Birmanie : une descente de soldats dans la cathédrale de Mandalay
Les soldats ont affirmé que la cathédrale fournissait des armes aux rebelles et aux opposants au coup d’État du 1er février 2021, mais ces derniers sont repartis sans avoir rien trouvé au cours de la perquisition.
À nouveau, une église catholique de Birmanie est devenue la cible de la junte militaire. Près de 100 soldats ont pris d’assaut l’enceinte de la cathédrale du Sacré-Cœur à Mandalay vendredi dernier 8 avril, pénétrant de force dans l’église, la maison de l’archevêque, la résidence du curé et le centre du clergé, rapporte UCA News.
Les soldats sont arrivés vers 14h30 et certains ont monté la garde devant l’enceinte de la deuxième plus grande cathédrale du pays, tandis que d’autres ont fouillé tous les bâtiments du complexe. Une source ecclésiastique a déclaré à UCA News que l’armée avait reçu une information selon laquelle des armes étaient cachées dans le centre réservé aux prêtres.
Aucune arme trouvée
L’archevêque du diocèse se trouvait dans un autre bâtiment au moment du raid. Mgr Marco Tin Win, 61ans, a été emmené à la cathédrale et obligé de s’asseoir avec les autres, a rapporté la Catholic News Agency (CNA). Le vicaire général, le père Dominic Jyo Du, a tenté d’expliquer aux soldats que le seul argent dont ils disposaient était constitué de dons collectés pour les pauvres, mais il a été poussé dans la cathédrale avec les autres.
La plupart des soldats sont repartis après près de trois heures sans avoir trouvé d’armes, à l’exception de deux épées de cérémonie émoussées offertes à l’archevêque. CNA cite un prélat: «personne n’a été blessé» mais, l’archevêque, quelques prêtres et des membres du personnel présents lors du raid «ont été secoués». Aucun d’entre eux n’aurait été arrêté. Le reste des soldats est reparti dans la journée de samedi.
Inquiétude des fidèles
Mandalay est la deuxième plus grande ville birmane après Rangoun, un des poumons économiques du pays. Elle compte une importante population d’ethnie tamoule, de confessions catholique ou musulmane. Ces derniers n’ont jamais manifesté d’hostilité ouverte à l’égard des putschistes, tandis que Mgr Tin Win a ouvertement apporté son soutien moral aux manifestants pro-démocratie en descendant dans la rue devant la maison du clergé à Mandalay en février dernier.
La nouvelle du raid militaire s’est rapidement répandue parmi la communauté catholique locale minoritaire dans les cinq paroisses de la ville, provoquant une grande inquiétude.
«Nous avons été soulagés que personne n’ait été blessé ou arrêté et que nous ayons pu reprendre nos services religieux», a déclaré un paroissien qui a rejoint l’assemblée des fidèles samedi soir après le départ des soldats. En effet, tous les samedis soirs, les fidèles ont été invités par l’archevêque à passer une heure en adoration. Mgr Tin Win a également introduit une prière pour la paix tous les premiers dimanches du mois dans ce pays en proie à des faits de violence, en particulier depuis le coup d’État.
La Birmanie en guerre
Ce pays pauvre d’Asie du Sud-Est a été plongé dans la crise après que des militaires, dirigés par le généralissime Min Aung Hlaing, aient déposé le gouvernement élu de la Ligue nationale pour la Démocratie (LND) d’Aung San Suu Kyi, le 1er février 2021. Ils ont emprisonné cette dernière et d’autres dirigeants élus, ce qui a déclenché des manifestations et des grèves généralisées, les protestataires appelant à leur libération et au rétablissement du processus démocratique.
Les forces de sécurité ont déclenché une répression sanglante contre les opposants, tuant plus de 1 700 manifestants et en arrêtant plus de 11 000 autres à ce jour, selon le dernier décompte de l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP), un groupe de défense des droits qui documente et compile les victimes du coup d’État. Le nombre réel de victimes est probablement beaucoup plus élevé.
L’offensive de l’armée a ravivé ses anciens conflits avec les groupes rebelles armés du pays, notamment dans les États à prédominance chrétienne de Chin, Kayah et Karen, habités par les groupes ethniques Kachin, Chin, Karen et Kayah. En outre, de nombreux groupes indépendants de résistance civile ont vu le jour pour se défendre contre les atrocités de la junte.
Des institutions ecclésiastiques prises pour cible
Le clergé et les institutions catholiques seraient des cibles privilégiées de la junte, malgré les appels lancés dans le monde entier pour mettre fin au conflit et à l’oppression. Trois villages catholiques de la région de Sagaing, qui dépendent de l’archidiocèse de Mandalay, ont été gravement touchés par des attaques et des raids militaires. Quatre personnes ont été tuées et des milliers d’autres ont été déplacées.
Cette dernière attaque contre une cathédrale fait suite à des attaques contre des églises catholiques, baptistes et d’autres confessions dans les bastions chrétiens des États de Chin et de Kayah. Des prêtres et des pasteurs ont été arrêtés et de nombreux civils non armés, dont des chrétiens, ont été tués.
En novembre dernier, les forces de la junte ont également fait une descente dans la cathédrale du Christ Roi, dans le diocèse de Loikaw, et ont arrêté 18 professionnels de la santé locaux. La cathédrale du Sacré-Cœur du diocèse voisin de Pekhon, dans l’État de Shan, a été attaquée à trois reprises par des tirs d’artillerie.
Les diocèses de Hakha, Kalay, Loikaw et Pekhon, sur les 16 diocèses que compte la nation déchirée par le conflit, ont été durement touchés.
Des milliers de personnes déplacées
Le coup d’État a entraîné un grand nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays et au-delà de ses frontières. Le 4 avril dernier, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés estimait à 907 500 le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays, dont 560 900 nouvellement déplacées depuis le coup d’État.
Les églises qui abritent les personnes déplacées fuyant les affrontements entre l’armée et les groupes armés sont souvent prises pour cible, perquisitionnées et bombardées par les militaires. Des prêtres et des pasteurs sont arrêtés, tandis que de nombreux civils non armés, y compris des chrétiens, ont été tués.
Le coup d’État a marqué la fin de 10 ans de réformes vers un régime démocratique, après près de 5 décennies d’un dur régime militaire.
Vatican News – 11 avril 2022
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