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Thaïlande : Pita Limjaroenrat déclaré inéligible pour dix ans par la Cour constitutionnelle, son parti dissous

Plus d’un an la victoire historique de Move Forward aux législatives, le parti était accusé d’avoir voulu renverser la monarchie durant sa campagne électorale, en remettant en cause le crime de lèse-majesté visant le roi.

La Cour constitutionnelle thaïlandaise a prononcé, mercredi 7 août, le bannissement pour dix ans de Pita Limjaroenrat, la personnalité politique la plus populaire du pays, et la dissolution de son parti prodémocratie, Move Forward (MF), accusé de vouloir déstabiliser la monarchie.

« La Cour constitutionnelle a voté à l’unanimité pour dissoudre Move Forward et bannir les membres du comité exécutif qui ont exercé leurs fonctions du 25 mars 2021 au 31 janvier 2024 (…) pendant dix ans », ce qui inclut Pita Limjaroenrat, a déclaré le juge Punya Udchachon, lors de la lecture du verdict. L’arrêt impose également une interdiction d’activité politique à plusieurs personnes qui ont occupé des postes de direction au sein du parti.

« En principe, la Cour constitutionnelle devrait être utilisée pour défendre la démocratie, et non pour rendre la Thaïlande moins démocratique », avait déclaré Pita Limjaroenrat peu avant l’audience, mercredi. Plus d’un an après le score historique de MF aux législatives, bâti sur la promesse d’un programme progressiste rarement vu en Asie du Sud-Est, le parti est accusé d’avoir voulu renverser la monarchie durant sa campagne électorale en proposant une réforme de la loi 112, qui concerne le crime de lèse-majesté. Le parti jugeait alors cette loi hors de contrôle et instrumentalisée par le pouvoir pour réprimer les dissidents.

Tabou de la lèse-majesté

« Lors des deux dernières décennies, trente-trois partis ont été dissous, dont quatre importants qui étaient élus par le peuple. Nous ne devrions pas normaliser ce modèle ou accepter l’utilisation d’un tribunal politisé pour détruire les partis politiques », a rappelé Pita Limjaroenrat mercredi. L’avenir des députés de ce parti reste incertain, bien que M. Limjaroenrat leur souhaite « une transition en douceur ».

Les accusations visant MF et son chef sont gravissimes en Thaïlande, pays où le roi, Rama X, bénéficie d’un statut de quasi-divinité. Le parti s’est défendu de toute manœuvre illégale et a dénoncé l’ingérence d’institutions contrôlées par ses adversaires politiques au détriment de l’expression populaire. Lors de sa campagne, MF a été le seul parti à évoquer le tabou de la lèse-majesté et promettait une nouvelle Constitution, une réduction du budget de l’armée, et la fin de certains monopoles d’entreprises jugées trop puissantes.

En février, un tribunal avait déjà condamné Pita Limjaroenrat et sept autres figures du mouvement prodémocratie à quatre mois de prison avec sursis, pour une manifestation organisée en 2019 et qui avait été jugée illégale.

Plus de quatorze millions de Thaïlandais – un résultat inédit en plus de dix ans – avaient choisi MF lors des législatives de mai 2023, pour tourner la page d’une quasi-décennie de domination par les militaires issus d’un putsch en 2014, qui a creusé les inégalités et plombé la croissance. Le parti, arrivé en tête de ces élections, était resté dans l’opposition faute de parvenir à former une coalition.

En 2020, la dissolution de Future Forward, l’ancêtre de Move Forward, avait donné lieu à d’importantes manifestations, éteintes par la pandémie et la répression des autorités visant les principales figures du mouvement, en vertu, dans de nombreux cas, de la loi de lèse-majesté.

Le Monde avec Associated Press et Agence France Presse

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