Immigration : pourquoi les Vietnamiens sont-ils si nombreux à tenter la traversée vers le Royaume-Uni ?
Sur l’ensemble de 2024, 36 816 migrants sont parvenus à traverser la Manche depuis la France, soit 25% de plus qu’en 2023. Les Vietnamiens constituent l’une des premières nationalités, avec les Afghans et les Iraniens, à entrer illégalement au Royaume-Uni, sur les fameux « petits bateaux ». Pourquoi ?
Les Vietnamiens constituent l’une des premières nationalités à entrer illégalement au Royaume-Uni, sur les fameux « petits bateaux » qui traversent la Manche. Pourtant, le Vietnam est l’une des économies à la croissance la plus rapide au monde, s’enorgueillit le quotidien vietnamien Thanh Niên.
Pourquoi, les ressortissants de ce pays sont-ils donc si nombreux à risquer leur vie pour atteindre le Royaume-Uni ?, se demande la BBC. Ils sont plus de 4 000 à avoir débarqué illégalement sur les côtes anglaises en 2024, soit 13% des arrivés totales, rapporte le journal britannique The Independent. Les Vietnamiens ont même dépassé – temporairement – les Afghans et les Iraniens sur les six premiers mois de l’an dernier, précise la BBC.
Phuong, par exemple, s’est demandée si elle devait monter à bord d’un petit canot pneumatique où s’entassaient 70 personnes : cette vietnamienne, coincée en France depuis deux mois, décrit la BBC, se souvient « qu’il n’y avait pas assez de gilets de sauvetage pour tout le monde. La peur palpable, l’épuisement et le désespoir sur les visages ». Phuong, qui a quitté le Vietnam et transité par la Hongrie, « avait déjà dû faire demi-tour trois fois au milieu de la Manche à cause du mauvais temps ou d’une panne de moteur » : impossible de rebrousser chemin une fois de plus, elle qui a emprunté l’équivalent de 30 000 euros pour rejoindre l’Angleterre et sa sœur, qui vit à Londres, précise la BBC. Phuong est finalement arrivée saine et sauve, raconte le média public britannique. Sans aucun statut légal, cette jeune Vietnamienne rêve désormais d’économiser suffisamment d’argent pour fonder une famille.
Risque d’esclavage moderne : Des exilé.e.s risquent, une fois arrivé.e.s sur le sol britannique de finir esclaves modernes, alertent la BBC (ainsi que dans un reportage il y a quatre ans) et le Daily Mail. Des femmes Vietnamiennes peuvent devenir victimes de trafic sexuel, ou bien exploitées dans des salons de manucure britanniques, rapportent encore le journal vietnamien Tuoi Tre ainsi qu’une enquête de la BBC de fin décembre. Le gouvernement a lancé une série d’arrestations dans ces emplois clandestins avant Noël, notent le London Standard et le Daily Mail. D’autres immigrés, des hommes, des adolescents sont forcés de travailler dans des plantations illégales de cannabis, dont le chiffre d’affaires annuel frôle les 3 milliards de livres sterling, au Royaume-Uni, estime la BBC. Les Vietnamiens représentent, aujourd’hui, plus d’un dixième des personnes qui portent plainte pour esclavage moderne, indiquent le média public britannique et The Telegraph.
Les Vietnamiens qui arrivent au Royaume-Uni ne disent pas grand-chose à leur famille restée au pays des risques encourus, explique la BBC. La tragédie de 2019, où 39 Vietnamiens avaient été retrouvés morts, asphyxiés dans un camion à Londres, semble même pour certains, un simple accident de parcours, un coup de malchance. Mais cela a poussé les candidats à l’exil à s’éloigner des routes pour se tourner vers les petits bateaux, ajoute la BBC, mus par l’espoir d’une vie meilleure sur le plan économique – dans un pays où le salaire moyen ne dépasse pas les 280 euros – et par l’envie de démocratie, aussi. The Vietnamese Magazine dénonce régulièrement les arrestations et emprisonnements des voix dissidentes dans un Vietnam communiste, à parti unique. Dans ce pays de 100 millions d’habitants où la diaspora aide à faire vivre des familles entières, relève Sky News, les passeurs se servent des anciens pays du bloc communiste, comme la Hongrie, pour obtenir des visas vers le Royaume-Uni, précisent The Telegraph, The Week et le journal vietnamien VN Express.
« C’est une activité très lucrative », confie un passeur vietnamien à la BBC : « Si vous avez une bonne réputation, les clients viennent à vous. Pas de violence, pas d’histoires ». Cet homme montre, sous couvert d’anonymat, comment il falsifie des fiches de salaire, relevés bancaires, pour faire sortir ses compatriotes du Vietnam et explique encore que les gens lui font confiance, qu’il n’échoue jamais sans son travail. Il se défend également, face aux questions du journaliste de la BBC, de forcer les Vietnamiens à emprunter des routes dangereuses et leur conseille même de rester chez eux plutôt que de s’endetter davantage. Les passeurs facturent généralement entre 18 000 et 40 000 euros le voyage du Vietnam vers le Royaume-Uni. En mars, le ministère de l’Intérieur britannique a lancé une campagne sur les réseaux sociaux pour dissuader les Vietnamiens de venir illégalement, rapporte Sky News. Mais selon ITV News, ce trafic d’êtres humains entre le Vietnam et l’Angleterre continue de prospérer : il génère 5 milliards de dollars de chiffre d’affaires par an.
Par Catherine Duthu – Radio France Culture – 6 janvier 2025
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