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Le TGV entre la Chine et le Laos, emblème coûteux des nouvelles routes de la soie

C’est un événement industriel en Asie : la Chine et le Laos ont inauguré une liaison ferroviaire à grande vitesse. L’aboutissement d’un énorme chantier, mais qui va sans doute profiter davantage à la grande Chine qu’au petit Laos.

La presse officielle chinoise (lien vers un article en anglais) en fait ses gros titres, vendredi 3 décembre. Elle salue d’abord l’achèvement réussi d’un gigantesque projet : 1 035 km de ligne à grande vitesse entre le sud de la Chine, Kunming, et Vientiane, la capitale du Laos, ce pays de sept millions d’habitants, enclavé en Asie du Sud, sans accès à la mer.

Pour les entreprises de BTP chinoises c’est un succès, car le défi était d’importance : la zone est montagneuse, difficile d’accès, avec des risques d’inondation et de vents violents. Il a fallu construire plus de 250 ouvrages d’art, dont plus de 75 tunnels et 160 ponts. Les deux tiers de la ligne sont concernés par ces constructions. Et puis bien sûr, il y a les gares : 21 construites au total, pour moitié côté chinois, pour moitié côté laotien. Le tout en ayant respecté les délais annoncés au départ, un peu plus de cinq ans de travaux.

Le résultat des courses, c’est un trajet en huit heures dans des trains ultra modernes rouges et blancs. Dont seulement trois heures entre la frontière et la capitale du Laos Vientiane, là où il faut compter deux jours par la route ! Et pour le Laos, c’est une révolution, une sorte de saut dans la modernité. Savez-vous combien le pays comptait de kilomètres de réseau ferroviaire jusqu’à présent ? Quatre kilomètres en tout et pour tout ! Et du jour au lendemain, une ligne à grande vitesse sur des centaines de kilomètres !

Un projet ferroviaire mondial

Que ça profite à la Chine, ça ne fait guère de doute : c’est un débouché commercial, et surtout c’est la première pierre d’un projet beaucoup plus ambitieux, la ligne panasiatique. Il faut regarder une carte pour comprendre : l’objectif est de continuer cette ligne vers le Sud, au-delà du Laos, vers la Thaïlande puis le grand nœud commercial de Singapour, et de connecter ensuite le tout au nord de la Chine et aux liaisons ferroviaires qui existent déjà vers la Russie et l’Europe. C’est un domino dans un échiquier géant, le grand projet chinois des « nouvelles routes de la soie ». Et c’est aussi un symbole politique : le grand frère chinois vient aider le petit voisin, les deux régimes se réclamant du communisme.

Pour le Laos, c’est une autre paire de manches. À première vue, un désenclavement spectaculaire et la possibilité d’accéder au marché chinois : c’est l’objectif immédiat, le commerce de marchandises, quatre millions de tonnes dans dix ans selon la Banque mondiale. Et puis l’espoir de développer le tourisme, une ressource déjà en plein essor au Laos. Mais on peut quand même se poser des questions sur l’intérêt d’un projet aussi moderne pour un pays qui reste encore très agricole, et qui aurait surtout besoin d’infrastructures locales plus développées. Précisons au passage que plus de 4 000 agriculteurs laotiens ont été expropriés pour construire la ligne.

Et puis il y a la facture : six milliards de dollars au total dont plus d’un milliard prêté par la Chine au Laos. Et personne ne sait vraiment comment Vientiane pourra rembourser. D’autant que le régime laotien est très opaque. C’est tout le problème de ces grands projets chinois un peu partout dans le monde, notamment en Afrique : les pays concernés s’endettent fortement et se retrouvent donc les mains liées, tenues par Pékin.

Par Jean-Marc Four – Franceinfo Radio France – 3 décembre 2021

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