Au Cambodge, le Nantais fabrique ses vélos en bambou
Installé au Cambodge depuis trois ans, Tony Morvant fabrique des vélos en fibre de bambou. Un aboutissement après un voyage à bicyclette de 17 000 km qui a mené le jeune ingénieur, formé en Vendée, au royaume khmer.
Tony Morvant n’a pas de coup de bambou. Dans son atelier installé à Phnom Penh, la capitale cambodgienne, le jeune Nantais coupe, taille, ponce, courbe et assemble quantités de cette herbe tropicale qui pousse en abondance dans son pays d’adoption, le Cambodge. Son but : fabriquer des vélos en fibre de bambou.
Le bambou, « une plante robuste et bon marché »
« C’est une plante robuste et bon marché, qui offre des propriétés de construction très intéressantes », explique le Nantais de 28 ans, ingénieur des matériaux formé à l’Icam de La Roche-sur-Yon. Pour mettre au point le vélo de ses rêves, Tony Morvant a développé un procédé unique : extraire la fibre du bambou qui, une fois mélangée à de la résine, offre une matière modelable, mais solide. « Ça me permet de travailler un produit standard, que je façonne différemment en fonction de mes besoins, explique l’entrepreneur. Je m’inspire des propriétés offertes par la fibre de verre ou de carbone, déjà très utilisées dans les articles de sport, pour développer des vélos avec une matière plus naturelle. »
« Trouver un fournisseur en bambou a été difficile »
De l’idée à la conception, la route a été longue et parfois, semée d’embûches. Il a fallu trois ans à Tony Morvant pour développer les techniques adéquates et trouver les bons matériaux. « Aussi surprenant que cela puisse paraître, trouver un fournisseur de bambou a été difficile, confie-t-il. La production de bambou n’est pas très structurée au Cambodge, ce qui a rendu mes premiers approvisionnements hasardeux. » Ingénieux, il a également fabriqué ses propres machines pour faciliter la production de ses vélos.
Il vient de créer son troisième deux-roues, un VTT
Adepte de cyclotourisme sur les bords de Loire dès son enfance à Saint-Herblain, près de Nantes, le jeune entrepreneur a récemment terminé la fabrication de son troisième deux-roues, un VTT. Il s’apprête à le commercialiser sous la marque Soben, qui signifie « rêve » en khmer, dans une boutique spécialisée de Phnom Penh.
L’aboutissement d’un rêve commencé cinq ans plus tôt
Pour l’ingénieur devenu entrepreneur, réaliser ses premières ventes est l’aboutissement d’un rêve commencé près de cinq ans plus tôt. En septembre 2016, au départ de Nantes, Tony Morvant s’élance dans une traversée de l’Eurasie… Sur le tout premier vélo de bambou construit de ses mains. Il veut rejoindre le Cambodge, où il a quelques connaissances, à la force des mollets et a déjà en tête d’y implanter sa fabrique de vélos en bambou. Un périple très aventureux de 17 000 km à travers dix-neuf pays, qui durera deux ans, comme il le racontait après l’arrivée, en août 2018.
« J’aimais le voyage et le vélo »
« J’aimais le voyage et le vélo, alors pourquoi ne pas allier les deux ? », remarque-t-il. Des routes poussiéreuses d’Iran, aux sentiers escarpés de l’Himalaya en passant par les chemins sablonneux du Golfe du Siam, le vélo de bambou a tenu bon, preuve indéniable de la solidité du concept mis au point par l’ingénieur.
S’il garde son premier vélo en souvenir, Tony Morvant a depuis modifié le design, renforcé les points de fragilité et cherche à rendre son produit le plus accessible possible : « Je me concentre surtout sur les sensations que l’on éprouve lorsqu’on est sur le vélo : est-ce qu’il est agréable à conduire, joueur ? »
« De plus en plus de Cambodgiens se mettent au vélo »
En moyenne, produire un exemplaire lui demande une dizaine de jours de travail. Pour rentabiliser les matériaux, le savoir-faire et le temps de fabrication, il vise avant tout un marché haut de gamme : le cadre seul est vendu 800 $, le vélo tout équipé, 2 400 $ (2 000 €). Mais Tony Morvant se veut confiant : « De plus en plus de Cambodgiens se mettent au vélo, notamment au VTT, pour aller se promener aux alentours de Phnom Penh. Et certains n’hésitent pas à payer jusqu’à 5 000 $ pour un bon vélo ! »
« Si je parviens à vendre deux vélos par mois, je serai déjà très content »
L’entrepreneur se voit aussi comme un artisan. Pour lui, pas question de produire à grande échelle pour générer plus de bénéfices. « Si je parviens à vendre deux vélos par mois, je serai déjà très content », assure-t-il. D’autant que l’ingénieur a déjà d’autres idées en tête. Avec sa fibre de bambou, il souhaite développer d’autres articles de sport, comme des skis ou des snowboards à destination du marché européen. « Les produits sportifs sont très techniques à développer. Mais avec mon bagage d’ingénieur et mon expérience de sportif, j’aime me lancer ce genre de défis », lance-t-il, enthousiaste.
Par François Camps – Ouest France – 13 juin 2021
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