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Au Vietnam, Trang Nguyen lutte contre le commerce illégal d’animaux sauvages

Alors que se tient à Marseille du 3 au 11 septembre, le Congrès mondial de la nature, voici le portrait d’une militante qui, au Vietnam, lutte contre le trafic d’animaux sauvages. 

 A 31 ans, Trang Nguyen organise des formations destinées aux plus jeunes pour les rallier à sa cause au sein de son organisation Wild Act. La jeune femme a été nommée l’une des femmes les plus influentes du monde par la BBC en 2019.

Enfant, Trang Nguyen a été témoin d’une scène qui l’a marquée à vie: un ours couché sur le dos, une aiguille géante plantée dans le corps pour en extraire sa bile, une substance longtemps utilisée en médecine traditionnelle. Cet épisode, qui a eu lieu chez son voisin dans le nord du Vietnam « m’a vraiment fait bouillir le sang », confie Trang, écologiste et fondatrice de l’ONG WildAct. La protection des animaux « n’était pas quelque chose que je voulais vraiment faire jusqu’à ce que je sois témoin de ce qui est arrivé à cet ours. » 

Nommée l’une des femmes les plus influentes du monde par la BBC en 2019, elle figure dans le Top 30 des entrepreneurs sociaux de moins de 30 ans les plus influents par Forbes Asia en 2020.

A 31 ans, elle a consacré l’essentiel de son temps depuis lors à combattre le commerce illégal d’animaux sauvages, créant même un diplôme universitaire dans ce domaine, le premier au Vietnam. Elle s’est même infiltrée en Afrique du Sud pour piéger des trafiquants, a obtenu un doctorat sur l’impact de la médecine traditionnelle sur la faune africaine, et a obtenu le Prix « Future for Nature » en 2018.

Lutter contre le trafic d’animaux sauvages

Pendant son enfance, la conscience environnementale était balbutiante au Vietnam. Trang Nguyen se souvient de ses parents lui disant: « Seuls les riches des pays occidentaux font ce genre de travail ».

Les mentalités ont évolué lentement, le Vietnam a voté des lois sur la protection de la faune, et le nombre d’ours utilisés pour leur vésicule biliaire a chuté de 90% en 15 ans, selon l’ONG Education for Nature. Mais le trafic s’est déplacé vers la corne de rhinocéros ou l’écaille de Pangolin, recherchées pour leurs supposés bienfaits pour la santé, qui sont à la carte de nombreux grands restaurants.

Aujourd’hui, le Vietnam est un producteur, un consommateur et un point de transit clé pour le trafic d’espèces sauvages, et cela menace la biodiversité nationale et internationale, selon WildAct. Un commerce mondial qui, selon le WWF (World Wide Fund for Nature), pèse plusieurs milliards de dollars, alimente la corruption et menace la santé humaine. Selon le Congrès mondial de la nature, 38 500 espèces sont aujourd’hui menacées. 

Cours à l’Université de Vinh (centre) et travail avec les communautés rurales: Trang Nguyen a l’ambition de doter le Vietnam de son propre savoir-faire pour identifier les espèces, produire des rapports et obtenir des financements.

La pandémie de coronavirus, dont on pense généralement qu’elle a commencé sur un marché chinois connu pour vendre des animaux sauvages, n’a pas aidé la cause des militants en Asie et en Afrique, explique-t-elle. La réaction de certaines associations mondiales de défense des animaux non plus. L’une a appelé à interdire les marchés dits « humides » en Asie, une autre les a qualifiés de « non hygiénique ». « Quand des choses comme celles-là sont dites, il est très difficile pour les défenseurs de l’environnement de demander aux gens de participer à notre travail », explique-t-elle, car ils sont perçus comme « partiaux ».

« Sauver Sorya »

Dans son livre Sauver Sorya, publié au Vietnam et qui sort fin septembre en anglais, Trang met en scène un personnage féminin, Chang, son double fictionnel, chargée de préparer à la vie sauvage un ourson sauvé du commerce illégal.

Les filles sont incroyables… Ne les laissez pas abandonner leurs rêves car elles peuvent faire des choses incroyables.
Trang Nguyen

Cet ouvrage pour enfants a une protagoniste féminine, ce à quoi elle tenait même si tout le monde lui disait que « personne n’allait le lire »« L’un des messages que je veux faire passer à travers ce livre… est que les filles sont incroyables… Ne les laissez pas abandonner leurs rêves car elles peuvent faire des choses incroyables », argue-t-elle.

C’est d’ailleurs ce qu’elle n’a jamais cessé de prouver comme le montre son parcours. Elle a à peine huit ans lorsqu’elle harcèle les ONG pour leur demander des stages, elle apprend toute seule l’anglais en regardant les documentaires animaliers de la BBC tard dans la nuit. Puis elle décroche des bourses pour étudier au Royaume-Uni, où elle obtient une maîtrise à l’Université de Cambridge. A 23 ans, elle fonde l’organisation Wild Act.

Pour certaines espèces, les choses pourraient ne pas bouger assez vite pour les sauver.
Trang Nguyen

Des trafiquants d’animaux sauvages sont en prison grâce à elle. Mais elle a aussi appris que tout n’est pas « noir ou blanc ». Elle a ainsi aidé à faire arrêter un trafiquant qui « n’était pas au sommet de la pyramide: c’était juste une personne pauvre exploitée » à qui l’on ordonnait de « tuer l’animal et d’en assurer le transport. » Après l’arrestation, « je me suis senti vraiment triste », raconte-t-elle. « Je me suis dit : maintenant personne ne va subvenir aux besoins de ses enfants. Ils vont probablement devenir braconniers comme lui, et bientôt ce sera leur tour d’être emprisonnés. »

Elle continuera à se battre pour le changement, dit-elle, mais admet qu’il faut beaucoup de temps pour changer le comportement des gens. « Pour certaines espèces, les choses pourraient ne pas bouger assez vite pour les sauver. »

Protéger l’environnement et prôner l’égalité

Présentée dans les médias comme une jeune « passionaria » de l’environnement, elle dispense aujourd’hui une formation à de jeunes Vietnamiens et Vietnamiennes qui partagent la même vision et la même passion pour la nature qu’elle. Elle a aussi inspiré de nombreuses jeunes filles à rejoindre un secteur qui a longtemps été majoritairement dominé par les hommes. Aujourd’hui, elle a fait de son combat pour l’environnement, un combat pour l’égalité femmes-hommes dans ce secteur, luttant contre le sexisme et le harcèlement sexuel. Selon elle, cette bataille pour la planète ne peut être gagné sans égalité de genres. 

Nous devons vraiment faire pression pour avoir un environnement de travail plus sûr et meilleur pour tout le monde, les femmes, les hommes et les minorités de genre.
Trang Nguyen

Comme elle le raconte sur le site genderandenvironment.org, lors de sa première expérience de travail sur le terrain, Trang a été harcelée sexuellement par un supérieur masculin de l’organisation partenaire, et son supérieur hiérarchique masculin non seulement n’est pas intervenu, mais lui a dit que c’était quelque chose à quoi il fallait s’attendre si elle voulait travailler dans le secteur de la protection de l’environnement.

« Si nous voulons continuer à améliorer le renforcement de nos capacités nationales, nous devons vraiment faire pression pour avoir un environnement de travail plus sûr et meilleur pour tout le monde, les femmes, les hommes et les minorités de genre », déclare-t-elle.

Une enquête menée par WildAct Vietnam auprès de 114 personnes a révélé que 5 personnes sur 6 avaient été victimes de harcèlement sexuel, mais que 3 sur 8 ne l’avaient pas signalé. En outre, 1 personne interrogée sur 10 a déclaré avoir été témoin d’un viol ou d’une tentative de viol. Alors que la majorité des incidents étaient verbaux, 5 % des répondantes avaient été victimes de tentatives ou d’abus sexuels réels au travail, et 30 % d’entre elles se sont fait dire par d’autres collègues que c’était « normal » dans leur secteur(Spicer, 2020).

Par Isabelle Mourgere – TV5Monde avec Agence France Presse – 6 septembre 2021

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