emploie plus de 700 000 personnes, s’était soulevé contre la faiblesse des salaires et des conditions de vie indécentes. Depuis, l’économie cambodgienne s’est ouverte encore plus à des investissements et des prêts chinois au moment où le régime se jetait dans les bras de Xi Jinping.
Voitures et produits chimiques
Mercredi, sans craindre la schizophrénie, l’Union européenne a ouvert ses portes au Vietnam, grande puissance d’Asie du Sud-Est, mais pas vraiment un parangon de démocratie non plus. Le Parlement a approuvé l’accord commercial UE-Vietnam, présenté comme le «plus moderne et le plus ambitieux jamais conclu entre l’UE et un pays en développement», fait valoir le Parlement dans un communiqué.
D’ici dix ans, l’accord devrait supprimer les tarifs douaniers entre les deux parties, notamment les principales exportations européennes à destination du Vietnam : les machines, les voitures et les produits chimiques. Il s’étend à des services tels que la banque, le transport maritime et postal, auxquels les entreprises de l’UE auront un meilleur accès.
«L’accord est aussi un instrument visant à protéger l’environnement et à soutenir le progrès social au Vietnam, notamment les droits des travailleurs», veulent croire les députés européens qui ont voté en faveur de l’accord par 401 voix pour, 192 contre et 40 abstentions, notamment pour encourager les quelques efforts des autorités en la matière. Le Vietnam s’engage en outre à ratifier deux lois exigées par le Parlement, l’une sur l’abolition du travail forcé, l’autre sur la liberté d’association, respectivement d’ici 2020 et 2023.«En cas de violation des droits de l’homme, l’accord commercial peut être suspendu», prévient le communiqué du Parlement. Comme pour le Cambodge ?
Par Arnaud Vaulerin – Libération – 12 février 2020
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