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Le retour au pays de deux descendants de la diaspora cambodgienne

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Près de 20 ans de violence et de conflits ont poussé des centaines de milliers de Cambodgiens à fuir leur pays. Environ 80.000 d’entre-eux ont ainsi été accueillis par la France. Aujourd’hui, de nombreux descendants de cette diaspora se rendent au Cambodge pour découvrir leurs racines et décident parfois de s’y installer.

C’est dans un café du centre de la capitale Phnom Penh, que Sophorn Chhay et Natharoun Ngo s’attablent quelques minutes avant qu’une pluie de mousson ne s’abatte.

Tous deux ont la quarantaine, tous deux ont grandi en France, tous deux sont nés de parents cambodgiens issus de la diaspora ayant fui la guerre civile. Tous deux, enfin, sont passés par une phase de déni de la culture cambodgienne, liée à une volonté d’intégration en France, avant de réaliser la richesse de leur double identité à l’adolescence.

C’est à 27 ans, au cours d’un voyage familial, que Sophorn découvre pour la première fois le pays où elle est née. « En 2004, c’était donc un premier voyage mais pas du tout dans l’esprit d’un jour venir s’installer. C’était vraiment une découverte. Et là, j’ai été prise par toutes les émotions qui m’ont rappelé que, oui, c’est bien ma terre d’origine. Ca donne encore le frisson aujourd’hui, mais c’est assez drôle comment on arrive à se sentir appartenir à quelque part, sans y avoir grandi. »

Au terme d’une longue préparation, c’est en 2016 que Sophorn, aujourd’hui à la tête d’une société de ressources humaines, vient s’installer à Phnom Penh avec toute sa famille. « Quand on vient ici, on sent que c’est une terre d’opportunité. Il y a vraiment des choses à faire et je voulais le faire vraiment d’une manière positive, autant pour moi que pour le pays, même si je ne m’étais jamais imaginé que je pourrais un jour avoir ma société ici. » explique Sophorn.

Natharoun Ngo est quant à lui né en France. L’actuel directeur du Centre pour les Études Khmères découvre le Cambodge en 2000, s’y installe en 2005 et fait le choix d’y rester. C’est seulement au moment de cette installation que, comme Sophorn, il est pour la première fois confronté au terme « anekachon », utilisé pour désigner les Cambodgiens de l’étranger.

« J’ai commencé au Cambodge avec un langage qui était proche de celui d’un enfant de quatre ans. Donc je ne m’attendais pas du tout à ce que les gens me disent : je suis cambodgien. Par contre ce à quoi je ne m’attendais pas, c’est que je sois catégorisé. Et donc ce terme “anekachon”, je ne le connaissais pas. C’était la première fois que je l’entendais. Vraiment en 2005 quand j’ai commencé à travailler, où là : “Ah mais tu es quoi ?”. Et donc là on a envie de répondre bah je suis cambodgien. “Mais t’es pas cambodgien toi, t’es né en France. en plus tu ne parles pas le cambodgien.” A l’époque j’avais eu la nationalité, donc pour moi j’étais légalement khmer et je me sentais khmer aussi. » raconte Natharoun.

Passé la frustration initiale, Natharoun explique avoir réalisé peu à peu que ce terme peut recouvrir bien des réalités. « J’ai compris que ça n’était pas forcément méchant et c’était peut-être lié à un fait historique. Au delà d’être français ou cambodgien, c’est la catégorisation des gens qui sont passés par le régime des Khmers rouges et qui ne sont pas passés par le régime des Khmers rouges. C’est normal en fait je pense que ces catégories se créent. Et ce que j’ai découvert assez récemment c’est que ce terme “anekachon” en fait, il peut être employé d’une façon très neutre, voire d’une façon positive. Il y a des personnes cambodgiennes qui emploient ce mot pour dire : “Tu as eu la chance d’avoir été éduqué à l’étranger, d’avoir eu peut-être des chances meilleures que nous. On est content pour toi et partage ça avec nous en fait !”  »

Si les parcours de Sophorn et Natharoun sont jalonnés de similitudes, ils restent bien différents. Mais ils sont aujourd’hui heureux de l’identité qui est la leur et de continuer à la nourrir au Cambodge.

« Cette identité, j’essaie de la conserver. C’est une identité propre à moi-même. Je suis en paix avec ça et c’est même un choix de vie. » explique Sophorn.

« Au Cambodge, je suis fier d’être français. En France, je suis fier d’être cambodgien. Cette identité double, c’est très clair en fait pour moi. Ce n’est pas un choix, c’est un tout. » résume quant à lui Natharoun.

Il n’existe pas de statistiques officielles pour rendre compte de l’ampleur du phénomène du retour de la diaspora cambodgienne ou de leur descendance. Mais ils continuent d’être nombreux à venir découvrir ou s’installer au Cambodge qui jusqu’en 2019 affichait l’une des croissances les plus rapides au monde.

Par Juliette Buchez – Radio France Internationale – 19 août 2020

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