Le Laos, un autre pays au bord du défaut de paiement
N’avez-vous jamais entendu parler du Laos, ce pays montagneux de l’Asie du Sud-Est? Ce petit pays traverse une crise de dette alarmante, suscitant des inquiétudes quant à ses obligations à l’égard de son principal créancier, la Chine.
Pékin est effectivement devenu le premier investisseur étranger au Laos dès 2013. La majeure partie de sa dette publique, que le FMI estime à 122 % du PIB en 2023, est due au géant asiatique. Et ce, en raison des contrats d’infrastructure conclus dans le cadre de l’initiative chinoise Belt And Road Initiative (BRI). Le Laos a emprunté des milliards pour financer des chemins de fer, des autoroutes et des barrages hydroélectriques; épuisant au passage ses réserves de change.
Combiné à l’augmentation des prix des denrées alimentaires et des carburants, ainsi qu’à une crise monétaire, le kip laotien (1 kip = 0,00015 dinar) s’est déprécié jusqu’à atteindre des niveaux historiquement bas par rapport au dollar américain. Ce qui a provoqué une inflation galopante. Les économistes craignent maintenant que le pays ne soit au bord de l’effondrement économique, si la crise échappe à tout contrôle.
Ainsi, le gouvernement a réagi, en mettant en œuvre plusieurs mesures de stabilité. Et notamment en augmentant les taux d’intérêt, en émettant des obligations et en collaborant avec la Banque asiatique de développement sur les pratiques de gestion de la dette. Il a également réduit les dépenses dans des services essentiels tels que l’éducation et les soins de santé. Mais sans un accord clair de réduction de la dette avec la Chine, les difficultés financières du Laos ne s’atténueront probablement pas.
L’allongement des périodes de remboursement et la réduction des taux d’intérêt sont donc une option. Tout comme une approche centrée sur le climat, telle que l’échange dette-climat, qui impliquerait que le Laos s’engage à mettre en œuvre des politiques environnementales en échange d’une réduction de sa dette.
Allégement à court terme
La Chine a accordé au Laos un allègement significatif de sa dette à court terme, de 2020 à 2022. Ce qui constitue un soulagement temporaire selon les termes de la Banque mondiale. En effet, elle estime que les remboursements différés au cours de ces trois années atteignaient environ 8 % du PIB du Laos en 2022.
Mais la générosité de la deuxième économie mondiale a des limites. Comme pour le Sri Lanka et la Zambie, la Chine n’a jusqu’à présent pas voulu réduire sa dette; malgré les signes évidents que cela sera finalement nécessaire et profitable à tous.
Cependant, il est dans l’intérêt de Pékin d’empêcher le Laos de se retrouver en défaut de paiement. Des relations solides entre la Chine et le Laos renforcent la position de Pékin en Asie du Sud-Est; alors que Washington gagne en influence dans la région indopacifique. En outre, les banques chinoises ne veulent pas devenir des créanciers accablés par des actifs non performants. Et la Chine ne veut pas non plus apparaître comme un prêteur peu fiable pour les pays en développement.
Inquiétudes concernant le piège de la dette
Par ailleurs, certains économistes ont mis en garde contre le piège de la dette. Un scénario dans lequel Pékin saisirait de précieux actifs d’infrastructure au Laos, si ce dernier faisait défaut ou n’était pas en mesure de payer à temps. Ces inquiétudes se sont accrues après que l’entreprise publique Electricité du Laos, qui représente environ 37 % de la dette extérieure du pays, a signé un accord de concession de 25 ans avec China Southern Power Grid en 2021. Cet accord donne aux entreprises d’Etat chinoises une participation majoritaire et les droits d’exporter l’électricité du Laos à l’étranger.
En fin de compte, le Laos doit diversifier ses investissements étrangers. Mais compte tenu de ses turbulences économiques, il sera difficile d’y parvenir sans un accord de restructuration de la dette. En attendant, Vientiane dispose encore de nombreuses options. Cela pourrait impliquer des réformes budgétaires, y compris la réduction des exonérations fiscales excessives et l’amélioration de la collecte des impôts du côté des recettes. Du côté des dépenses, les réformes peuvent toucher les prêts et les garanties accordés aux entreprises publiques.
Ce pays asiatique, avec qui la Tunisie n’a quasiment aucune relation, nous ressemble beaucoup. Nous ne sommes pas dans sa situation, mais nous partageons les mêmes maux budgétaires. C’est juste un autre exemple qui montre qu’en l’absence de réformes et de prises de problèmes au sérieux, nous pouvons dans quelques années commencer à sentir des effets comparables.
Par Bassem Ennaifar – L’économiste maghrébin – 9 novembre 2023
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