Produites en Thaïlande, les romances LGBT+ conquièrent le monde
Les romances LGBTQ+ made in Thaïlande conquièrent toute l’Asie, surfant sur la vague des « Boys’ Love » et « Girls’ Love » pour propulser le royaume sur le devant de la scène médiatique.
Des romances à l’eau de rose narrant l’histoire de couples homosexuels, produites en Thaïlande, séduisent des millions de fans à l’étranger, une niche lucrative pour le royaume d’Asie du Sud-Est, qui s’apprête à légaliser le mariage pour tous. « Toutes les amours se valent, qu’importe que ce soit entre des hommes, des femmes ou des personnes d’un troisième genre », affirme Huang Bingbing, une Chinoise de 36 ans, qui a emménagé en Thaïlande pour vivre sa passion. Une série thaïlandaise sur l’histoire d’« amour immature » entre deux jeunes hommes l’a sauvée de la dépression et du burn-out il y a cinq ans, assure-t-elle.
Inspirés des mangas « yaoi » qui ont fleuri au Japon dans les années 1960, les « Boys’ Love » (BL) et leur déclinaison au féminin, les « Girls’ Love » (GL), ont pris une dimension internationale grâce à des productions made in Thaïlande, où la communauté LGBT+ bénéficie d’une plus grande visibilité et tolérance qu’ailleurs en Asie. Le royaume s’apprêter à légaliser dans les prochaines semaines l’union entre des personnes de même sexe, une première en Asie du Sud-Est.
YouTube et d’autres plateformes de streaming, dont Netflix, ont flairé le bon filon, qui cartonne auprès d’un public essentiellement féminin et hétérosexuel. Lors d’un événement promotionnel à Bangkok, des centaines d’admirateurs ont attendu des heures pour voir deux actrices révélées par le succès d’un GL, dont chaque épisode compte plusieurs millions de vues sur YouTube.
Soft power et succès économique
À Tokyo, au Japon, des fans du genre se réunissent dans un café thaïlandais où les murs sont tapissés de posters à la gloire d’acteurs de BL. Les séries thaïlandaises sont devenues « très populaires » durant la pandémie, estime Kira Thu-Ha Trinh. « Ça peut paraître malpoli (vis-à-vis des autres pays), mais la Thaïlande le fait mieux », assure-t-elle. Le public chinois, aussi, a succombé à la vague, mais depuis 2021, Pékin interdit aux entreprises chinoises de produire des séries similaires ou de les diffuser. Des millions de fans continuent cependant de suivre leurs héros et héroïnes, via des sites de streaming.
Pour la Thaïlande, le succès de ses séries tombe à pic, en pleine promotion du « soft power » par le gouvernement. Le pays cherche à repolir son image afin de favoriser exportations et tourisme, deux sources de revenus importantes pour une économie souffreteuse depuis la pandémie. Le nombre de BL produits en Thaïlande est passé de 19 entre 2014 et 2018, à 75 en 2022, selon des données recueillies par Poowin Bunyavejchewin, chercheur spécialiste de l’Asie de l’Est à l’université Thammasat de Bangkok.
En Thaïlande, une réalité LGBT+ différente des séries
Les séries sont devenues populaires même auprès de sociétés plus conservatrices telles que l’Inde, l’Indonésie et la Malaisie, assure-t-il. « Il y a des groupes de fans importants (dans ces pays), mais ils ne peuvent pas s’identifier publiquement comme fans de BL en raison de contraintes socio-culturelles, comme la religion », poursuit-il. Mais les BL et les GL ne doivent pas dissimuler une situation plus contrastée pour la communauté LGBT+ en Thaïlande, prévient-il. « Parfois la vie d’hommes gays en Thaïlande peut se révéler tragique. Ils ont des problèmes de famille. Mais personne ne veut en parler », a-t-il remarqué.
L’acteur Suppapong Udomkaewkanjana, qui a connu la notoriété en 2018 grâce à un BL, a fondé sa propre société de production en 2020 pour développer des histoires allant au-delà des romances à l’eau de rose. Le Thaïlandais âgé de 26 ans a retrouvé dans un temple de Bangkok d’autres actions et l’équipe de tournage de sa dernière série, un GL, afin de prier pour son succès. « Je vois des opportunités avec les BL, comme défendre l’égalité des genres et le mariage pour tous », affirme-t-il.
Géo Magazine avec Agence France Presse – 10 juin 2024
Articles similaires / Related posts:
- Littérature thaïlandaise : « Les Nobles » de Dokmaï Sot, portrait de femme non conventionnelle « Faire le bien est chose difficile pour beaucoup de gens. Les difficultés découragent, elles font hésiter le plus grand nombre à faire le bien. »...
- Littérature thaïlandaise: « La chute de Fak » de Chart Korbjitti ou la tragédie de l’exclusion sociale C’est un événement pour les amateurs de littérature asiatique. Les éditions Gope ont réédité le 1er décembre dernier La chute de Fak de Chart Korbjitti, l’un des plus grands romanciers thaïlandais....
- Rencontre avec l’auteur (francophone) du roman « Bangkok Déluge », Pitchaya Sudbanthad « Bangkok Déluge » est à la fois un roman historique et d’anticipation dans lequel l’auteur francophone Pitchaya Sudbanthad dresse un magnifique portrait la capitale thaïlandaise menacée par les eaux. ...
- Thaïlande : Thanapol Eawsakul, un éditeur “harcelé” par les autorités Sans apparaître en tête du classement des pays qui emprisonnent le plus les écrivains, la Thaïlande entretient une relation très particulière avec la liberté d’expression, faite d’intimidations constantes du gouvernement. ...
- En Thaïlande, le rap électrise la contestation de la jeunesse Facile à produire et à diffuser, le hip hop aux textes hostiles au pouvoir connaît un succès grandissant en Asie du Sud-Est, malgré les tentatives de censures des autorités....