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La Thaïlande face au casse-tête de la régulation des armes à feu

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La fusillade dans un centre commercial de Bangkok mardi, un an après un massacre dans une crèche du Nord-Est, ravive en Thaïlande la question de la régulation du marché des armes à feu, alimenté notamment par des policiers.

Deux femmes ont été tuées dans cette dernière attaque, survenue dans le coeur commerçant et touristique de la capitale.

L’assaillant présumé, un adolescent de 14 ans, a utilisé un pistolet à blanc qu’il a modifié afin de pouvoir tirer à balles réelles, a indiqué la police.

Le drame intervient un an quasiment jour pour jour après qu’un ancien policier a tué 36 personnes, au couteau et au fusil, lors d’un périple meurtrier débuté dans une crèche, dans la province de Nong Bua Lam Phu.

Ce massacre avait créé une vague d’émotion mondiale, suivie en Thaïlande par de nombreuses promesses de renforcer l’encadrement des armes à feu.

Mercredi, le Premier ministre Srettha Thavisin a une nouvelle fois promis de “donner la priorité aux mesures de prévention” de telles tueries, sans toutefois donner de détails.

Les experts interrogés par l’AFP pointent des annonces suivies de peu d’effet: des fusillades meurtrières, à petite échelle, remplissent les pages des journaux thaïlandais presque toutes les semaines.

Presque dix millions d’armes à feu sont en circulation en Thaïlande, soit presque une pour sept habitants, un taux très élevé pour la région, selon les données du site gunpolicy.org.

Le royaume a enregistré presque 1.300 décès par arme à feu en 2019 (dernière statistique disponible), quand le Vietnam, plus peuplé, en compte dix fois moins, d’après la même source.

– Marché noir florissant –

Derrière ces chiffres se cachent des normes culturelles qui exacerbent les valeurs liées à la force, explique Boonwara Sumano, chercheuse à l’Institut de recherche sur le développement de la Thaïlande (TDRI).

“C’est très commun parmi les étudiants de l’enseignement technique de construire leurs propres armes”, assure-t-elle auprès de l’AFP.

L’instabilité politique du royaume, marquée par les ingérences de l’armée, a également poussé les habitants à se tourner vers les armes à feu pour se protéger.

La loi permet aux citoyens âgés de plus de 20 ans d’acheter une arme à feu, en fournissant un motif valide, comme l’auto-défense ou la chasse. Les clients doivent également se soumettre à une vérification de leurs antécédents.

Les importations d’armes sont en principe strictement encadrées via des quotas drastiques et des taxes élevées.

Mais le marché noir est inondé d’armes, notamment en provenance des Etats-Unis, du fait d’un programme gouvernemental accusé de créer un véritable appel d’air.

Ce programme permet aux forces de l’ordre d’importer à bas prix des armes pour leur usage personnel en passant par des agences de l’Etat. Sans devoir se soumettre à la procédure normale, et sans limite de quantité.

– Tests psychologiques sporadiques –

“C’est le vrai problème”, estime Michael Picard, chercheur indépendant spécialiste du trafic d’armes et de la corruption: “Certains policiers revendent avec profit, sur le marché noir, des armes achetées à prix réduit”.

Après la tuerie de Nong Bua Lam Phu, la police a annoncé la suspension indéterminée du programme. Mais une source au sein de l’institution a assuré à l’AFP qu’il restait d’actualité.

Beaucoup d’officiers de police utilisent leurs propres armes pour éviter de payer une lourde amende si leur arme officielle est endommagée ou perdue.

Sans ce dispositif, “les policiers débutants et de rang inférieur n’auraient pas les moyens d’acheter des armes à feu”, avance la source, qui a souhaité rester anonyme en raison du caractère sensible du sujet.

Selon elle, une arme à feu achetée par le biais du programme gouvernemental coûte de 770 à 1.000 euros, soit environ trois fois moins que sur le marché classique, évalué autour de 2.500 euros.

Le drame de Nong Bua Lam Phu, perpétré par un ancien policier qui souffrait d’addiction aux drogues mais qui a pu garder son arme malgré tout, a également mis sur la table la question de la santé mentale des possesseurs d’armes à feu.

Les contrôles psychologiques au sein de la police restent sporadiques, malgré les promesses de renforcer la surveillance, selon la même source policière.

Contactées, les forces de l’ordre n’ont pas répondu aux demandes de l’AFP.

Agence France Presse – 6 octobre 2023

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