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En Birmanie, l’Église locale s’adapte au Covid-19 : « La vie pastorale nous manque »

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En Birmanie, la mousson remplace peu à peu la saison sèche éreintante, dans les rues et villages à nouveau animés. Pourtant, la plupart des restrictions sanitaires, telles que les interdictions de rassemblements et de célébrations publiques, ont été prolongées jusqu’au 15 juillet.

Quelques nouveaux cas sont régulièrement annoncés par le ministère de la Santé, pour un total de 300 infections depuis le début de la pandémie. Le secteur du tourisme est particulièrement affecté, ainsi que l’industrie et d’autres métiers, comme les artistes et musiciens animant la capitale. Concernant la vie de la communauté catholique, l’Église locale tente de s’adapter, même si le père Ludovic Mathiou, MEP, confie qu’« en Birmanie, la collégialité du culte est extrêmement importante, on célèbre en groupe, en communauté ».

Alors que la Birmanie enregistre toujours de nouveaux cas de Covid-19 et que les cérémonies religieuses restent interdites, les communautés religieuses s’adaptent sur les réseaux sociaux. Dans des rues et villages à nouveau animés, la mousson remplace peu à peu les chaleurs éreintantes de la saison sèche. La plupart des restrictions liées au coronavirus, telles que l’interdiction de rassemblements de plus de cinq personnes, le couvre-feu de minuit à quatre heures du matin et l’interdiction des célébrations publiques, ont été prolongées jusqu’au 15 juillet. Une poignée de nouveaux cas est régulièrement déclarée sur la page Facebook du ministère de la Santé, atteignant au total 300 infections confirmées dans le pays depuis le début de la pandémie. La plupart des contaminations sont détectées à l’arrivée de voyageurs, notamment des cas importés d’Inde récemment. Le géant voisin est désormais le troisième pays le plus affecté au monde après les États-Unis et le Brésil. Les craintes de la population et la méfiance vis-à-vis des chiffres réels de contamination ont laissé place à l’anxiété des travailleurs sous pression.

Plus de 60 000 travailleurs ont déjà perdu leur emploi suite à la fermeture de 170 entreprises, notamment dans le secteur de l’industrie. La moitié des emplois du secteur touristique est menacée, un secteur qui représente 5 % du PIB national. « Depuis 2018, les touristes étrangers sont moins nombreux, les dernières années n’ont pas été bonnes. Maintenant, avec le Covid, je n’ai plus de travail ni de revenus. Je suis rentrée chez mes parents », confie May Phyo, guide touristique francophone. D’autres métiers sont également particulièrement touchés, dont les artistes, musiciens et DJ qui gagnent leurs vies en animant les bars et boîtes de nuit de la capitale. Les travailleurs et travailleuses du sexe, déjà précaires, ne peuvent plus emmener leurs clients dans des hôtels toujours fermés. Suite à l’arrêt des chantiers, des dizaines de milliers de travailleurs birmans en Thaïlande, Malaisie et Chine sont rentrés au pays. Les transferts d’argent qui font vivre les familles rurales, en particulier dans les régions de l’Irrawaddy, de l’État Mon ou de l’État Chin, sont également suspendus.

Adaptation de l’Eglise : de la collégialité au numérique

L’Église de Birmanie et son clergé sont également touchés. L’arrêt des célébrations physiques et des sacrements a aussi diminué les interactions avec les fidèles. Les visites des prêtres aux familles sont suspendues par peur de transmettre le virus. Dans les villages, les communautés de fidèles continuent d’apporter des dons en nature aux hommes et femmes d’Église, mais dans les grandes villes comme à Rangoun, elles se sont raréfiées suite à la fermeture des églises. Par ailleurs, les communautés chrétiennes Chin ou Kachin, souvent en lien avec des communautés d’émigrés aux États-Unis, à Singapour ou en Europe, ont reçu moins de soutiens par ces dernières. L’Église n’est pas seule face à ces difficultés. Les moines bouddhistes, dépendant des dons pour leur nourriture, ont repris les quêtes aux aurores, même à Rangoun. Les pagodes rouvrent silencieusement dans les campagnes. À Rangoun, la pagode Shwedagon reste close, et les chauffeurs de taxi, à sa vue, continuent de joindre leurs mains en signe de prière en passant. « J’ai l’habitude de me rendre à la pagode Shwedagon deux fois par mois. Depuis le début de la crise sanitaire, je prie chez moi en écoutant des chants religieux », témoigne une jeune birmane originaire de l’Irrawaddy.

Avec un taux de pénétration des smartphones de plus de 80 % dans le pays, et une couverture Internet du territoire en progression avec 18 millions d’utilisateurs (soit 33 % de la population en décembre 2018), la Birmanie a de quoi innover vers une mise en ligne de la liturgie. Le clergé bouddhiste s’est rapidement saisi de ces outils digitaux, avec retransmission de prières sur Facebook Live, mise en ligne de chants religieux et structuration de communautés virtuelles. L’Église birmane a elle aussi investit l’espace numérique birman. Dans de nombreux diocèses, les prêtres catholiques animent la communauté des fidèles via les réseaux sociaux, Facebook en tête. À Rangoun, Mgr Hygynius Myint Soe met en ligne la messe et des sermons thématiques. Le même système a été mis en place dans la paroisse de Tedim, en zone rurale, sur la frontière indienne. Dans la région de Sagaing, dans un autre esprit et avec une autre technologie, le père Cyrille Delort, diffuse la messe au haut-parleur entre les allées du village.

Vers des pratiques plus familiales et individuelles ?

Interrogé quant à l’influence à long terme du Covid-19 sur la pratique religieuse, le père Ludovic Mathiou, MEP, reconnaît la difficulté de juger de la pérennité des changements actuels. Car le coronavirus a effectivement transformé la vie religieuse. Avant tout, le prêtre regrette l’impossible célébration des sacrements. Selon les villages, les règles sont plus ou moins strictement appliquées, mais les mariages et communions sont proscrits. Les enterrements sont tolérés, dans le respect des règles de distanciation sociale et des restrictions sur les rassemblements. « Les gens viennent par petit groupe, tour à tour » explique le père Mathiou. Malgré les mesures de restriction, les familles demandent des visites des prêtres. « Ce serait prendre un risque, notamment pour les missionnaires étrangers qui sont surveillés », commente le père Mathiou. « La pratique religieuse se fait plus individuelle, mais surtout familiale. Les gens se réunissent avant les repas ou le dimanche pour prier ensemble au sein du foyer. Cela va peut-être réunir des familles. » Le père Mathiou juge moins certain une individualisation des pratiques via la mise en ligne des messes : « En Birmanie, la collégialité du culte est extrêmement importante, on célèbre en groupe, en communauté. »

Les séminaires accueillant plusieurs centaines de jeunes birmans, vidés avant la crise, ont été transformés en centre de quarantaine, et certains se voient dans l’impossibilité de rouvrir leurs classes avant la fin des restrictions. Depuis Kalay, une ville du nord-ouest birman, le père Mathiou conclut surtout que « la vie pastorale nous manque ». Le contexte économique est fragilisé, et sur les réseaux sociaux, la population locale fait part des craintes qui demeurent, non seulement concernant la pandémie mais aussi d’autres virus d’origine animale ou encore la dengue, mortelle en Birmanie. Les Birmans sont également affectés par les situations de cohabitation forcée dans des espaces réduits envahis par la pluie, et par les témoignages tragiques de suicides de travailleurs migrants. Pourtant, toutes ces manifestations physiques et psychologiques en appellent à la communauté, au vivre ensemble. Dans un pays aux architectures structurées par les pagodes, les églises, les temples et les mosquées, le Covid-19 s’éternise.

Par Thibaut Bara – Agence Eglise d’Asie – 11 juillet 2020

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