Thaïlande : le parti vainqueur des élections écarté de la coalition chargée de former un gouvernement
Le divorce est acté en Thailande. Move Forward a été exclu mercredi 2 août par le parti Pheu Thai de la coalition chargée de désigner le nouveau Premier ministre et son gouvernement découlant des élections législatives du 14 mai. Arrivé premier, Move Forward a refusé de renoncer à son projet de modifier la loi relative au crime de lèse-majesté comme demandé par la coalition et le Pheu Thai doit désormais créer une nouvelle coalition avec les sept autres partis pro-démocratie.
Aux yeux des partisans du parti Move Forward, plutôt jeunes et urbains, c’est une tragédie en plusieurs actes qui se joue actuellement dans le pays : un déni de démocratie et un nouveau coup d’État. Le parti réformiste vainqueur du scrutin du 14 mai et ayant remporté le plus grand nombre de députés vient d’être écarté par le Pheu Thai, la deuxième formation dans la course et partenaire d’une coalition de huit partis.
Après des jours de tractations en coulisses, le dirigeant du Pheu Thai a annoncé la mise à l’écart de Move Forward : « La formation du nouveau gouvernement n’inclura pas le MFP », a déclaré Chonlanan Srikaew aux journalistes.
En cause : le refus catégorique de Move Forward d’abandonner l’une de ses principales promesses de campagne, celle de réformer la stricte loi de lèse-majesté, qui punit de lourdes peines de prison toute diffamation royale.
Sa détermination à réformer cette loi avait déjà valu au chef de Move Forward Pita Limjaroenrat d’être balayé de sa candidature au poste de Premier ministre par les sénateurs, triés sur le volet par l’ancienne junte, au pouvoir depuis près de dix ans.
Réforme de l’armée et démantèlement de monopoles royaux
La nouvelle de l’écartement du MFP a déclenché la colère de certains de ses partisans, venus manifester devant le siège du Pheu Thai, brûlant des mannequins et souillant les murs du parti de peinture rouge. Le secrétaire général du parti Move Forward, Chaitawat Tulanon, s’est montré plus mesuré, affirmant que le parti continuerait son combat, dans l’opposition : « Nous ferons de notre mieux pour conduire la politique thaïlandaise vers une véritable démocratie, un système dans lequel les votes des gens comptent vraiment », a-t-il déclaré aux journalistes.
Outre la réforme de la diffamation royale, le MFP a effrayé l’establishment thaïlandais en promettant de réformer l’armée et de démanteler les monopoles qui dominent l’économie du royaume.
Au porte du pouvoir, Move Forward est donc relégué à un parti d’opposition. Le Pheu Thai, poids lourd de la politique thaïlandaise et qui avait juré pendant la campagne de ne jamais gouverner avec les putschistes, qui ont accédé au pouvoir en 2014, a désormais la tâche de former une nouvelle coalition.
Le magnat de l’immobilier Srettha Thavisin possible Premier ministre
« Le Pheu Thai s’efforcera d’obtenir suffisamment de voix, le MFP sera dans l’opposition et nous travaillerons dans une nouvelle dimension qui sera bénéfique pour le peuple. Le parti va maintenant présenter le magnat de l’immobilier Srettha Thavisin comme candidat au poste de Premier ministre », a ajouté Chonlanan Srikaew.
Reste à savoir si la candidature de son dirigeant Srettha Thavisin au poste de Premier ministre sera validée : verdict vendredi 4 août lors du vote du Parlement.
Le Pheu Thai est un poids lourd de la politique thaïlandaise, dirigé en sous-main par la famille Shinawatra et qui compte parmi ses membres deux anciens Premiers ministres évincés par des coups d’État militaires en 2006 et 2014.
Radio France Internationale – 2 Août 2023