La justice thaïlandaise blanchit Pita Limjaroenrat, le leader de l’opposition, qui redevient député
Le chef de file de Move Forward était accusé de posséder des actions dans un organisme de presse durant les élections législatives en 2023.
La Cour constitutionnelle thaïlandaise a blanchi, mercredi 24 janvier, le leader de l’opposition, Pita Limjaroenrat, accusé de posséder des actions dans une chaîne de télévision pendant la campagne électorale en 2023, ce qui est interdit par la loi. Le chef de file du principal parti prodémocratie, Move Forward, retrouve ainsi son siège de député, dont il avait été suspendu depuis plusieurs mois, le temps de l’instruction du dossier.
Devant le tribunal, sous une surveillance policière renforcée, des dizaines de partisans ont célébré l’annonce, chantant « Pita premier ministre », ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse sur place. Le verdict était particulièrement attendu dans un royaume déchiré entre des élites traditionnelles accrochées au pouvoir, et des jeunes générations en quête de renouveau, dont Pita Limjaroenrat, 43 ans, est le porte-étendard.
« Tout le monde me manque. Je vais me dépêcher de rejoindre l’équipe bientôt », a commenté le politique qui a promis de retrouver « aussi rapidement que possible » les bancs de l’Assemblée nationale, où domine une vaste coalition entre la formation populiste Pheu Thai, son ancien allié, et des mouvements proarmées. En avril dernier, son parti, Move Forward, a remporté les législatives sur la base d’un programme visant à moderniser des institutions jugées défaillantes après une quasi-décennie sous domination militaire.
« Pita » sous le coup d’une accusation de lèse-majesté
Mais l’ascension de l’ancien étudiant de Harvard a suscité une levée de boucliers de ses opposants militaro-royalistes qui jugent son programme trop radical vis-à-vis de la monarchie. « Pita », au profil unique en Thaïlande, a perdu cet été le vote pour devenir premier ministre du fait des sénateurs proarmées. Dans le même temps, il a été visé par des actions en justice, dans ce qu’il dénonce être une tentative de déstabilisation politique.
Il reste sous le coup d’une procédure judiciaire, au sujet d’accusations de lèse-majesté à l’encontre de Move Forward. La Cour constitutionnelle doit rendre son verdict mercredi prochain.
Mercredi, les juges lui ont donné raison dans cette affaire de soupçons de possession d’actions dans une chaîne de télévision durant la campagne électorale, en contradiction avec la loi thaïlandaise qui interdit aux candidats d’être impliqués dans la gestion d’organismes de presse.
La chaîne en question, iTV, n’émet plus depuis 2007 et ne peut donc pas être reconnue comme média, s’était défendu Pita Limjaroenrat, qui a expliqué avoir hérité les parts de son père qui est mort. M. Limjaroenrat risquait la révocation de son mandat de député. « iTV n’opérait pas comme organisme de presse le jour où le parti a soumis le nom de l’accusé pour les élections (…). Détenir les actions n’a pas violé la loi », a conclu le juge Punya Udchachon.
L’ancêtre de Move Forward dissout par la justice
Au début de la procédure, les juges avaient suspendu en juillet 2023 M. Limjaroenrat de son mandat de député, le temps de l’examen. Celui-ci s’était également mis en retrait de la direction du parti Move Forward.
La Cour constitutionnelle a joué un rôle important dans plusieurs des crises politiques qui agitent la Thaïlande de manière récurrente, notamment en prononçant la dissolution en 2020 de Future Forward, l’ancêtre de Move Forward.
Cette décision avait provoqué de grandes manifestations réclamant la refonte d’un système jugé peu transparent et biaisé. Le chef du mouvement, Thanathorn Juangroongruangkit, avait alors été banni dix ans de la vie politique.
Dans une autre affaire, quelques mois plus tôt, la Cour constitutionnelle avait déchu le célèbre opposant de son mandat de député, pour avoir possédé des actions dans un groupe de médias durant la campagne 2019.
Le Monde avec Agence France Presse – 24 Janvier 2024
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