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Musique classique : le Vietnam, un élan prometteur

Le Vietnam reste peu exploré dans sa dimension musicale en Occident. Toutefois, les artistes vietnamiens nourrissent un rapport étroit à la musique française et la musique classique prend son essor.

Le Vietnam reste peu exploré dans sa dimension musicale en Occident. Toutefois, les artistes vietnamiens nourrissent un rapport étroit à la musique française et la musique classique prend son essor.

Après des semaines de distanciation sociale, le concert « We Return » (Nous retournons) de l’Orchestre symphonique national du Vietnam (VNSO) et du Théâtre national de l’opéra et du ballet du Vietnam, tenu le 17 juin 2020, a symbolisé la victoire du pays face au coronavirus et le retour de la culture.

Le concert étant organisé par l’Académie nationale de musique du Vietnam (VNAM), la renaissance musicale est immédiate. « C’est l’histoire du Vietnam. C’est dans les moments difficiles que le pays devient fort et se renforce », confie le violoniste Bùi Công Duy, directeur adjoint de la VNAM. Et pourtant… Un ami parisien me demande un jour si le pays dispose d’un orchestre national ! Seul un documentaire japonais, Watch me (Regarde-moi), en capture l’ambiance sous la direction de Yoshikazu Fukumura (1992).

Aujourd’hui, le VNSO répond aux normes internationales, avec un répertoire original étendu à la musique baroque et au folklore vietnamien. Un rayonnement pourtant peu exploré dans la presse musicale française. Hors musique traditionnelle, citons un intérêt pour le pianiste Đang Thái Son, le premier Asiatique lauréat du concours international Frédéric Chopin en 1980, et le compositeur Tôn Thât Tiêt.

Car si le COVID fragilise le spectacle vivant en Occident, la musique classique embrasse le Vietnam, épargné par la pandémie, et attire les investisseurs qui comprennent le marché. Comment ce pays accueille-t-il cette culture musicale, avec quelle originalité ? Une aventure qui s’échappe des salles de concert : dans des campagnes secrètes, des ruches musicales participent à cette symphonie qui sera l’objet du premier documentaire français sur la musique classique au Vietnam.

Une histoire teintée de Francophonie

Les opéras de Hô Chi Minh-Ville (1900), de Hanoï (1911) et de Hai Phòng (1912) marquent une première sensibilisation du pays à la musique classique. D’après Trân Vuong Thach, directeur de l’Orchestre symphonique et ballet de Hô Chi Minh-Ville (HBSO), le compositeur français Camille Saint-Saëns avait visité Côn Ðao et Saigon (aujourd’hui Hô Chi Minh-Ville) en 1895. Il a cité le chercheur Tim Doling selon lequel pendant que Camille Saint-Saëns était à Côn Ðao, il a complété l’opéra Brunhilde qui avait été laissé inachevé par le compositeur décédé Ernest Guiraud, et l’a renommé Frédégonde.

En 2017, le HBSO retravaille sur cette partition oubliée en partenariat avec la Fabrique Opéra de Grenoble. On y lit l’inscription « Saigon. 1895. Avril ». L’opéra Samson et Dalida (composé par Camille Saint-Saëns sur un livret de Ferdinand Lemaire) y sera joué cinq ans plus tard. Un siècle plus tard, la dynamique s’inverse. Le compositeur franco-vietnamien Nguyên Thiên Ðao (1940-2015) reçoit en 1974 le Prix Olivier Messiaen (son professeur) de composition. Sa Symphonie pour pouvoir est créée par l’Orchestre national de France au Théâtre des Champs-Élysées (1989).

Tôn Thât Tiêt, élève de Jean Rivier, est sans doute encore plus populaire. « Bien que son inspiration soit asiatique et même vietnamienne, ses morceaux sont exécutés par des instruments occidentaux. On sent un espace entre le son qui est joué et un son que l’on veut atteindre. Cet espace-là représente ce que Tôn Thât Tiêt appelle le silence. Un silence vivant », estime le chef des Éditions de La Frémillerie, Huynh Quôc Tê.

En 2019, le violoniste Pham Vu Thiên Bao crée un partenariat entre le Conservatoire de Hô Chi Minh-Ville et le Conservatoire à rayonnement régional (CRR) de Paris. Il invite Christophe Poiget (violon) et Jérôme Granjon (piano). En échange, des étudiants vietnamiens étudient au CRR. « J’ai eu ce projet quand j’ai décidé de rentrer au Vietnam, après mes études au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP). J’espère continuer avec des violoncellistes, on en a besoin ici, dont peut-être la directrice des Écoles d’arts américaines de Fontainebleau, Diana Ligeti », explique-t-il. Une coopération entre le CRR de Toulouse et le Collège d’art de Hanoï anime aussi des échanges musicaux.

Le directeur musical du VNSO, Honna Tetsuji, tombé amoureux du pays pendant une tournée avec l’Orchestre philharmonique de Nagoya, collabore avec l’Institut français du Vietnam.

Ce printemps sera représenté par L’histoire du soldat de Stravinsky avec le texte français de Jean-Ferdinand Ramuz. « Les musiciens sont capables de produire ce son particulier, quelque chose que je n’ai jamais entendu ailleurs, en raison peut-être de la langue vietnamienne qui est musicale », se rappelle-t-il. Il invite déjà de nombreux musiciens français comme Pierre-André Valade, Célimène Daudet, Nathalie Marin, Michael Cousteau, Kim Barbier…

Au Sud, Trân Vuong Thach est le chef d’orchestre du HBSO. Francophone, il est promu en 2020 Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres. Il organise en 2018 un concert en l’honneur du compositeur français Claude Debussy (1862-1918) dirigé par Fabien Tehericsen.

L’exemple de Hanoï

À Hanoï, Luong Tô Nhu est une jeune pianiste francophone qui m’aide beaucoup dans mon projet. Son toucher produit un son particulier et unique qui a tout de suite flatté le directeur musical du VNSO, Honna Tetsuji. Elle crée avec ce Japonais l’orchestre Hanoi Saigon Baroque Ensemble.

Son concert le 22 janvier à l’Opéra de Hanoï fait salle comble et permet de lever des fonds pour engager une série de concerts intitulée « Comme des amis vivant avec la musique ». Elle construit également une salle de concert dans l’arrondissement de Long Biên doté d’un système acoustique de luxe, afin d’aider les jeunes à se produire et s’enregistrer.

Le pianiste Luu Đuc Anh a aussi beaucoup de volonté. Il m’attend aujourd’hui devant une grande baie vitrée, on y devine une belle salle en bois décorée d’un rouge vif et d’un piano à queue. Premier prix du Concours international de musique de Stockholm en 2017, il fonde en 2018 l’École de musique Inspirito qui anime des ateliers d’histoire, de direction d’orchestre ou de pratique instrumentale. Derrière la vitre, un petit de 7 ans exécute un prélude du compositeur russe Sergueï Rachmaninov. « Tout le monde veut être pianiste au Vietnam, je veux leur faire découvrir d’autres instruments, ouvrir leur esprit », exprime-t-il.

Et puis, je découvre sur Facebook des photographies d’un lieu mystérieux. Une immense bibliothèque, un feu de bois, un mur en brique et trois musiciens (alto, violoncelle, piano). Le lieu est difficile à trouver, au fond d’une ruelle sombre du Vieux quartier. Je goûte à César Franck, Claude Debussy, Gabriel Fauré, Nadia Boulanger… C’est le Tranquil Books & Coffee, situé au 5 Nguyên Quang Bich.

« Le projet de musique classique Schubert in a Mug (SiaM) est né avec le désir d’ouvrir un espace convivial où les artistes et le public partagent leur passion pour cette musique, de manière intime et naturelle. Je suis très optimiste, le public est si jeune et énergique. C’est la première chose qui m’a frappé en rentrant des États-Unis », raconte le violoncelliste Phan Ðô Phúc. « C’est saturé en Europe, les limites ont été atteintes. Ici, on a la possibilité de se lancer », constate la violiste Patcharaphan Khumprakob.

De son côté, le Hanoi Brass Community est créé en novembre 2020 par un jeune trompettiste du VNSO, Xu Pham. J’assiste au premier concert dans un restaurant japonais à Hanoï. Avec un répertoire élargi au jazz et à la musique de film, le groupe compte une dizaine de membres. « L’idée est de créer un public pour les cuivres, les gens ne connaissent pas encore bien ces instruments », partage Xu Pham.

Ces beaux projets sont nichés avec un public déjà averti, et je m’interroge sur la pertinence d’un el systema vietnamien. Mes amis me connectent à Trang Trinh, pianiste diplômée de l’Académie royale de musique à Londres. Elle crée en 2013 Wonder the Beginning, une association qui organise des ateliers avec des orphelins. Celle-ci publie cette année un livre pour les écoles primaires, on y découvre des mélodies empruntées au répertoire français (Ah vous dirais-je maman).

La pianiste est aussi connue pour ses idées rocambolesques. Elle a joué au milieu d’une forêt près de Hanoï, dans une école (flashmob), a brûlé un piano dans une chambre en bois pour un clip sans prévenir les pompiers.

Une fenêtre originale pour comprendre le Vietnam

Le Nord du Vietnam. Village de Then, province de Bac Giang. Un homme ouvre une vieille porte en chêne. On entre dans une cour décorée de bonsaïs et d’érables japonais. Les poules narguent un chien de garde attaché. Une partition est dessinée sur un tableau à craie fixé au mur. Au fond, un temple sombre où l’on devine un pupitre et le flanc d’un violoncelle.

L’histoire commence en 1956, lorsque le violoniste hanoïen Ðô Huu Bài rencontre une première génération de fermiers. Leur amour pour le violon dépasse l’entendement : ils vendent du bétail pour acheter des violons. Dans les années 1970, de nouveaux élèves sont formés par le professeur Nguyên Huu Dua. Aujourd’hui, la troisième génération nous joue Trông com (tambourin oblong), une pièce du folklore vietnamien.

Hà Van Chinh perpétue la tradition pédagogique et dirige son jeune orchestre avec un bébé dans les bras. Les enfants, attentifs et joyeux, se précipitent sur leurs violons après l’école. « Je donne cours gratuitement, par plaisir. On écrit la musique, donc je les forme à la théorie », dit-il. Je voyage maintenant dans la province catholique de Nam Ðinh. ll y a des églises partout. Depuis 1908, pour servir les messes, des instruments à vent étaient fabriqués à la main. La tradition continue dans un atelier depuis 1945. On y berce des trompettes françaises datées de plus d’un siècle.

En 2015, Vu Nhât Tân fonde le Hanoi New Music Ensemble, le premier groupe contemporain à se former au Vietnam et à se produire à Hanoï. Son œuvre mobilise le đàn bâu (monocorde), proche d’une cithare à une corde, dont la matière sonore imite une texture électronique. Et les orchestres intègrent des instruments d’époque : le HBSO jouait l’automne dernier le Concerto pour đàn nguyêt de Quang Hai. Au cœur de la pièce, l’orchestre écoute l’improvisation ésotérique de ce luth vietnamien à caisse ronde et à deux cordes.

La musique classique est une fenêtre originale pour comprendre le Vietnam. Elle progresse avec le développement des villes et est familière à certaines cultures rurales. Elle s’enrichit des projets d’une nouvelle génération formée à l’étranger, tout en préservant ses traditions musicales. Enfin, elle permet de créer de la croissance et des partenariats internationaux, avec par exemple la présence fondamentale de Yamaha Music Vietnam. « Les Vietnamiens adorent la musique, partout, même au cimetière. C’est un pays en croissance et particulièrement dans le milieu musical », estime Makoto Tani, directeur général de Yamaha Music Vietnam.

Agence Vietnamienne d’Information – 14 mars 2021

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