Opération chinoise de communication dans des médias birmans
« Porter encore plus loin la bonne tradition des 70 dernières années. Construisons une communauté Chine-Birmanie pour un futur partagé » ; « Nouvelle ère, nouveau départ, dessinons un nouveau projet pour les relations économiques et le commerce entre la Chine et la Birmanie » ; « Les échanges culturels encouragent les affinités entres les peuples de Chine et de Birmanie »…
Lundi 8 juin 2020, des médias birmans ont publié une volée de titres tous plus pompeux les uns que les autres pour célébrer l’anniversaire des 70 ans de l’ouverture des relations diplomatiques entre la Birmanie et la Chine, avec un détail non négligeable : ces papiers étaient soit signés de l’ambassadeur de Chine en Birmanie, M. Chen Hai (dans deux cas au moins), soit des publireportages payés par les dirigeants chinois.
A l’occasion de cet anniversaire, accompagné d’une cérémonie officielle à Nay Pyi Taw, Pékin a mis les petits plats dans les grands pour se rappeler à la mémoire de son voisin et de sa population, histoire de clarifier ce que l’empire du milieu perçois comme sa sphère d’influence. C’est ainsi que dans une tribune l’ambassadeur de Chine affirme que « durant les sept décennies passées, les relations entre les deux pays ont été marquées par la confiance, le respect et le soutien réciproques, donnant un bon exemple aux autres pays, petits ou grands, sur la manière dont deux nations peuvent traiter d’égal a égal pour leur bénéfice mutuel et leur développement commun ». Le même évoque « la visite historique du président Xi Jinping en Birmanie les 17 et 18 janvier 2020, avec des résultats historiques qui ont ouverts une nouvelle ère pour les relations entre la Chine et le Myanmar ».
Et pour bien montrer la force de cette amitié, le gouvernement chinois a fait un don de 140 000 masques hospitaliers, 30 000 masques à la norme N95, 30 000 lunettes de sécurité et 12 000 équipements de protection personnelle, le tout équivalent à un montant d’environ un million d’euros. Un don et une campagne de communication probablement à placer dans la perspective de la diplomatie post-Covid-19, la Chine étant accusée par plusieurs pays d’être responsable de la pandémie.
Malgré la générosité de l’offre, mise en exergue par le ministre birman de la Santé lors de la cérémonie, les citoyens chinois comme les Birmans d’origine chinoise ne sont guère populaires en Birmanie. Comme dans bien d’autres endroits d’Asie, les citoyens d’origine chinoise sont souvent jalousés, voire stigmatisés, pour leur supposés succès dans les affaires et le commerce, car ce sont là les secteurs économiques où ils sont souvent le plus visible.
Quant aux Chinois eux-mêmes, la plupart des Birmans les voient plus comme des envahisseurs s’emparant des richesses du pays par des manœuvres douteuses – même si les pratiques de certaines autres entreprises non-chinoises n’ont au final rien à envier aux compagnies chinoises, et même si évidemment toutes les entreprises chinoises ne sont pas à mettre dans le même sac… -, notamment par un accaparement des terres et des secteurs miniers.
Si la perception des Chinois repose pour beaucoup sur un racisme latent – il faut bien appeler les choses par leur nom… -, et sur la rumeur et l’amalgame, un fait clair demeure : loin des affirmations de l’ambassadeur de Chine, de très nombreux Birmans ne voient pas d’un œil favorable l’intérêt que Pékin porte à la Birmanie, encore moins la relation comme un partenariat d’égal à égal. Il faut d’ailleurs noter que dans toute cette communication, la communication chinoise a toujours placé le mot Chine devant Birmanie lorsque les relations entre les deux étaient évoquées…
Lepetitjournal.com – 9 juin 2020
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