Pagode, statues de Bouddha… Dans ce petit village français, on se croirait presque au Vietnam
Cet été, l’édition du soir vous emmène sur les routes de France, à la découverte de ces lieux marqués par l’influence d’un pays étranger. Pour ce troisième épisode, direction l’Allier, dans un petit village du Bourbonnais aux accents asiatiques.
Niché dans une vallée verdoyante, Noyant-d’Allier a tout du village typique d’Auvergne, avec ses fermes à pans de bois, mêlant briques et torchis, son église, dont le chevet date du XIIe siècle, surplombé par son château du XIVe siècle qui compte encore un chemin de ronde depuis lequel on devine, au loin, les monts du Forez, la montagne bourbonnaise et la chaîne des Puys…
À côté de cette image d’Épinal représentant la France profonde, la commune de 650 habitants a la particularité d’accueillir une pagode, avec son temple bouddhiste, son jardin d’inspiration asiatique et sa trentaine de Bouddhas, dont une statue dorée de sept mètres de haut ! De quoi donner à Noyant un petit côté exotique, offrant aux visiteurs un dépaysement total, à de deux heures de Paris.
Un passé minier
Pour comprendre cette incongruité, il faut se pencher sur l’histoire singulière de ce village. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, Noyant a vu fermer l’activité qui la faisait vivre depuis près de 200 ans : sa mine de charbon. Dernier vestige de l’exploitation minière du département de l’Allier, la fosse est définitivement fermée en 1943, à la suite d’un accident. Après-guerre, les travailleurs d’origine polonaise et leurs familles, arrivés au début du XXe siècle pour pallier le manque de main-d’œuvre, quittent la commune pour se faire embaucher ailleurs. Le coron se vide, laissant une centaine de maisons vacantes. Le village perd alors près de la moitié de sa population.
Les rapatriés d’Indochine
Dix ans plus tard, en 1954, les accords de Genève mettent un terme à la guerre d’Indochine, après la défaite française de Dien Biên Phu. Alors que le gouvernement français doit évacuer en urgence les membres de son administration coloniale et leurs familles, ainsi qu’une partie du personnel indochinois ayant travaillé pour elle, la commune de Noyant-d’Allier se porte candidate pour abriter un centre d’accueil.
Entre 1955 et 1965, le village accueille 1 500 rapatriés. Des Cambodgiens, des Laotiens et une majorité de couples franco-vietnamiens et leurs enfants débarquent en plein hiver, dans ce bout de campagne du centre de la France depuis le Delta du Mékong, avec leurs traditions, leurs tenues et tout ce qui fait la richesse de leur culture. Ce choc climatique et culturel sera adouci par l’accueil fraternel des Auvergnats, permettant ainsi une intégration réussie.
Une terre d’accueil
À la fermeture du centre d’accueil, en 1965, la majorité de ces familles quittent leur petite maison ouvrière, laissant leur place aux boat people, ces réfugiés politiques fuyant les dictatures de ce coin d’Asie. C’est le cas de Caroline Guyenne, arrivée en France en 1991, à l’âge de 11 ans, avec sa famille. « En débarquant dans l’Hexagone, nous avons d’abord été logés à Créteil, dans un foyer d’accueil, raconte l’intéressée. Un jour, une dame de Noyant est venue faire l’interprète, elle nous a ensuite emmenés visiter son village. Ma mère est tombée amoureuse de ce lieu, avec son identité particulière et ces personnes d’origine vietnamienne qui l’ont aidée à faire ses papiers. Nous sommes venus vivre ici l’année suivante. »
Une pagode, comme en Asie
Aujourd’hui, on estime que la moitié de la population du village est eurasienne. À l’initiative de la communauté asiatique, une pagode – comme celles que l’on trouve au Vietnam – a été érigée en 1983, afin de célébrer le culte bouddhiste. Le parc paysager qui l’entoure, avec ses statues de Bouddha, ses lotus, orchidées et autres pivoines offrent aux habitants un lieu de ressourcement et de méditation.
Le temple est devenu une destination de pèlerinage depuis qu’il conserve les cendres de Thich Trung Quan, un moine bouddhiste mondialement connu dans la communauté. Lieu cultuel, la pagode, qui fait partie aujourd’hui du patrimoine local, est aussi un lieu touristique ouvert aux visiteurs (à condition de se déchausser, comme le veut la tradition). Elle attire chaque année 25 000 personnes. À côté, Caroline Guyenne, naturalisée française, a ouvert Le Petit d’Asie, un restaurant asiatique où elle propose des spécialités de son pays, le tout servi en tenue traditionnelle vietnamienne. Elle se veut l’ambassadrice de son village d’adoption et de sa double culture.
Par Gautier Demouveaux – Ouest France – 25 juillet 2023
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