Un fonctionnaire assassiné de sang-froid juste pour avoir fait son travail
Son nom n’a pas encore été divulgué… Sa faute ? Être employé par la compagnie nationale d’électricité (Electricity Power Corporation, EPC) et avoir décidé de faire son travail, qui consistait à relever des compteurs.
Las, pour certain, faire usage de son libre-arbitre et décider que son salaire est nécessaire pour faire vivre sa famille est devenu un crime de haute trahison, et des défenseurs auto-proclamés de « la démocratie », de « la liberté » et du « peuple birman » finissent par se comporter exactement comme les militaires qu’ils dénoncent : en tuant aveuglement et sans justice des civils innocents… C’est ainsi qu’à Mandalay ce fonctionnaire du service des compteurs a été abattu, tué d’une balle dans le dos par deux inconnus à moto dans la matinée du 11 juillet.
Car l’électricité est devenue un enjeu majeur de la lutte que se livrent aujourd’hui le gouvernement mis en place par des militaires après leur coup de force du 1er février 2021 et les insurgés qui combattent officiellement au nom du gouvernement parallèle créé par des élus de novembre 2020 aujourd’hui en fuite ou en exil. Des militants anti-gouvernementaux appellent en effet les citoyens à ne pas payer leurs factures d’électricité afin de retirer ces fonds de ceux disponibles pour le nouveau pouvoir, qu’ils veulent renverser. Il se développe même un mouvement en ligne #BurnElectricityBill, où des gens mettent en ligne des photos d’eux brûlant leurs factures d’électricité. Mais cela ne s’arrête pas à ces actions pacifiques ou démonstratives.
Explosions contre canons
D’autres militants anti-gouvernementaux préfèrent la violence aveugle. Depuis plusieurs semaines, des bombes ou des grenades ont été jetées contre des bureaux de l’EPC, des explosifs placés dans les centres de paiement – au risque de tuer des civils lors de la déflagration. Le 9 juillet, des détonations ont fait trembler les murs des voisins des bureaux de l’EPC à Sanchaung, Mingaladon et Lanmadaw. La semaine précédente, des bombes avaient également explosé dans les bureaux des quartiers de Hlaing, Tamwe et Thingangyun à Yangon et aussi dans la ville de Bago. La violence de cette frange des militants va jusqu’à menacer de sanctions et de mort ceux qui n’obéiraient pas, au point de passer à l’acte avec des meurtres de sang-froid comme celui de cet innocent fonctionnaire de Mandalay.
La population se retrouve alors prise entre le marteau et l’enclume. D’abord parce que de l’autre bord, c’est aussi à la pointe du canon que l’acquittement des factures est réclamés. Dans certains quartiers de Yangon, les habitants attestent avoir vu des soldats armés menaçant les gens de sanctions s’ils ne payaient pas leurs factures d’électricité, les avertissant qu’ils risquaient de se faire couper le courant. Vendredi dernier, l’EPC a aussi averti ses clients que leur approvisionnement en électricité pourrait être interrompu s’ils continuaient à refuser de payer leurs factures. Sur sa page Facebook, la société écrit que « pour le bien de la population, nous vous demandons de coopérer et d’aider à payer régulièrement les frais mensuels », ajoutant que sans cet argent, la production et la fourniture d’électricité seraient affectées.
L’électricité, nécessaire pour avoir de l’eau
Plus grave, le personnel des bureaux d’électricité a également été « invité » à participer à ces pressions. Et malheur à qui refusera. De simples ouvriers ou employés de bureau se retrouvent du coup menacés de mort par les anti-gouvernementaux, de prison – ou règne aujourd’hui la Covid-19 – et de sanctions par le gouvernement. Et en ayant absolument besoin de leurs salaires pour survivre dans la crise économique qui s’installe en Birmanie, où l’inflation a notamment explosé ces derniers mois.
En outre, l’électricité est nécessaire pour les citadins, en particulier pour avoir accès à l’eau, qui n’est pas courante en Birmanie et demande d’utiliser des pompes. Quant à l’idée baroque d’utiliser des générateurs ou des panneaux solaires, elle ne peut venir que d’esprit tristement déconnectés de la réalité car bien peu de Birmans ont les moyens de se payer de telles machines. Sans compter les nombreuses PME qui se débattent dans la crise et qui n’ont pas besoin de se voir en plus couper l’électricité. Ce sont des milliers et des milliers d’emplois qui sont en jeu dans un pays où la misère explose et où de nombreux individus sont aujourd’hui dans une économie de la survie. Une réalité que les meurtriers de Mandalay ne voient pas ou ne veulent pas voir.
Lepetitjournal.com – 12 juillet 2021
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